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Lettre ouverte au directeur des JCC-2015 (vidéo)

Nadia-El-Fani-et-Brahim-Letaief

La cinéaste dénonce la non-programmation de son film ‘‘Même pas mal’’ aux JCC, qui se tiendront du 21 au 28 novembre 2015.

Par Nadia El Fani *

Cher monsieur le directeur des Journées cinématographiques de Carthage (JCC-2015), cher Brahim Letaief.

Je comprends que tu aies été très occupé… Mais j’ai attendu longtemps un coup de téléphone qui n’est jamais venu. Ce n’est pas grave depuis quelques années la Tunisie me blesse et je dois dire et avouer encore plus ces derniers temps. Je ne cherche pas à qui revient la faute ce n’est pas comme ça que je réfléchis…

Simplement le cinéma est ma raison de vivre, j’ai fait les films que j’ai fait, je ne renie rien et même je persiste et signe. J’ai espéré cette année encore que mon film

‘‘Même pas mal’’ ** (grand prix du documentaire au Fespaco 2013, entre autres) soit projeté, juste pour que le public tunisien puisse le voir au moins une fois, aux JCC; ça n’est pas le cas, alors je pense que l’invitation que tu m’envoies, même tardivement n’a aucun sens pour moi. Je ne veux pas être une cinéaste touriste. Je fais des films et je voyage à travers le monde entier pour les donner à voir, à Tunis je veux faire la même chose…

Meme-pas-mal

Comprends-moi, ma décision n’est ni le fruit de la rancune, ni l’expression d’une amertume, un peu de lassitude sans doute… Je ne supporte plus – l’ai-je jamais supporté? – qu’on me fasse «l’honneur» de m’inviter à ne pas participer à cette grande fête du cinéma dans mon propre pays…

Une autre façon de me demander de me taire… Oui, je le prends comme ça!

Depuis ‘‘Laïcité Incha’Allah !’’, j’ai toujours six plaintes au pénal contre moi en Tunisie, dans l’indifférence générale des associations de cinéastes… Aujourd’hui je veux tourner la page, continuer à faire mes films, ailleurs, après tout le monde est vaste! Et où que je sois, où que je vive, où que je crée, ma rage de me battre contre l’injustice, pour la dignité, la liberté et la laïcité est toujours, et je pense pour longtemps encore, intacte.***

Au revoir.

* Cinéaste.

** Ce film raconte le double combat de Nadia El Fani contre les islamistes et contre son cancer. C’est un film sur la liberté d’expression, sur les combats artistiques, créatifs et politiques plus que jamais nécessaires dans un pays, la Tunisie, aux prises avec certaines tendances obscurantistes. 

*** L’information que la direction des JCC fait circuler c’est encore que le film de Nadia El Fani date de 2013… Réponse de la cinéaste : «D’abord, ce sont eux qui m’avaient contactée pour passer le film en projection spéciale (tout Comme Dorra Bouchoucha l’année dernière). Ensuite, quand ils reculent, sans doute par peur de la polémique, ils avancent l’argument qu’il est hors délai… Mais quand un festival veut projeter un film en séance spéciale, il peut choisir n’importe quel film de n’importe quelle année, car il ne s’agit pas d’une sélection… C’est un argument de mauvaise foi… Ensuite on m’invite à venir comme ça… On peut aussi m’inviter dans un jury ou autre… Mais non ça n’a jamais été le cas bien sûr… Voilà pourquoi cette lettre…»

 

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