Une vraie révolution ne s’accomplit que lorsque le système en place change réellement, mais, force est de constater que rien n’a encore vraiment changé en Tunisie.
Par Djemaa Chraiti *
Le soulèvement vient des mêmes régions d’où est partie la révolution, en décembre 2010-janvier 2011. Après Mohamed Bouazizi, qui s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010, voici le chômeur Ridha Yahiaoui, électrocuté le 16 janvier 2016, à Kasserine, après être monté sur un poteau électrique pour protester après le retrait de son nom d’une liste prioritaire d’embauches au ministère de l’Enseignement.
Un désenchantement infini
Que s’est-il passé depuis le 14 janvier 2011, date du départ forcé de Ben Ali? Rien, sinon une augmentation du chômage, qui atteint 15% de la population active, 40% des diplômés et 30% des jeunes dans les zones délaissées du centre, de l’ouest et du sud.
Les régions du sud, particulièrement, défavorisées et menacées directement par la mouvance djihadiste. Un jeune me disait récemment : «Mon diplôme est juste bon à être transformé en cône de papier pour ‘‘glibettes’’ (graines de tournesol). Au moins servirait-il à quelque chose et à quelqu’un!».
Conséquence : pris entre le marteau et l’enclume, les pauvres ont le choix entre plus de pauvreté et radicalisme forcé.
Et le gouvernement tunisien dans tout ça? Les luttes intestines sévissant à l’intérieur des partis qui le composent semblent être la priorité d’un gouvernement sans vision, sans projet et incapable de faire face aux revendications sociales. Le président de la république Béji Caïd Essebsi est plus préoccupé de mettre en place son fils Hafedh que de sortir les jeunes de la précarité. Ennahdha a, depuis longtemps, fait preuve de son incapacité à sortir le pays de la crise. Il pensait, au contraire, pouvoir l’entraîner dans les bas-fonds de l’obscurantisme.
Parmi la population, c’est la colère qui couve, conséquence d’un désenchantement infini qui trouve ses racines dans l’incapacité des autorités à créer des emplois, à réduire les inégalités régionales.
La Tunisie, qui se glorifie d’avoir reçu un prix Nobel de la Paix, n’a pas pu exiger la rétrocession de l’argent volé par l’ancien dictateur Ben Ali, près d’un milliard de francs suisse qui dorment encore dans coffres des banques suisses, estime-t-on, sans parler des sommes déposées dans les banques des autres pays.
Plus d’autoritarisme pour moins de solutions
Cinq ans de promesses, de tergiversations et d’immobilisme. Et que répond le gouvernement, aujourd’hui, aux marches de protestations dans la plupart des villes du pays? Un couvre-feu, tel un couvercle posé sur une cocotte-minute prête à imploser, c’est-à-dire plus d’autoritarisme pour toujours moins de solutions.
Une vraie révolution ne s’accomplit que lorsque le système en place change, mais, force est de constater que rien n’a vraiment changé en Tunisie, comme le mouvement social déclenché il y a 5 ans est resté sans effet !
D’inertie en incompétence, le pays à la dérive nage en pleine déliquescence. Pour changer la donne, il aurait faut d’abord changer un système dévoué aux nantis, éradiquer la corruption qui le gangrène, exploiter le 50% de matière grise non employée, celle des femmes surtout.
En attendant, les seuls qui proposent un changement de système et qui ont un projet et une vision cohérente, ce sont les djihadistes, qui promettent, eux, plus de terrorisme. Face à ce «projet de société» orienté vers le pire et qui nous terrorise, que trouve-t-on? Le néant d’une élite politique amorphe et sans imagination, incapable de lancer le moindre programme de reprise économique et de dessiner un avenir à sa jeunesse désespérée et livrée aux promesses fallacieuses d’un «paradis de houris», sans chômage et sans souffrance.
Le gouvernement doit apprendre à écouter les revendications et, surtout, à y répondre, non par des annonces irréalisables, mais par un changement réel, radical et profond.
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