La réussite des réformes économiques est tributaire d’une évaluation constante des méthodes adoptées dans leur conception et des résultats de leur mise en route.
Par Wajdi Msaed
La 2e édition du Tunisia Economic Forum s’est tenu jeudi 7 avril 2016 à la Maison de l’Entreprise aux Berges du Lac du Tunis, sous la présidence de Mohamed Ennaceur, président de l’Assemblée des représentants du peuple ( ARP ) et avec la participation de 3 membres du gouvernement.
Placée sous le thème «Evaluation des politiques publiques : méthodes et résultats», cette édition s’est penchée a procédé à cette évaluation des politiques en vue de les «ajuster à temps et, surtout, d’instaurer une culture de redevabilité et de transparence aussi bien dans leur conception que dans leur mise en route», a indiqué Ahmed Bouzguenda, président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE, initiateur de ce forum), organisateur du forum, rappelant que sa 1ère édition, tenue en mars 2015, a permis de discuter d’un «livre blanc» élaboré par l’IACE sur les réformes à mettre en place dans le pays pour assurer la relance de la machine économique, rendre plus attractif le climat des affaires et impulser l’investissement. Cette fois-ci, on a voulu souligner l’importance des méthodes et des approches pour assurer la réussite des politiques adoptées.
Le prix du consensus
«L’étude de ce thème avec ce haut niveau de compétences tunisiennes et étrangères prouve l’importance capitale qu’il revêt à cette étape cruciale par laquelle passe notre pays», a indiqué le président de l’ARP, soulignant que les politiques publiques sont au cœur des fonctions de l’Etat et la raison d’être de ses institutions. La tenue de ce forum coïncide, d’ailleurs, avec la phase de mise en place de ces institutions et d’élaboration de nouvelles politiques basées sur le consensus national, garant de la bonne marche du pays.
Répondant à une remarque relative au retard accusé par l’ARP dans la promulgation des projets de lois relatives aux réformes économiques et notamment le nouveau code d’investissement, M. Ennaceur a indiqué que ce retard est dû à plusieurs facteurs objectifs dont notamment la multitude de projets de lois déposés par le pouvoir exécutif au bureau de l’ARP et le souci des représentants du peuple d’écouter l’avis des professionnels et des experts sur les textes proposés et leur impact attendu sur la situation économique et sociale, ajoutant que le multipartisme prévalant dans le pays et les différentes visions qui se dégagent autour de chaque sujet recommande l’adoption d’un consensus afin d’assurer la viabilité et la pérennité des nouvelles lois. «Il n’y a donc pas de nonchalance de la part de l’Assemblée», a-t-il précisé.
La préservation de l’intérêt général
Qu’évalue-t-on? Comment évalue-t-on? Ce sont les deux principales questions au cœur de la problématique centrale débattue, et qui porte sur l’efficacité des modes de gouvernance actuels.
En effet, l’évaluation des politiques publiques engage directement la portée et l’efficacité de l’action publique et, par voie de conséquence, la préservation de l’intérêt général. Elle nécessite donc une réflexion approfondie sur les méthodes à déployer, surtout que «ce qui se joue dans l’évaluation des politiques publiques est susceptible de transformer même la nature de l’Etat».
Conscient de la pertinence, de l’actualité et de la complexité du sujet, l’IACE a réussi à réunir, autour des cinq panels du forum, plus de 300 experts, opérateurs économiques et personnalités politiques nationales et étrangères.
Gouvernance, efficacité et redevabilité
Le premier panel, qui s’est intéressé à l’évaluation du point de vue de la redevabilité et des techniques adoptées, a enregistré la participation de Jean-Eric Furubo, membre du bureau exécutif de l’European Evaluation society (Suède), qui a insisté sur la nécessité de mettre les politiques adoptées à l’épreuve des objectifs recherchés. Le 2e panel, modéré par Mustapha Kamel Nabli, ancien ministre du Développement économique et de la Coopération internationale et ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a traité de l’évaluation de la gouvernance du point de vue de l’indépendance des parties intervenantes.
Trois cas d’analyse sectorielle ont meublé les 3 autres panels. Les politiques publiques de l’emploi ont été débattues au 3e panel, en présence du ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, Zied Ladhari, avec la participation de Mohamed Bridaa, DG de Microsoft Tunisie. On a, dans ce contexte, insisté sur le fait que l’évaluation des politiques actives de l’emploi rentre dans le cadre d’une approche «ex post», afin de voir de manière rétrospective la portée des politiques adoptées. Il s’agit plus précisément de voir si elles ont réussi à atteindre leur objectif ou pas, afin d’envisager son éventuelle reconduite.
L’incitation à l’investissement à travers un code plus approprié a été le sujet du débat du 4e panel, modéré par Faiçal Derbel, membre du comité directeur de l’IACE et en présence de Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale. Ce thème, rentrant dans le cadre de l’évaluation «ex ante», a été débattu avant l’adoption du code en question par l’Assemblée, ce qui a nécessité l’étude de ses impacts attendus, de déterminer au préalable les méthodes de sa mise en œuvre et fixer les modalités de son évaluation à posteriori.
Le cinquième et dernier panel a traité de la réforme du secteur bancaire, en présence de Slim Chaker, ministre des Finances, et d’Ahmed El Karam, président de l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) en tant que modérateur.
Les participants ont procédé à une évaluation mi-parcours de la réforme mise en route pour voir si elle répond aux objectifs assignés, si elle n’a pas été détournée de ses objectifs, si elle s’est avérée efficace et si ses coûts sont élevés.
«Notre objectif est de prendre connaissance des méthodes et des recours, conçus comme de bonnes pratiques, et de tirer les leçons des réussites et des échecs des expériences internationales», a souligné le président de l’IACE. A cet égard, les documents du forum seront d’une grande utilité pour aider les décideurs, législateurs et membres du gouvernement, à corriger les erreurs constatées en cours de chemin et rectifier les approches adoptées dans la mise en route des réformes de manière à leur assurer une plus grande adéquation avec les besoins de l’économie réelle.
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