Photos: Djerba Scoop.
Le Festival international de Djerba Ulysse, dont la longue vie a été émaillée de ruptures à répétition, est revenu après deux années d’absence.
Par Naceur Bouabid
Ce festival renoue ainsi avec l’île qui l’a vu naître 51 ans auparavant, et avec son public resté fidèle.
L’honneur d’inaugurer sa 40e édition, le soir du 22 juillet, a échu à Sami Lajmi et à son show la ‘‘Ziara’’ (visite rituelle). Un collectif de presque 100 artistes, entre musiciens, chanteurs et chorégraphes, a évolué sur la scène du théâtre de plein-air de Houmt-Souk, devant un public assez nombreux qu’ils ont tenu en haleine pendant un peu plus de deux heures.
Spectacle de la ‘‘Ziara’’: éloges unanimes
Le spectacle était beau, plaisant et captivant : des chants liturgiques, souvent familiers, puisés dans le répertoire soufi de quelques confréries religieuses, entonnés par des voix de stentors, et des rythmes envoûtants ont ravi et enflammé le public enchanté qui réagissait, sans discontinuer, sans se lasser, par des ovations nourries ou par la danse, en guise de communion avec les artistes.
La scène mouvante du théâtre donnait vraiment à voir avec ce changement incessant des chorégraphies, avec cette conception lumière puisant avec prouesse dans la technique des ombres chinoises, avec ce jeu des silhouettes et des corps, avec ces mouvements saccadés incessants, et ce dandinement frénétique des chevelures.
En somme, la soirée d’ouverture fut un succès indéniable : un choix en ouverture d’un show des plus pertinents, une organisation quasi irréprochable (hormis le léger retard), une affluence plus que respectable et un service d’ordre impeccable et rassurant.
D’autres spectacles sont prévus dans le cadre de cette même session du festival qui se poursuivra jusqu’au 15 août. Ils se produiront sur la même scène du théâtre de plein air de Houmt-Souk et ne manqueront pas de drainer une foule des grands jours, au vu des noms attendus qui ont leurs adeptes et leurs fans : Hussein Eddik (28 juillet), Lotfi Bouchnak (31 juillet), Lotfi Abdelli (2 août), Sabry Mosbah (4 août), Saad Lemjarred (6 août), et la clôture avec Saber Rebai (15 août).
Le festival prévoit également, en partenariat avec le Ciné-Club Lotos, la projection des derniers films tunisiens à l’instar de “Nhebbek Hédi” de Mohamed Ben Attia (23 juillet) et “A peine j’ouvre les yeux” de Leyla Bouzid (08 août).
Un vieux pêcheur de Houmt-Souk, tenant à se prononcer au sujet du festival d’Ulysse, garde toujours en mémoire le souvenir des courses à la voile latine et des régates de la planche à voile qui étaient organisées en marge du festival d’Ulysse lors de ses premiers pas, et il évoque avec nostalgie l’enthousiasme et la ferveur qui animaient les nombreux concurrents et tout le plaisir qu’ils éprouvaient à y prendre part. Renouer avec cette tradition et penser dorénavant à associer le monde marin, avec son appareillage et ses acteurs d’où qu’ils soient, de Mellita, d’Adjim, de Sédouikech, de Houmt-Souk ou d’ailleurs, dans la programmation des prochaines éditions du festival, seraient souhaitables et à même de lui insuffler un sang nouveau, de le populariser davantage et lui conférer une autre dimension.
Chants liturgiques puisés dans le répertoire soufi des confréries religieuses.
De ruptures en passages à vide
La 40e édition du festival est-elle l’amorce d’une nouvelle ère de stabilité et de régularité ? On l’espère bien…
Réconcilier le festival international de Djerba Ulysse avec son île qui l’a enfanté, en redorer le blason et le faire renaître de ses cendres, tel était le défi à relever, osé par une poignée de jeunes activistes locaux composant le comité d’organisation agissant au nom de l’Association du festival international de Djerba créée à cet effet, épaulés par une cinquantaine de bénévoles, entre élèves et étudiants, mus par le souci de faire œuvre utile et déterminés à contribuer à la réussite de leur festival.
Bien que le festival d’Ulysse ait 51 ans d’existence, puisqu’ayant vu le jour au début des années soixante, il n’est qu’à sa 40e édition. C’est dire que son long parcours était loin d’être fluide, ayant été parsemé d’embûches et de désillusions, disséminé de ruptures et de passages à vide à répétition qui ont fini par compromettre sa régularité et empêcher son ascension escomptée.
Pendant que d’autres festivals, plus récents, gagnaient en régularité, en maturité et en consistance, parvenant à fidéliser leur public et à dominer immanquablement la scène culturelle dans notre pays, le festival d’Ulysse, entre-temps, dégringolait pour sombrer dans l’indigence, l’insignifiance et la superficialité. Et chaque fois que le festival donnait l’impression de sortir du gouffre, que sa stabilité et sa régularité étaient choses acquises et qu’il était finalement sur les rails pour être porté loin, vers des horizons toujours meilleurs, vite ces illusions se dissipaient pour céder la place au néant, et de nouveau à l’incertitude quant au devenir du festival.
Alors, cette 40e édition, qui vient juste de démarrer le soir du 22 juillet, va-t-elle constituer l’amorce d’une nouvelle ère de stabilité et de régularité, le début d’une série rose ininterrompue d’éditions plus flamboyantes et exceptionnelles les unes que les autres?
L’actuelle équipe, à qui revient le mérite de la tenue de l’actuelle session, et qui a osé relever le défi dans cette conjoncture, tant économique que sociale, difficile et dans ce contexte où la médisance et la suspicion font rage, va-t-elle être à même de garder le cap, de tirer les leçons et d’ancrer les prémices de la pérennité d’un festival qui n’a été géré et dirigé, des décennies durant, qu’au gré des humeurs et à tâtonnons?
Osons espérer qu’il en sera ainsi, mais en attendant, soutenons par la présence, sinon au moins par la bonne parole, cette jeune équipe et souhaitons-lui bonne chance.
* Militant associatif, ancien président de l’Association de sauvegarde de l’île de Djerba (Asidje).
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