Un groupe de journalistes et militants des droits humains expriment leur inquiétude sur l’avenir de la liberté de la presse et du droit des citoyens à l’information en Tunisie.
Dans cette déclaration, publiée aujourd’hui, à l’occasion du 59e anniversaire de la république, les signataires, dont Souhayr Belhassen, journaliste et présidente d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Kamel Labidi, journaliste et ancien président de l’Instance nationale de réforme de l’information et de la communication (INRIC), expriment leur «profonde inquiétude face aux dérives qui mettent en péril le plus précieux acquis de la révolution tunisienne : la liberté de la presse et le droit des citoyens à l’information.»
«Nous dénonçons la tentative de réhabilitation politico-médiatique d’un symbole de premier plan de l’ancien régime : Abdelwahab Abdallah qui, dans le sillage du projet de ‘‘réconciliation globale’’ refait surface au cœur du palais de Carthage, haut lieu symbolique de l’Etat», souligne la déclaration. Qui ajoute : «De Bourguiba à Ben Ali, Abdelwahab Abdallah a investi de son ombre omnipotente les médias, durant plus de deux décennies. Maître absolu de la désinformation et de la propagande, architecte de la stratégie de désintégration du métier de journaliste, il a participé activement à la mise au pas de l’éthique journalistique et s’est acharné contre les journalistes indépendants, en bâillonnant, intimidant, harcelant et réprimant la plupart d’entre eux. Il a confisqué le droit inaliénable des Tunisiens à l’information. Son rôle dans l’échafaudage et le fonctionnement de l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), pièce maîtresse de l’édifice de la propagande, du renseignement, de la corruption et du mensonge d’Etat n’a pas été révélé.»
Les signataires de la déclaration qui déplorent la persistance du système mis en place par Abdelwahab Abdallah, cinq ans et demi après la révolution et malgré les différents diagnostics effectués sur «les dérèglements médiatiques du temps de Bourguiba puis de Ben Ali».
«Aujourd’hui, les affidés de l’ancien régime se déploient allègrement dans les médias, profitant de leurs positions, pour faire en toute quiétude l’apologie de Ben Ali. Certains sont même propulsés dans les sphères de la décision politique, s’érigeant en experts patentés des réformes pour des ‘‘médias démocratiques’’», constate les signataires de la déclaration, qui estiment que «la liberté de la presse est menacée par le clientélisme, la médiocrité et le manque de professionnalisme» et dénoncent «les interférences entre médias et argent sale et entre médias et lobbies politico-financiers; ceux-là mêmes qui ont constitué les piliers du ‘‘système Abdelwahab Abdallah’’».
Tout en soulignant que la réforme, revendiquée au lendemain du 14 janvier 2011, na pas encore été mise en place, en l’absence d’une décision politique, la déclaration rappelle que cette réforme «passe inévitablement par une reddition des comptes». D’autant que, «dans cet entre deux mondes qu’est une transition, le retour à l’autoritarisme voire la dictature, reste toujours envisageable».
«A la veille de la célébration de la république, nous estimons qu’il est de notre droit, en tant que citoyens libres, de demander des comptes à ceux qui ont commis le crime de la désinformation et d’exiger le démantèlement du système. Nous considérons qu’il est de notre devoir, en tant que citoyens responsables, d’œuvrer pour que la vérité soit dévoilée et établie sur les dangereux dérapages d’un passé avec lequel on nous demande aujourd’hui de nous ‘‘réconcilier’’, ajoutent les signataires de la déclaration, qui s’engagent à «lutter contre la restauration de l’autoritarisme par la voie des médias» et à «défendre la liberté de la presse et le droit des Tunisiens à l’information, fondement d’une république démocratique et civique.»
I. B.
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