L’Aleca pourrait renforcer les échanges de la Tunisie avec l’UE, encore faut-il bien négocier cet accord pour maximiser les gains potentiels et réduire les coûts d’ajustements.
Par Mohamed Chemingui *
Avant d’aborder la question de l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) avec l’Union européenne (UE), en général, et du renforcement des échanges agricoles, en particulier, il convient de rappeler que l’UE est le principal partenaire commercial de la Tunisie. En 2015, Elle absorbe 62,8% de ses échanges de biens et services et 71% de ses exportations.
L’UE est, par conséquent, un partenaire commercial clé de la Tunisie, alors que notre pays ne représente que 0,6% du total de ses échanges extérieurs. Les exportations tunisiennes vers cet ensemble sont principalement constituées de machines et matériel de transport (40,6%), textiles et vêtements (23,9%) et produits agricoles (8,5%). L’essentiel de ses exportations non agricoles est fortement dominé par le secteur offshore, qui se caractérise surtout par un faible niveau de valeur ajoutée locale.
Pour ce qui est des importations tunisiennes en provenance de l’UE, elles sont dominées par les machines et matériels de transport (36,4%), le textile et habillement (12,1%), les combustibles et produits miniers (10,4%) et les produits chimiques (8,1%).
Evolution du cadre réglementaire des échanges entre la Tunisie et l’EU
Les relations commerciales entre la Tunisie et l’UE ont été initialement régies par l’accord de coopération signé en 1976 et ses amendements ultérieurs. Ce traité visait à encourager l’industrialisation de la Tunisie et la modernisation de son secteur agricole. Pour ce faire, une préférence commerciale a été accordée à certaines exportations tunisiennes de produits agricoles (vin, fruits et légumes), ainsi qu’à l’ensemble des produits industriels tunisiens. Suite à l’élargissement de la Communauté Européenne à l’Espagne et au Portugal, cet accord fut modifié en 1987 et la Tunisie s’est vu accorder des conditions d’accès au marché européen similaires dont bénéficiaient désormais l’Espagne et le Portugal pour une période transitoire allant de 1986 à 1996.
Par ailleurs, la Tunisie est couverte, depuis 1992, par la Politique Méditerranéenne Rénovée de l’UE, qui renforce la collaboration commerciale et financière de la zone avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
En juillet 1995, un nouvel accord d’association est conclu entre la Tunisie et l’UE prévoyant, après une période transitoire de 12 ans, la création d’une zone de libre-échange. Cependant, ce traité, dont la mise en œuvre à pris fin en janvier 2008, ne s’appliquait pas, aux produits agricoles et aux services.
Pour l’UE, le renforcement du partenariat avec la Tunisie fait partie d’une stratégie plus générale visant à élargir et à approfondir ses relations avec ses voisins du sud, et ceci en vue d’instituer une zone économique euro-méditerranéenne de sûreté, de stabilité et de prospérité partagées.
Tout en se caractérisant par un principe de réciprocité, l’accord de libre-échange de 1995 a mis la Tunisie devant des défis tout en lui offrant des perspectives. Pour la quasi-totalité des produits industriels, il s’est traduit par un démantèlement tarifaire progressif, dont l’application a totale a pris, selon les produits concernés, plus ou moins de temps. Il fut très rapide dans le cas des importations de produits n’ayant pas d’équivalent national, mais particulièrement lent pour les autres.
La Tunisie a, en fait, commencé à démanteler ses tarifs dès 1996, donc avant l’entrée en vigueur de l’accord initialement prévu en 1998. Cependant, des mesures exceptionnelles étaient prévues qui autorisaient le pays partenaire de l’EU à réintroduire et à élever ses droits de douane afin de protéger ses industries naissantes et cela pour une période de 5 ans maximum. Cette possibilité de dérogation n’existait plus à la fin de la période transitoire de 12 ans soit au 1er janvier 2008.
Dans le cas de l’agriculture et de la pêche, le calendrier tarifaire et le système de quotas furent initialement maintenus avant d’être révisés dans le cadre du protocole agricole de 2001.
A partir du 1er janvier 2001, les échanges de produits agricoles entre la Tunisie et l’UE sont régis par les dispositions de l’accord d’association qui, pour ces produits, prévoit un régime spécifique basé sur l’échange de concessions réciproques (protocole agricole). Ces concessions accordées aux exportations tunisiennes de produits agricoles varient selon leur nature et la sensibilité des produits pour le marché européen. Quatre cas sont prévus à savoir: 1) une exonération totale des droits de douane, sans restriction touchant les quantités échangées ou la période d’exportation; 2) une exonération totale des droits de douane, avec limitations sur la période d’exportation; 3) une exonération totale des droits de douane pour un contingent déterminé; et 4) une réduction partielle des droits de douane, sans aucune restriction quantitative. En contrepartie, la Tunisie s’est engagée, d’une part, à offrir à l’UE un accès préférentiel à son marché pour les céréales, les viandes et les produits laitiers, et d’autre part, dans le cadre des accords du GATT, à consolider ses concessions.
Il est important de noter que, contrairement aux échanges industriels, et tant que les distorsions introduites par les politiques agricoles de certains partenaires commerciaux, en particulier les Etats Unis et l’UE persistent, il n’a pas été question dans le domaine agricole d’encourager le libre échange total. A ce stade, l’objectif est essentiellement de consolider les acquis pour certains produits et d’améliorer les conditions d’accès pour certains autres afin de protéger les intérêts des producteurs tunisiens.
Sous leur forme actuelle, l’accord de libre-échange et le protocole agricole ne sont pas en conformité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et en particulier avec l’article XXIV des accords du GATT. Ce texte stipule que les accords régionaux de libre-échange sont compatibles avec les règles de non-discrimination de l’OMC à condition de remplir deux conditions essentielles: 1) leur mise en œuvre doit se faire dans un délai raisonnable, ce qui commence à être problématique car l’OMC considère qu’une dizaine d’années constitue un délai raisonnable; 2) les accords doivent couvrir une part substantielle des échanges, condition aléatoire puisqu’elle pourrait donner lieu à des plaintes de la part de membres tiers auprès de l’OMC, étant donné le manque de clarté de cet article.
Le statu quo dans les négociations est-il justifié?
En Tunisie, les opposants à toute tentative de renforcement du partenariat avec l’UE avancent que les problèmes actuels de certains segments du tissu productif tunisien sont le résultat de l’implémentation de l’accord de 1995. En effet, pour plusieurs analystes et corporations, l’accord de libre échange a ouvert la Tunisie à des importations massives de l’Europe, ce qui a entraîné la détérioration de la compétitivité des produits tunisiens dans le marché local, et a causé la disparition d’une bonne partie du tissu productif tunisien avec par conséquent une aggravation du chômage et de la pauvreté.
Le but de cet article n’est pas de dresser un bilan de l’accord Tunisie-UE, mais de dire que les statistiques officielles montrent en évidence que les problèmes des secteurs productifs tunisiens sont loin d’être le résultat de cet accord.
Entre 2000 et 2013, la part de l’UE dans les importations tunisiennes de marchandises est passée de 63,3% à uniquement 47,7% (Base BACI, CEPII). Ce changement prouve clairement que même avec le démantèlement tarifaire «supposé complet» sur les produits industriels en provenance de l’UE, la part de l’Europe dans les importations tunisiennes n’a cessé de baisser contre toute attente et logique économique.
Cette tendance baissière pourrait s’expliquer par plusieurs raisons. La première est que la Tunisie a largement renforcé l’application des mesures non tarifaires sur ses importations et a même instauré, dans le cadre des encouragements aux investissements, une TVA discriminatoire sur plusieurs produits, alors qu’une telle mesure est contraire aux règles commerciales et aux engagements internationaux de la Tunisie.
La deuxième raison est le renforcement de la concurrence (loyale et non loyale) des produits originaires d’autres pays et régions au détriment des produits locaux ou en provenance de l’UE. Ces produits en provenance du reste du monde rentrent le plus souvent dans le pays à travers des circuits aussi bien formels qu’informels. Entre 2000 et 2013, les importations en provenance de la Chine sont passées de moins de 1% de la valeur totale des importations formelles à plus de 6%.
D’une manière plus générale, plusieurs études ont montré que le tissu productif tunisien a été fortement affecté par les importations massives de produits originaires des pays de l’Asie, surtout la Turquie, l’Inde et la Chine, et qui font davantage concurrence aux produits tunisiens.
Il est ainsi préjudiciable de continuer à blâmer l’Europe et l’accord de libre échange comme le seul responsable des difficultés économiques en Tunisie. Il faut admettre que, contrairement à l’Europe, où la quasi-totalité des produits industriels tunisiens rentrent sans aucune contrainte, d’autres pays ont profité pleinement du marché tunisien sans pourtant accorder aux produits tunisiens une quelconque sorte de préférence.
L’Europe, par sa proximité géographique et son rôle dans le développement des chaînes de valeur mondiales s’affirme comme un facteur positif pour l’intégration de la Tunisie dans l’économie mondiale. Ceci est d’autant primordial tant que la Tunisie n’arrive pas à renforcer sa capacité à diversifier ses marches.
Que signifie l’Aleca pour le commerce des produits agricoles?
Les données du Cnuced relatives aux années 2010-2014 montrent que les produits agricoles et alimentaires ont contribué à hauteur de 5% des exportations tunisiennes totales vers l’UE, contre seulement 2% pour la Chine et 31% pour les pays arabes, surtout la Libye.
Par ailleurs, 6% des importations tunisiennes totales, en provenance de l’UE, sont constituées de produits agro-alimentaires, contre 2% pour la Chine et 5% pour les pays arabes membres de Pafta. De son côté, pour la même année, l’UE a absorbé quelque 39% des exportations tunisiennes totales de produits agricoles et alimentaires, et représente presque 31% des importations tunisiennes totales de ces mêmes produits.
Cette structure du commerce extérieur de la Tunisie prouve clairement que l’UE reste un partenaire privilégié dans le commerce des produits agricoles de la Tunisie. Son importance ne trouve pas son origine seulement dans l’accès préférentiel que l’UE offre à plusieurs produits agricoles et alimentaires tunisiens, en particulier dans la catégorie des «fruits et légumes»; elle s’explique également par le développement des services de la logistique, en tant qu’élément central de la facilitation du commerce et du renforcement des performances commerciales.
Il est bien entendu crucial que la Tunisie diversifie ses marchés et encourage les exportations vers d’autres destinations, et en premier lieu vers les pays arabes et le continent africain. Mais l’UE demeure un associé qui offre une relation économique relativement plus stable, car facilitant l’intégration de la Tunisie dans les chaînes de valeurs mondiales, qui ne cessent d’ailleurs de prendre de l’ampleur dans le développement du commerce international.
Cependant, l’UE ne doit plus être considérée comme un partenaire traditionnel qui absorbe des exportations de produits traditionnels, comme l’huile d’olive en vrac, les dattes, et les agrumes. Cette façon de concevoir le rôle du commerce extérieur dans le développement économique et social du pays a prouvé ses limites par la quasi-absence de transformation structurelle du secteur agricole tunisien alors qu’on doit souligner l’urgence pour ce dernier de s’adapter aux mutations économiques et commerciales intervenues dans le monde, en général, et en Europe, en particulier.
Il n’est plus opportun de continuer à encourager la production d’une gamme restreinte de produits agricoles, et de concentrer l’essentiel des efforts des négociations commerciales sur l’augmentation des quotas préférentiels de ces mêmes produits. Il est temps que la Tunisie considère son partenariat avec l’EU, mais aussi son insertion sur les marchés mondiaux, comme le moyen le plus efficace d’assurer la nécessaire transformation et la modernisation de son secteur agricole et alimentaire. Une transformation nécessaire pour accélérer son développement économique et social du pays.
A cet égard, l’Aleca se révélerait une opportunité unique pour raffermir l’intégration commerciale de la Tunisie avec l’UE et bénéficier d’un accès renforcé à un marché européen de plus de 500 millions de consommateurs.
Toutefois, les termes de cet accord devraient être négociés de façon à maximiser à long terme les gains potentiels et réduire les coûts d’ajustements, qui pourraient être pour certains secteurs significatifs à court et moyen termes, et qui sont également inhérents à tout traité.
Comme préalable à l’ouverture à la concurrence, l’Aleca devrait être vu comme une opportunité historique pour accélérer la mise à niveau du secteur agricole tunisien. Il faut rappeler qu’au moment des négociations de l’accord d’association, en 1995, l’agriculture a été largement occultée par les autorités tunisiennes et ceci sous prétexte de la nécessité de mettre à niveau ce secteur avant une plus grande intégration commerciale avec l’UE et le monde. Mais, depuis, cette mise a niveau, farouchement défendue par les négociateurs tunisiens, n’a jamais été amorcée. Le secteur ne dégage pas de valeur ajoutée, et la situation du monde rural n’est pas meilleure qu’à l’époque.
En effet, les statistiques économiques et sociales disponibles montrent qu’au contraire le monde agricole s’est fortement appauvri durant les 10 dernières années. Un appauvrissement confirme par les niveaux élevés de chômage et pauvreté. En plus, la politique agricole, qui a permis de restructurer le secteur dans les années 70 et 80, n’arrive plus à identifier une nouvelle stratégie qui permettrait aujourd’hui d’initier la transformation requise pour l’adaptation aux mutations commerciales et économiques intervenues au niveau international, régional et national.
Pire encore, l’administration de tutelle n’arrive plus, à travers ses divers programmes et instruments, à assurer son rôle de précurseur du développement du secteur, alors que ce devrait être sa tâche essentielle à travers ses centres de recherches et de vulgarisation des nouvelles techniques et cultures.
Cette absence de vision stratégique, quant aux perspectives du secteur agricole et à son rôle dans l’économie nationale, se manifeste par l’inexistence de prise de position claire depuis les négociations pour le statut de partenaire privilégié en 2010 jusqu’au lancement des négociations sur l’Aleca, à Tunis, le 13 octobre 2015, et encore lors du premier round des négociations qui s’est tenu, à Tunis, en avril 2016.
En effet, les discussions relatives aux tractations sur les produits agricoles, les produits agricoles transformés et les produits de la pêche s’en sont tenus aux grands principes de la négociation pour ne pas dire aux généralités. Comme à son habitude, la Tunisie s’est contentée de rappeler la nécessité d’accompagner la libéralisation des échanges avec l’UE d’une mise à niveau et d’une modernisation du secteur de l’agriculture et de la pêche, argument une nouvelle fois utilisé pour justifier l’inaction et laisser les discussions ouvertes. Sa position dans les négociations devrait être cohérente avec une stratégie globale et sectorielle d’intégration dans l’économie mondiale comme avec l’UE.
Tout retard dans l’avancée des négociations ne peut qu’augmenter les incertitudes sur les opportunités qu’offrent le secteur agricole aux investisseurs aussi bien petits (simples exploitants) que grands (capables de moderniser et transformer le secteur).
Le statut des négociations
Lors du premier round des négociations tenues à Tunis, les deux parties ont discuté des grands principes des concertations relatives aux secteurs de l’agriculture, des produits agricoles transformés et de la pêche. Les discussions ont porté essentiellement sur les paramètres de tractations liées aux conditions d’accès au marché. La Tunisie a particulièrement demandé des clarifications sur le dispositif de protection du marché européen et sur la position de l’UE concernant l’asymétrie et la différence de niveau de compétitivité entre l’agriculture européenne et tunisienne. Quant à l’UE, elle a exprimé sa volonté d’assurer un accompagnement technique et financier pour les différents secteurs couverts par le futur accord, y compris dans les domaines relatifs à l’agriculture, aux produits agricoles transformés et à la pêche. Cette décision s’inscrira dans le cadre des programmes de coopération disponibles, définis conjointement avec les autorités tunisiennes.
Le choix des secteurs qui bénéficieront de tels appuis tiendra compte des priorités nationales, en phase avec le plan quinquennal de développement. L’assistance européenne prendra en compte l’ensemble des actions déjà en cours et planifiées, ainsi que la capacité d’absorption démontrée par les ministères et autres bénéficiaires concernés par cette opportunité de coopération technique et financière.
L’UE a ensuite demandé à la Tunisie de lui transmettre les priorités de développement de l’agriculture, de l’agro-industrie et de la pêche, avec de préférence le détail des filières et des régions concernées.
Face aux réponses précises de la part des représentants de l’UE aux interrogations de la partie tunisienne, aucune clarification, eu égard aux raisons qui pourraient justifier ces interrogations, ou plutôt ces préoccupations, n’a été avancée.
De ce point de vue, la contribution de la Tunisie devrait inclure au moins une identification des filières sensibles et des actions que le gouvernement prévoit de mettre en œuvre pour préparer le secteur à l’ouverture. C’est ainsi que les négociations pourraient avancer et des programmes de mise à niveau spécifique être formulés et mis en œuvre.
Il est important de rappeler encore une fois, que comparée a la situation en 1995, la compétitivité des produits européens a été lourdement affectée par les changements internationaux que par ceux liés aux conditions économiques dans les deux parties. Même les céréales européennes, qui étaient fortement compétitives par rapport aux produits tunisiens, ne le sont plus.
Les principales raisons que l’on retient s’affirment comme la baisse des subventions aux exportations européennes, la forte hausse depuis la crise alimentaire en 2008 des cours mondiaux des produits agricoles et qui restent toutefois très élevés, comparés aux niveaux de 1995 ou 2000, quand les deux accords ont été négociés (accord de libre échange en 1995 et le protocole agricole en 2000). Face à ces changements externes, la dévaluation progressive et continue du dinar Tunisien et qui s’est rapidement renforcée depuis 2014 a largement contribué au renforcement de la compétitivité des prix des produits tunisiens aussi bien dans le marché local qu’étranger.
Pour le moment, la situation n’a pas changé et la Tunisie semble avoir du mal à identifier sa position ou les points que le pays souhaite discuter, face à un partenaire plus précis dans ses objectifs et qui semble avoir une vision très claire de ce que l’accord pourrait être.
Deux faits importants étayent cette analyse de la situation. Le premier est relatif à la publication par l’UE des documents relatifs aux négociations dans les différents domaines couverts par l’Aleca, ainsi que des notes d’explications spécifiques. Ces documents représentent les grandes lignes de la position européenne qui, si elles prouvent quelque chose, c’est le niveau de préparation des négociateurs européens ce qui montre une certaine volonté de faciliter ces démarches. Le deuxième est la nécessite d’avancer dans les tractations, en parallèle avec les négociations sur la nouvelle PAC, qui devrait remplacer l’actuelle politique, dès 2021.
Il est ainsi important dans le cadre du plan de développement 2016-2020 pour la Tunisie de définir une politique commerciale sectorielle claire qui soit cohérente avec la nouvelle PAC européenne et les changements politiques survenus dans l’UE, surtout depuis la sortie de la Grande Bretagne.
Comment se préparer aux négociations
Il est admis que l’inclusion des produits agricoles dans le processus de libéralisation en cours réduirait le risque de voir l’accord de partenariat remis en cause, ce qui augmenterait l’intérêt à étudier les conséquences d’une intégration plus poussée entre l’UE et la Tunisie et ceci dans le cadre du processus de négociations de l’Aleca initié par l’UE avec plusieurs autres partenaires.
Néanmoins, les négociations sur les échanges agricoles entre la Tunisie et l’UE doivent prendre en considération les développements récents de l’économie tunisienne et s’insérer dans une vision plus globale. Tout en mettant en exergue le rôle que devrait jouer le secteur agricole dans la stratégie de diversification de l’économie, l’amélioration des performances économiques et sociales, et surtout l’intégration dans les chaînes de valeurs régionales et internationales, cette vision devrait s’articuler autour de certaines considérations dont:
a) La nécessité que l’amélioration du revenu des agriculteurs représente l’objectif principal de la politique agricole du pays afin que le secteur agricole puisse jouer son rôle dans l’absorption du chômage et le renforcement des équilibres entre les régions du pays. Ainsi, la Tunisie devrait renoncer à sa politique de taxation indirecte du secteur agricole au profit de la consommation et qui s’est renforcée ces dernières années;
b) le besoin de réduire le coût de la politique agricole et d’améliorer son efficacité. D’une manière générale, il s’avère urgent d’évaluer la performance de la politique agricole tunisienne et de réfléchir à des mécanismes alternatifs moins coûteux, mais surtout plus efficaces pour le développement du secteur et l’amélioration des revenus des agriculteurs;
c) la politique agricole devrait être transparente, flexible et dynamique et capable de faire face aux changements qui peuvent intervenir sur le plan national et international. La réforme de la composante de réglementation des échanges agricoles devrait donc se placer dans un contexte plus large de profondes réformes de la politique agricole tunisienne.
C’est dans ce cadre élargi que des scénarios de libéralisation des échanges agricoles avec l’UE devraient être formulés, évalués et présentés lors des négociations. Ces scénarios devraient également comprendre un axe dynamique et visionnaire sur l’avenir du secteur agricole et des industries agricoles à l’horizon 2025 voir 2030.
La préparation aux négociations ne devrait pas se limiter aux niveaux des tarifs douaniers, des quotas préférentiels, et des normes mais plutôt se focaliser sur les règles d’origines les plus appropriées pour promouvoir les exportateurs tunisiennes et se protéger contre certaines importations.
A ce niveau là, il suffirait d’analyser les détails des négociations techniques entre l’UE et le Maroc en 2014 pour s’apercevoir du niveau de préparation des autorités marocaines pour ces tractations et surtout pour apprécier les vrais défis posés aux négociateurs. Finalement, il ne faut pas oublier que les engagements des pays dans le cadre de l’accord sur le changement climatique seront surement accompagner par un renforcement des normes relatifs au respect de l’environnement ce qui nécessite la mise en œuvre des mesures appropries.
* Senior economist and Chief, Regional Integration Section Economic Development and Globalization Division, United Nations Economic and Social Commission for Western Asia.
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