‘‘Demain dès l’aube’’, premier long-métrage fiction de Lotfi Achour, sort aujourd’hui, mercredi 25 janvier 2017, dans les salles tunisiennes.
Par Fawz Ben Ali
Le film avait été en lice pour le Tanit, lors des dernières Journées Cinématographiques de Carthage (JCC 2016), aux côtés de 3 autres films tunisiens (‘‘Thala mon amour’’, ‘‘Zaineb n’aime pas la neige’’ et ‘‘Chouf’’).
Entre mise en scène théâtrale, réalisation, production et écriture, Lotfi Achour s’impose comme un artiste polyvalent qui, ces derniers temps, se consacre de plus en plus au 7e art, notamment avec des courts-métrages mondialement connus, dont le dernier en date, ‘‘La laine sur le dos’’, lui a valu une présence au Festival de Cannes 2016.
Son premier long-métrage ‘‘Demain dès l’aube’’, il l’a coécrit avec son épouse Natacha de Pontcharra et Anissa Daoud, également coproductrice et actrice principale du film, aux côtés de Doria Achour, la fille aînée de Lotfi Achour, plus connue en France qu’en Tunisie, et qui commence à suivre les pas de son père dans la réalisation.
Un souvenir traumatique
«Encore un film sur la révolution», diront certains, qui commencent à se lasser de ce sujet qui ne semble plus enthousiasmer le public, ni même le jury des 27e JCC, puisqu’aucun des films primés cette année ne traite ni de près ni loin de la Révolution tunisienne. Mais ne portons pas préjudice à ce film qui sort du lot aussi bien dans son écriture que dans sa réalisation. D’ailleurs, la nuit du fameux 14 janvier 2011 n’est qu’un point de départ dans le long flash-back sur lequel repose l’intrigue du film. Anissa Daoud estime même que ‘‘Demain dès l’aube’’ «n’est pas un film sur la Révolution».
L’histoire commence trois ans après la révolution, avec Zaineb, jouée par Anissa Daoud, une journaliste qui mène jusque-là une vie visiblement paisible, mais le hasard fait qu’un souvenir traumatique, qu’elle croyait avoir enterré, revienne la hanter. Elle appelle alors Elyssa, incarnée par Doria Achour, une jeune Franco-tunisienne qui donne des cours de peinture à des enfants sourds-muets. Les deux femmes ne s’étaient pas revues depuis le jour de la révolution, leur retrouvaille ravivera les blessures de cette journée inoubliable.
De là on plonge dans un long flash-back qui nous place en pleine manifestation du 14 janvier, au moment où la police s’était permis tous les excès, pourchassant les manifestants jusque dans les appartements.
A ce moment là, Zaineb et Elyssa ne se connaissaient pas encore, mais elles ont toutes les deux trouvé refuge dans un appartement au cœur de la capitale avec une dizaine de personnes fuyant les policiers, qui s’étaient montrés particulièrement violents ce jour-là.
Dès lors, une amitié improbable est née entre les deux jeunes femmes et un adolescent de 16 ans, issu des quartiers populaires de Tunis. Pris dans la tourmente de la révolution, ces trois personnages, avec leur humour et leur vocabulaire particulier autant dans la trivialité que dans la conviction, sont à l’image d’une Tunisie qui aspire à la vie et à la liberté.
Suite à l’annonce du couvre-feu, ils montent sur le toit de l’immeuble pour y passer la nuit. Avec les premières lueurs de l’aube, alors que l’avenue Habib Bourguiba sombrait dans un silence incertain, retentit une voix annonçant que «le peuple s’est soulevé et que Ben Ali s’est enfui…».
Les procès inachevés
Zaineb, Elyssa et Houcine comprennent alors qu’un nouveau chapitre de l’histoire de la Tunisie est sur le point de s’écrire. A peine commencent-ils à imaginer un lendemain meilleur, que le jeune adolescent se fait rattraper par un policier endiablé. La nuit tourne vite au cauchemar.
Trois ans après, Zaineb et Elyssa décident de retrouver le jeune garçon et de mener une enquête sur son agression, à travers laquelle le film tentera de mettre la lumière sur les procès inachevés de la révolution et sur la justice transitionnelle qui peinait à avancer.
Construit entre deux temporalités, le film mène un jeu d’aller-retour entre le présent et le passé et nous fait passer par un labyrinthe d’événements tout en préservant une grande cohérence cinématographique et en alimentant le suspens autour de cette histoire qui vacille entre espoir et réminiscences douloureuses.
Tout en gardant une juste distance d’un pays en pleine transformation politique et sociale, Lotfi Achour nous peint le portrait d’une jeunesse écrasée et d’une Tunisie, qui, 6 ans après le soulèvement de son peuple, se cherche encore.
Donnez votre avis