L’affaire de l’arrestation de la résidente accusée d’erreur médicale ayant entraîné la mort d’un nouveau-né continue de faire des vagues et de provoquer des polémiques.
Par Abderrazek Krimi
Sahbi Ben Fraj, le député du bloc Al-Horra à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a répondu, jeudi 9 février 2017, dans un post sur sa page Facebook, aux déclarations du juge Ahmed Rahmouni et au communiqué du tribunal de première instance de Sousse justifiant l’arrestation de la résidente en médecine pour erreur médicale ayant entraîné le décès d’un nouveau-né de 6 mois à l’hôpital Farhat Hached à Sousse.
Selon M. Ben Fraj, médecin de son état, les justifications avancées par le porte-parole du tribunal de Sousse peuvent être résumées en 3 points : 1- la falsification d’un dossier médical en changeant le terme Apgar 0 par celui d’Apgar 1 et la suppression de l’expression «mort-né» par «né vivant»; 2- les témoignages de la sage-femme, du deuxième médecin et du chef de service auprès du premier instructeur et du ministère public qui confirment que le bébé était vivant à sa naissance et est resté en vie pendant 122 heures, jusqu’à sa réadmission au service pédiatrique; 3- le rapport du médecin légiste qui a confirmé que le bébé a respiré et vécu pendant un certain temps avant de décéder.
Le député a ajouté, dans le même statut : «Il est clair que le rédacteur du communiqué du tribunal a choisi les témoignages qui conviennent à sa démonstration, les a reformulés et reconstitués de manière à aboutir à la conclusion que l’arrestation était nécessaire pour la révélation de la vérité, que la falsification existe, que les témoins ont confirmé la version du père, que la manipulation du dossier est certaine et que l’affirmation de l’expertise médicale que le bébé était mort-né est de pure complaisance pour innocenter une collègue».
Sahbi Ben Fraj a, par ailleurs, affirmé que «la première déformation est que le rapport préliminaire du médecin légiste demande une expertise médicale approfondie avant d’émettre une conclusion finale et ne précise pas s’il y a eu un manquement, si la respiration a duré quelques secondes ou quelques minutes ou quelques heures, si cette respiration était le résultat de la réanimation et de la respiration artificielle ou bien une respiration normale».
«La deuxième déformation consiste en ce que ni la résidente ni le chef du service n’ont déclaré que la résidente arrêtée a commis une erreur dans son premier diagnostic, comme on peut lire dans le communiqué, mais ils ont déclaré auprès de la première instruction qu’il se peut qu’il y ait eu une erreur dans l’écoute des battements du cœur», explique encore M. Ben Fraj.
Il est à noter que le constat de la vie ou du décès n’est pas basé uniquement sur l’écoute des battements du cœur et que la sage-femme et la deuxième médecin ont émis des doutes sur l’existence de battements du cœur. C’est la raison pour laquelle elles ont changé la numérotation Apgar de 0 à 1 et que cette numérotation ne change en rien le fait que la mort soit réelle et définitive, estime le député.
En troisième lieu, la déclaration du tribunal de Sousse a négligé le témoignage franc du chef de service lors de l’instruction, qui a affirmé avoir réexaminé le bébé et confirmé qu’il était bien mort, qu’il ne présentait aucune trace de vie, ajoutant que la résidente n’a commis aucune erreur en tentant de le réanimer.
«Et pourtant, l’honorable ministère public a décidé la garde à vue du médecin», a déploré le député, qui trouve «étrange que la décision d’arrêter la médecin ait été prise 3 heures avant son audition!!!, ce qui veut dire que la décision était déjà prête et que le juge en question n’a donné aucune importance à l’audition de la praticienne et n’a pas cru devoir attendre le rapport des experts et celui de la commission de contrôle médical et administratif du ministère de la Santé dont le communiqué doute textuellement de son sérieux».
Dans le même statut, Sahbi Ben Fraj poursuit : «L’honorable juge Ahmed Rahmouni aurait peut-être dû se demander sur les vraies pressions dont a fait l’objet le ministère public et qui l’ont contraint à arrêter une femme médecin qui ne représente aucune menace pour la sécurité publique, et ce même avant d’avoir pris sa déposition (surtout qu’il n’y a aucune crainte qu’elle échappe à la justice), et sans même qu’il (le ministère public, Ndlr) ne prenne la peine d’attendre le rapport des experts et la lecture du rapport final de la commission d’enquête du ministère de la Santé et avant de terminer l’audition de tout le staff médical en charge de la mère du bébé.»
Et le député de conclure : «Voilà des années qu’on parle des erreurs médicales et on a suffisamment de courage pour reconnaître leur existence et la nécessité d’œuvrer en vue de les éviter. M. Rahmouni peut-il avoir le courage de parler des erreurs judiciaires? du terroriste relâché (par la justice, Ndlr) qui a fait exploser le bus de la garde présidentielle, par exemple? L’honorable juge va-t-il, par la même occasion, parler du corporatisme des magistrats ? des querelles internes qui entravent la mise en place du Haut conseil de la magistrature et la formation de la Cour constitutionnelle? J’espère que M. Rahmouni pourra nous répondre à ces questions, juste pour enrichir le débat et loin de tout esprit corporatiste… Car la guerre entre les médecins et les juges n’est pas à l’ordre du jour».
Il est à noter que le juge Ahmed Rahmouni avait affirmé que «la justice ne peut exercer son rôle au milieu des pressions de toutes parts, y compris de la part des membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui n’ont aucun lien avec l’affaire et qui apparaissent sans explication dans les médias pour augmenter l’excitation et dramatiser les événements», citant nommément Bochra Belhaj Hmida et… Sahbi Ben Fraj.
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