Juste pour rire avec un trio d’humoristes décapants : Booder, Paul Séré et Wahid Bouzidi, des prisonniers qui s’évadent par le théâtre.
Par Fawz Ben Ali
La pièce de théâtre ‘‘La grande évasion’’ a été représentée, samedi et dimanche derniers, à la salle Alhambra Zéphyr à la Marsa, dans le cadre du pré-festival Juste pour Rire Tunisie, dont la 2e édition est prévue du 12 au 27 août 2017.
La première édition tunisienne de ce festival d’humour et de comédie, le plus célèbre au monde, avait misé sur des humoristes tunisiens mais aussi de grands noms de l’humour francophone comme Anthony Kavanagh ou Pascal Légitimus.
Le festival frappe fort encore une fois et invite l’humoriste franco-marocain Booder, accompagné des deux comédiens Paul Séré et Wahid Bouzidi.
Wahid Bouzidi.
Une bonne dose de rire
Coécrite et jouée en trio, ‘‘La grande évasion’’ se donne depuis sa création à guichets fermés dans les salles françaises, et c’est la Tunisie qui marque le début de la tournée internationale.
Le public tunisien était au rendez-vous pour une bonne dose de rire pour le weekend, curieux de découvrir la dernière création collective de l’atypique Booder habitué plutôt au cinéma et aux one-man shows et dont la dernière visite en Tunisie remonte à l’année 2010, dans le cadre du Festival international de Hammamet.
‘‘La grande évasion’’ est l’histoire de trois détenus : Guizmo (Booder), Nabil (Wahid Bouzidi) et Tony (Paul Séré). Afin d’obtenir un allègement de peine pour bonne conduite, les trois jeunes hommes vont tenter de présenter une pièce de théâtre devant la ministre de la Justice Christiane Taubira pour sa visite annuelle à la prison. Mais la tâche s’annonce ardue puisque le théâtre est le dernier des intérêts de Guizmo et de Nabil, qui n’avaient jusque-là jamais vu une pièce de théâtre ni lu un livre de leur vie. C’est donc à Tony de les encadrer et de s’occuper de la mise en scène de cette pièce mise en abyme.
Les 3 détenus commencent alors à feuilleter les classiques du théâtre, empruntés de la bibliothèque de la prison.
De la littérature française, ils découvrent Molière, Corneille, Racine, Ionesco, Sartre… pour arriver finalement au théâtre shakespearien, où ils hésitent à choisir entre Hamlet, Richard III ou Roméo et Juliette.
Booder.
De l’humour sans vulgarité
Entre lectures, improvisations et répétitions, ils prennent petit-à-petit goût à cet univers qui leur était inconnu, et on découvre avec eux une nouvelle vision des textes classiques, remis au goût du jour, plus animés et surtout plus drôles, incarnés par des personnages dans l’air du temps, où Roméo et Juliette n’est plus une tragédie romantique mais un moment de risée. Les trois mousquetaires deviennent Les trois Mustaphas ou encore les répliques de L’Avare se voient transformées en un morceau de slam et de rap, entraînant dans le public des rires à gorge déployée.
Amis et complices dans la vraie vie, le trio d’humoristes dégage une alchimie et une complémentarité palpables sur scène. Les répliques passent avec spontanéité et légèreté où l’humour se veut sans vulgarité.
Pour faire rire, la pièce a misé surtout et avant tout sur l’autodérision des acteurs sur leur propre physique, notamment Booder et Wahid Bouzidi : «Nabil a dû manger des personnes entières pour avoir un aussi grand ventre», ou encore : «Guizmo qui ressemble à Pinocchio avec son énorme nez».
Les Trois Mustaphas.
Clins d’œil à la culture tunisienne
‘‘La grande évasion’’ est un spectacle vivant qui évolue avec la réalité sociale et politique française, pimenté d’une touche maghrébine. Ainsi, pour leur représentation tunisienne, les comédiens n’ont pas manqué d’introduire dans la pièce de nombreux clins d’œil à la culture tunisienne que ce soit avec du vocabulaire «Asléma, chnahwelkom?» (Salut, comment allez-vous ?), lance Booder à sa montée sur scène, mais aussi avec des références tout au long de la soirée, notamment aux plats populaires du pays, comme le «lablabi» ou la «mloukheya», chose qui a ravi les spectateurs.
Dans cette pièce qui a choisi pour décor le contraignant huis-clos d’une cellule de prison, on est face à une confrontation de deux mondes aux antipodes : l’élitisme du théâtre d’une part, et la stigmatisation et marginalisation de la prison d’une autre part. Les détenus ont su transformer leur frustration en création par le fabuleux moyen du 4e art, retrouvant un soupçon de liberté, en vue d’une évasion au-delà des barrières.
Wahid Bouzidi, Booder et Paul Séré: des prisonniers qui s’évadent par l’imaginaire.
Habitués à se produire en solo sur scène, Booder, Paul Séré et Wahid Bouzidi ont brillamment relevé le défi de jouer de manière collective, offrant, par le biais de l’humour, un bel hommage au théâtre dans sa double dimension de genre littéraire et d’art scénique.
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