Christiane Taubira, qui a été à plusieurs reprises victime d’insultes racistes et sexistes, a toujours éprouvé le besoin de réparer les injustices et de porter les soucis des autres.
Par Fawz Ben Ali
A l’occasion de la Journée internationale de la Femme, le 8 mars 2017, l’Institut français de Tunisie (IFT) a invité la femme politique française Christiane Taubira pour parler de son parcours et de ses engagements en tant que femme de pouvoir.
Une tente géante a été installée au milieu de la cour de l’IFT, au centre-ville de Tunis, afin d’accueillir le public qui était venu en grand nombre spécialement pour cet événement, et que l’auditorium ne pouvait contenir.
Itinéraire d’une femme engagée
En effet, environ 500 personnes étaient au rendez-vous pour bénéficier en premier temps d’une séance de dédicaces des deux derniers livres de Christiane Taubira (‘‘Murmures à la jeunesse’’ et ‘‘Nous habitons la terre’’), puis pour assister à la conférence qui était placée sous le thème : «Je n’ai peur ni du racisme, ni du sexisme, ni de la bêtise : Itinéraire d’une femme engagée».
La conférence a plutôt pris l’allure d’un entretien improvisé d’à peu près une heure, mené par l’actuel ambassadeur de France à Tunis et l’ancien directeur de France Culture Olivier Poivre d’Arvor.
Christiane Taubira a commencé par exprimer son bonheur d’être en Tunisie, là où les femmes ont une place toute particulière dans le monde arabe, et où on fête deux fois par an leurs droits, à savoir, le 8 mars et le 13 août. Elle a précisé qu’elle avait dû bousculer son agenda pour pouvoir rendre visite à la Tunisie en cette journée symbolique, d’autant plus qu’elle a toujours désiré mieux connaître ce pays et observer de près son avancement démocratique.
«Rien ne me fait peur!»
«Vous dîtes n’avoir peur ni du racisme, ni du sexisme, ni de la bêtise. De quoi avez-vous alors peur?». C’est ainsi qu’Olivier Poivre d’Arvor a entamé sa série de questions à Christiane Taubira, ce à quoi elle a très vite répondu avec toute l’assurance qu’on lui connaît : «Je n’ai tout simplement peur de rien !»
Elle a expliqué que ça faisait longtemps qu’elle avait réglé ses comptes avec la peur mais qu’elle pourrait plutôt parler d’un autre sentiment, celui de la colère contre toutes les formes d’injustice et d’inégalité qui sont, selon elle, le fruit de l’ignorance. «J’ai personnellement subi ces formes d’ignorance», nous confie-t-elle.
En effet, Christiane Taubira a été à plusieurs reprises victime d’insultes racistes et sexistes dont la plus connue est celle d’une caricature, signée une candidate du Front nationale, la comparant à une guenon.
Sur les débuts de son engagement, Christiane Taubira se rappelle qu’elle a depuis toujours éprouvé le besoin de réparer les injustices et de porter les soucis des autres, ce qui a commencé à prendre forme durant ses années de lycées où elle conduisait les grèves. «C’est là qu’est née mon dévouement vis-à-vis des autres et ma conviction de la nécessité de travailler collectivement», ajoute-t-elle.
Elle s’est par la même occasion exprimée sur sa vision de l’engagement qu’elle voit comme une évidence dont on ne peut se détourner, même si, elle a avoué être parfois traversé par l’envie d’être égoïste, de se tourner à elle-même et à ses proches, plutôt qu’aux causes collectives.
La bonne personne au bon moment
Interrogée sur son apport dans l’adoption de certaines lois, comme celle tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité (appelée aussi «Loi Taubira»), l’ancienne ministre de la Justice souligne que «si une personne se retrouve au bon moment et au bon endroit, elle peut alors changer les choses», comme ce fût son cas. Ce qui lui a, par ailleurs, valu toutes sortes d’hostilité et d’insultes, notamment après l’entrée en vigueur de la loi ouvrant le mariage aux couples du même sexe, une loi qu’elle avait défendu corps et âme au parlement français, considéré depuis comme l’un des moments forts de sa carrière politique, mais c’est aussi à ce moment-là où elle est devenue la pire ennemie de la droite et des organisations catholiques. Cela n’a semblé que la rendre qu’encore plus fière, car «ce fût une conquête en matière de droit et une étape de lumière dans l’histoire de la France», estime-t-elle, tout en indiquant qu’il y aura toujours des gens qui tenteront de nous convaincre avec les moyens les plus ingénieux que la liberté n’est pas nécessaire.
Le féminisme est un humanisme
Christiane Taubira a aussi expliqué qu’elle croyait fort en la démocratie comme elle croit aux règles qui font qu’on puisse vivre tous ensemble. «La démocratie est un système imparfait mais on doit le préserver en l’enrichissant», précise-t-elle.
Quant au féminisme, la militante y voit «une forme d’humanisme», expliquant que si on arrive à installer une réelle égalité entre les deux sexes, toutes les autres égalités en découleront.
Olivier Poivre d’Arvor a conclu l’entretien en demandant à son invité de nous dévoiler ses projets d’avenir, suite à quoi elle a annoncé que ses prochains combats prendraient probablement formes dans des livres, ressentant un désir de plus en plus fort de transmettre les choses à travers l’écriture : «Je ne me considère pas comme écrivain, mais j’ai un besoin inassouvi d’écrire».
Christiane Taubira nous a confié que dans ses moments de doute, elle se réfugie toujours dans la lecture des grands philosophes, poètes et romanciers. «La bibliothèque, c’est le bonheur permanent», conclut-elle.
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