Face à l’égoïsme et à l’incompétence de leurs élites politiques, toutes tendances confondues, les Tunisiens doivent se prendre eux-mêmes en charge pour sauver leur pays en danger.
Par Moncef Kamoun *
La Tunisie est depuis quelques années en perte de repères, de lisibilité, de visibilité, de stabilité, de volonté, d’imagination et de projets. Elle vit au jour le jour et il lui est difficile de se projeter dans l’avenir et, encore moins, d’anticiper sur les événements.
L’avenir est plus problématique que jamais et, personnellement, j’ai vraiment peur pour mon pays, qui va de mal en pis et semble, parfois, paralysé face à l’irresponsabilité généralisée et à l’anarchie menaçant de s’installer partout.
J’écris cela, pour demander à mes compatriotes de se préparer au pire. Dans les nouvelles du matin, il ne s’agit que d’accidents, de drames, de catastrophes et de tensions sociales, qui plombent le moral. On a rarement droit à de bonnes nouvelles qui nous inspirent, nous arrachent à notre angoisse et nous incitent à donner le meilleur de nous-mêmes.
Des lendemains incertains
Face à l’angoisse des lendemains incertains, au manque de confiance, à la persistance du chômage et de la pauvreté et à l’érosion du pouvoir d’achat, le Tunisien semble déprimé et sans espoir. Ce qui inquiète le plus ce n’est pas le blocage lui-même, mais le fait qu’il ne semble déranger personne.
Dans les secteurs de l’éducation et de la santé, les grèves se poursuivent et il n’y a pas de solution à l’horizon. Six ans après la révolution, on a réussi à tout détruire.
Notre administration, qui a toujours été la colonne vertébrale de l’Etat, a du mal à se réformer et elle devient un fardeau pour les finances publiques, la masse salariale de la fonction publique représentant désormais 13% du PIB, contre seulement 6 à 7% en 2010.
La justice, de son côté, semble très mal en point et aux prises avec une crise de confiance voire d’existence dont elle a du mal à se remettre.
Les grèves empêchent la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), l’un des fleurons de l’industrie tunisienne, de retrouver son rythme normal de production : au cours des 6 dernières années, sa production a rarement dépassé 2,5 millions de tonnes contre 8 millions en 2010.
Avec ces montagnes d’ordures qui font partie intégrante de notre quotidien et nous désespèrent de les voir un jour disparaître, notre environnement se détériore chaque jour un peu plus.
Des dirigeants égoïstes et incompétents
Sans parler des difficultés de notre économie et du grand écart existant entre les dépenses de l’Etat et ses revenus, qui freinent tout développement. Cette année 2017, les dépenses prévues s’élèveront à 32,5 milliards de dinars, tandis que les revenus attendus, selon le meilleur scénario, ne dépasseront pas 24 milliards.
Les caisses sociales sont toutes dans le rouge et la dette publique a presque doublé en 5 ans, passant de 35 à 55% du PIB entre 2010 et 2016.
Les secteurs clés de notre économie sont agonisants et la contrebande, qui touche tous les secteurs, représente plus de 40% de l’économie réelle.
Pour ne rien arranger, le Fond monétaire international (FMI) refuse d’accorder la 2e tranche du prêt convenu avec l’Etat tunisien, en raison du retard enregistré dans la mise en place des réformes économiques.
Comment est-on arrivé là?
Le pays est-il devenu ingouvernable? Certainement pas. Mais force est de constater que, six ans après la révolution, nous ne voyons aucune détermination de la part des autorités et des citoyens à faire sortir le pays du gouffre où il tombe chaque jour davantage.
Alors que le gouvernement semble dépassé par les événements et que les pouvoirs publics souffrent d’un grave déficit de gouvernance, le peuple ne montre aucune conscience des enjeux et des menaces auxquels le pays est confronté.
Ce qui fait penser à certains d’entre nous que nos hommes politiques sont égoïstes, incompétents et nuls. Ce sont les premiers responsables de la destruction du pays, de son économie et des rêves de ses enfants.
Aussi, en tant que citoyens, devrions-nous prendre conscience de nos responsabilités, nous prendre en charge et nous mettre ensemble pour aider le pays à sortir de sa torpeur qui a trop duré et le remettre de nouveau sur les rails du progrès.
*M K Architecte.
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