Le Cercle Kheireddine a organisé une rencontre pour présenter son ouvrage «Contributions du Cercle Kheireddine pour un modèle de développement tunisien renouvelé».
Par Wajdi Msaed
La rencontre, qui s’est déroulée le 29 avril 2017, a été organisée en collaboration avec la représentation de la fondation allemande Konard Adenauer en Tunisie.
Idées novatrices et débats apaisés
C’est Afif Chelbi, président du cercle et ancien ministre de l’Industrie, sous le régime de Ben Ali, qui s’est chargé de la présentation de cet ouvrage qui fait la synthèse des travaux des tables rondes organisées par ledit cercle entre 2014 et 2016 et qui traitaient de thèmes en rapport avec le développement socio-économique de la Tunisie.
«Notre pays, qui se trouve, depuis 2011, à la croisée des chemins, a besoin d’idées novatrices et de débats apaisés sur les enjeux économiques et sociaux, à la hauteur des aspirations populaires», a-t-il dit, ajoutant que le Cercle Kheireddine «a l’ambition d’apporter sa contribution à ces débats en formulant des éléments de réponse à la question centrale qu’il s’est posée». Cette question est la suivante : «Pourquoi, depuis l’indépendance, le taux de croissance annuel moyen de la Tunisie n’a-t-il été que de 5%, au lieu de 7 et 8% potentiels?»
«C’était un taux significatif certes, mais insuffisant», surtout pour absorber les demandes additionnelles d’emplois, accélérer le rythme de développement dans les régions intérieures et améliorer les conditions de vie des couches populaires et moyennes, a expliqué M. Chelbi, soulignant que le livre, qui est en vente aux librairies, essaie d’identifier les contours d’un modèle de développement plus équilibré régionalement, socialement et en termes de gouvernance; plus ambitieux internationalement, avec un ancrage dans l’économie mondiale et une remontée plus rapide des filières technologiques.
Le background diversifié des membres du Cercle Kheireddine, anciens hauts cadres de l’Etat, universitaires, experts en divers domaines, constitue «un atout pour évaluer de manière objective le chemin parcouru (les réussites, les échecs et leurs causes), formuler des propositions basées sur les enseignements du passé et les analyses comparatives des expériences internationales».
Afif Chelbi, Holger Dix et Karim Ben Kahla.
Appel à un appui international
C’est là, on l’a compris, le cœur de mission du Cercle Kheireddine, classé, selon son président, 2e think-tank en Tunisie après l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) et 70e parmi les think-tanks de la région Moyen Orient et Afrique du Nord (Mena), qui en répertorie 398 sur un total de 6.846 classés par le rapport ‘‘Global Go-To Think Tanks Index 2015’’, publié par l’université de Pennsylvanie aux Etats-Unis.
Après avoir fait un exposé exhaustif et bien détaillée de la stratégie préconisée par ses collègues pour réaliser un développement harmonieux dépassant les blocages persistants, le président du cercle Kheireddine a souligne l’objectif majeur à atteindre, qui est de faire en sorte que l’investissement public direct concerne tous les secteurs sauf ceux productifs et compétitifs, qui devraient rester l’apanage des privés.
Pour contribuer à sortir la Tunisie de sa crise actuelle et à y impulser l’activité économique, le Cercle Kheireddine a lancé un appel pour un appui international à la Tunisie. Et dans ce cadre, il participe à un séminaire, qui se tient aujourd’hui, jeudi 4 mai 2017, aura lieu à Rome (Italie), sous le thème: «La Tunisie, espoir de la Méditerranée».
La réalité tunisienne dans le regard d’un étranger
Cet appui international à la Tunisie a interpellé Holger Dix, représentant résident de la fondation Konrad Adenauer, qui, faisant le constat d’un observateur étranger de la situation prévalant en Tunisie depuis son arrivée en janvier 2017, a estimé que la mobilisation internationale envers la Tunisie est énorme, sur les plans politique et financier, faisant savoir que le plus grand engagement de sa fondation à l’étranger bénéficie à notre pays. «Il faudrait bien utiliser les possibilités offertes avant de demander davantage d’aide», a-t-il lancé. Et l’hôte allemand de faire part de 4 paradoxes qui l’ont interpellé pendant son séjour en Tunisie. Le jour de la fête nationale du 14-Janvier, les Tunisiens auxquels il souhaite bonne fête lui répondent: «On n’y croit plus vraiment». «Que faire alors pour impulser une nouvelle dynamique quand l’esprit ne suit plus ?», s’est-il interrogé.
Le deuxième paradoxe, il l’a trouvé auprès des responsables politiques tunisiens: «Ils cherchent le consensus au lieu de gouverner, or le consensus recherché est contraire aux dispositions même de la nouvelle constitution, qui est fondamentalement concurrentielle», a fait observer M. Dix.
L’Allemand a déploré aussi ce qu’il a qualifié d’«absence de décision». En effet, malgré l’existence de trois institutions constitutionnelles (Assemblée des représentants du peuple, présidence de la république et présidence du gouvernement), le citoyen tunisien regarde toujours vers le Palais de Carthage, à telle enseigne qu’un député, qui est censé incarner le centre des décisions, demande au gouvernement, qui n’est qu’une structure exécutive, de décider à sa place.
Le représentant de la fondation Konrad Adenauer s’interroge, par ailleurs, sur les valeurs et principes susceptibles de permettre à la société tunisienne de tenir le coup et d’avancer au lieu de faire du surplace. Mais il avoue ne pas trouver de réponses. Il affirme, cependant, en conclusion, que l’existence d’organisations de la société civile, comme le Cercle Kheireddine, constitue une grande force pour aller de l’avant sur la voie de la concrétisation des aspirations des Tunisiens, notamment dans la lutte contre le chômage, qui ne cesse de s’aggraver et dont les répercussions sont très négatives sur les plan économique, social, politique et même sécuritaire, avec l’enrôlement des chômeurs par les groupes terroristes et les réseaux de contrebande.
Hauts cadres de l’Etat, universitaires, experts en divers domaines.
Nouvelle Chance… pour les chômeurs
C’est dans ce contexte que s’inscrit la participation à cette rencontre de l’association Nouvelle Chance, qui préconise une nouvelle approche, qualifiée d’«originale» pour le traitement du chômage des jeunes.
Le président de cette association, Karim Ben Kahla, qui est également le secrétaire général du Cercle Kheireddine et figure connue dans les sphères universitaires, précise que cette approche repose sur un principe simple et cohérent : le chômage doit être traité au plus près, là où il est «produit», par les structures universitaires qui en sont responsables.
Il est donc question de responsabiliser l’institution universitaire qui a «mal ou pas assez bien formé les jeunes qu’il faut appeler et essayer de trouver avec lui d’éventuelles solutions à son problème de chômage», explique-t-il. Une manière, selon lui, de rectifier le tir et d’éviter d’éventuelles dérives. «Contrairement à l’approche du ministère de l’Emploi, nous sommes dans une démarche à la fois curative et préventive, émergente plutôt qu’imposée», explique M. Ben Kahla.
Une fois sélectionné par son institution d’origine, le jeune diplômé est intégré à un programme basé sur 3 axes d’intervention et relevant de la stratégie RSE des universités et des entreprises qui y adhèrent.
Le 1er a trait à des formations sur des «soft skills» au sein même de l’ancien établissement du candidat, qui sont complétées par une formation sur une compétence technique habilitante à un futur emploi/projet. Le 2e repose sur un tutorat pour chaque candidat, qui est assuré par l’un de ses anciens enseignants. Le 3e axe consiste à organiser des stages formateurs dans des entreprises partenaires.
Basée sur le bénévolat et le sens de la responsabilité, cette approche a réussi à impliquer 6 établissements universitaires pour lancer 8 programmes Nouvelle Chance, avec des taux d’insertion professionnelle qui varient entre 70 et 80%. «Des taux bien meilleurs que ce que réalise le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle», souligne, en conclusion, Karim Ben Kahla.
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