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L’Assemblée délivre-t-elle un « permis de violer » ?

Le retard pris dans l’examen du projet de loi intégrale sur l’élimination des violences à l’encontre des femmes s’apparente à un « permis de violer ».

Par Nadia Chaabane et Zakia Hamda *

Nous avons tous en mémoire, « l’affaire de Hajer », l’adolescente violée par 3 membres de sa famille et chassée par son père quand sa grossesse fut découverte.

L’émission ‘‘Ândi Manqolleq’’ d’Alâa Chebbi sur Al-Hiwar Ettounsi avait provoqué l’indignation générale. La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a été saisie et avait réagi en interdisant la rediffusion et suspendant le programme pour trois mois. Le délégué à l’enfance n’a pas été en reste quant à la prise en charge de la victime. L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) l’a accompagnée et lui apporté son assistance juridique. Le gouvernement avait alors proposé un projet de loi constitué d’un article unique, qui amende les articles 227 bis et 239 du code pénal; accompagné d’une demande d’examen en urgence.

En attendant l’examen par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui tarde à venir, de l’ensemble du texte de la loi intégrale sur les violences faites aux femmes.

Le projet porte sur la suppression des dispositions des alinéas 4 et 5 de l’article 227 bis du code pénal et vise à prémunir l’intégrité physique des jeunes filles sans discrimination basée sur le sexe, conformément à l’article 23 de la Constitution. Il garantit l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément aux dispositions de l’article 47 de la Constitution, lesquelles dispositions interdisent le mariage forcé pour les fillettes victimes des crimes énoncées dans les articles 227 bis et 239 du code pénal.

L’«affaire de Hajer », l’adolescente violée par 3 membres de sa famille, a choqué l’opinion tunisienne.

A la surprise générale, la commission des «droits et libertés» à l’Assemblée a refusé le vote et reporté sa décision.

Un mois plus tard, la même commission se réunit pour l’étude la loi intégrale relative à «l’élimination des violences à l’encontre des femmes». C’est l’occasion inespérée pour amender entre autre cet article de la honte. Or voilà que ce mauvais scénario se répète et que la commission renvoie l’examen de l’article à une date ultérieure au motif fallacieux que la commission prétend «maintenir l’équilibre dans la société dans le cadre des principes de la constitution».

Les membres de ladite commission désignent probablement une autre constitution que celle votée par l’Assemblée constituante en janvier 2014 car celle-là est sans équivoque. Elle contient des dispositions pour éliminer toutes les formes de discrimination, pour lutter contre les violences faites aux femmes et protéger la dignité de la personne humaine. Elle n’a jamais prévu de bafouer les droits et la dignité des victimes. Elle n’a jamais parlé de blanchiment du crime.

Le projet de loi cadre ainsi amputé est une insulte à l’intelligence des Tunisiens. Sur l’autel du consensus, on sacrifie encore une fois les femmes et leur droit à la dignité.

14 décembre 2016, au Bardo: Des femmes manifestent devant l’Assemblée pour l’abrogation de la loi 227 bis du code pénal. 

Cette attitude, au-delà d’être scandaleuse, témoigne surtout d’un parfait mépris des femmes et de la Constitution. Elle témoigne aussi du fossé qui existe aujourd’hui entre une société qui aspire à la liberté et à la dignité et une Assemblée qui malgré un discours favorable aux femmes ne fait que jouer les «illusionnistes».

Ce report n’est-il pas un implicite «permis de violer»?

* Membres du collectif Nissa al 46.

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