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Quand se réconciliera-t-on enfin avec… le peuple ?

Manifestation contre la loi de la réconciliation devant l’Assemblée au Bardo. 

Qui aurait pensé que Ben Ali, qui gouvernait avec une main de fer, aurait le sort qui a été le sien? Comme quoi il ne faut jamais insulter l’intelligence du peuple.

Par Zayer Baazaoui *

Presque 7 ans après la Révolution du Jasmin, on parle de réconciliation avec ceux qui ont contribué, de par leur position dans l’administration publique, volontairement ou contraints, au vol organisé de l’argent du peuple mais aussi de son bonheur, de sa joie de vivre et de sa sérénité.

Le gouvernement actuel veut nous faire croire que cette réconciliation est la seule solution pour sortir de la crise socio-économique actuelle et voir le bout du tunnel.

 

Un pays «volé» par les partis

La réconciliation veut dire que des hauts responsables de l’ancien régime, qui ont été complices du clan Ben Ali, l’ancien président déchu, dans le pillage des richesses du peuple, soient pardonnés, alors qu’un simple citoyen qui n’a pas remboursé un crédit de quelques milliers de dinars se trouve automatiquement en prison.

C’est une loi de la honte, celle qui vient d’être adoptée mercredi 13 septembre 2017; et en tant que simple citoyen tunisien indépendant, cela m’enrage pour plusieurs raisons.

En janvier 2011, le peuple a fait l’impossible et l’inconcevable. Ce qu’il a fait en a surpris beaucoup. La plupart de ceux qui sont descendus dans la rue pour dire non à la corruption et qui ont scandé le fameux slogan «Travail, liberté et dignité» n’étaient pas des partis politiques mais de simples citoyens, des élèves, des étudiants, des gens sans travail, des petits fonctionnaires…

Ce peuple a fait le plus difficile, il a destitué Ben Ali. Mais aussitôt après, il a donné le pays à des partis politiques sur un plat en or. Or, ces derniers et leurs dirigeants, assoiffés de pouvoirs et de privilèges, n’ont pas pensé à servir ce peuple mais plutôt à servir leurs propres intérêts personnels et politiques. Non seulement ils ont oublié les maux du peuple, qui continue de souffrir, mais à chaque fois qu’il y a une élection ou une étape décisive dans le processus de transition politique, ils commencent à jouer sur les attentes des gens et sur leurs peurs et leur font des promesses qu’ils oublieront aussitôt qu’ils ont ramassé les voix nécessaires à leur élection. Car une fois élus, ils se détournent des problèmes vitaux des électeurs pour ne s’occuper que de la défense de leurs propres intérêts.

Le RCD revient via l’alliance Ennahdha-Nidaa

Aujourd’hui, presque 7 ans après la révolution, nous avons deux grands partis politiques au pouvoir : le parti islamiste Ennahdha et le parti soi-disant laïc Nidaa Tounes, constitué essentiellement d’anciens dirigeants du Tajamo (RCD), l’ancien parti au pouvoir sous Ben Ali.

La position des islamistes dès le premier jour de leur accession au pouvoir, en janvier 2012, a été on ne peut plus claire : revendiquer des droits dont ils ont soi-disant été privés durant un demi-siècle d’interdiction politique et de répression.

Pour avoir leur part du gâteau de la république, ils ont placé leurs hommes et femmes dans des postes clés de l’administration publique. Les signes extérieurs d’enrichissement rapide n’ont pas tardé à apparaître sur cette nouvelle smala assoiffée de privilèges et de prébendes.

L’autre parti, Nidaa Tounes, a joué sur la peur des Tunisiens, lors des élections de 2014, de voir les valeurs de liberté, de progrès et de modernité, auxquelles ils sont attachés, remis en question par les islamistes, pour solliciter leur vote massif et remporter ces élections. La suite on la connaît. Au lendemain des élections, ces deux soi-disant adversaires ont gouverné ensemble main dans la main. Et pour les résultats que l’on sait : persistance du chômage de masse, creusement des déficits publics, inflation galopante, dévaluation de la monnaie nationale, baisse du pouvoir d’achat, aggravation de l’endettement extérieur, etc.

La gauche hors du coup

Pour ne rien arranger, 7 ans après la révolution, les partis de gauche n’ont malheureusement pas encore compris qu’ils doivent changer leur discours et l’adapter aux réalités du pays et aux difficultés qu’il traverse actuellement. Ils n’ont pas non plus compris qu’ils sont tout aussi responsables, même s’ils n’ont pas gouverné, de ces difficultés, car ils n’ont pas proposé de solutions alternatives et leurs voix restent inaudibles.

La gauche a un rôle crucial pour faire sortir le pays de son impasse actuelle, mais elle n’arrive apparemment pas à dépasser ses vieux schémas de pensée éculés pour réfléchir, de manière moins dogmatique et plus pragmatique, à des solutions concrètes et efficaces.

Il est à noter, à ce propos, que ce phénomène est mondial. Partout, la gauche se montre impuissante et incapable de comprendre que le monde change et que les anciennes idéologies doivent être mises à l’épreuve des nouvelles réalités. Il est temps qu’elle se mettre en question et évolue pour trouver de nouvelles voies qui redonnent espoir aux populations déçues et déboussolées.

* PhD candidate – Université de Miami.

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