La liste noire de 17 paradis fiscaux épinglés par l’Union européenne (UE) et rendue publique mardi 5 décembre 2017, suscite de nombreuses controverses.
Cette liste où figure, notamment, le nom de la Tunisie, a été dénoncée par les Verts et l’eurodéputé PS Hugues Bayet, ainsi que par la célèbre Ong Oxfam, qui la jugent incomplète, car beaucoup de pays et de territoires européens ont en été exclus, politiquement orientée et donc peu crédible. Elle n’a pas fini de susciter des critiques et des controverses au sein même de l’Europe.
«Les tractations politiques ont conduit à mettre de côté des paradis fiscaux notoires, comme les territoires offshores britanniques, Hong Kong, le Qatar, ou encore la Suisse et les États-Unis», a dénoncé Eva Joly, vice-présidente de la commission d’enquête sur les Panama Papers.
«Cette liste est avant tout politique. Les États membres ont réussi à faire pression pour que leurs propres dépendances et territoires alliés n’y figurent pas», affirme l’eurodéputée, déplorant aussi l’absence de sanctions. Il n’est pas acceptable non plus à ses yeux que les États membres de l’UE aient été d’emblée exclus du processus de liste noire, alors que les Pays-Bas, l’Irlande, Malte, le Luxembourg et Chypre ne respectent pas les critères demandés aux pays tiers.
Hugues Bayet (PS) s’étonne aussi que certaines juridictions comme Jersey ou l’île de Man, abondamment citées dans les Paradise papers, n’y figurent pas, pas plus d’ailleurs que les Etats-Unis dont le Delaware est pourtant une plaque tournante de l’offshore. Avec l’absence sur la liste de certains États de l’UE, «tout ceci démontre que les États membres ont une fois de plus manqué du plus élémentaire courage alors que chaque année, ce sont 1.000 milliards de recettes fiscales qui leur échappent en raison des pratiques d’évasion fiscale et de blanchiment.»
Même réaction de regret de la part d’Oxfam qui, dès mardi matin, avait organisé une action à l’arrière du Conseil européen pour dénoncer les risques de voir les paradis fiscaux et les grandes fortunes prospérer à l’ombre de l’UE.
Pour Johan Langerock, responsable de plaidoyer Justice fiscale pour Oxfam, «il est inquiétant de ne voir pratiquement que des petits pays figurer dans cette liste noire alors que les principaux paradis fiscaux ont, eux, été placés dans la liste grise.»
Oxfam critique notamment la mise en place d’une «liste grise» qui «donne l’impression que les pressions exercées par l’UE ont contraint des pays comme la Suisse ou les Bermudes à prendre des engagements forts», mais qui pourrait être une manière de mettre ces pays à l’abri des regards et des sanctions, «comme cela a été le cas lors des précédents efforts de mise en place de liste noire par le passé.»
Oxfam réclame par ailleurs une liste noire plus ambitieuse «assortie de sanctions effectives pour les grandes entreprises et grosses fortunes qui ont recours aux paradis fiscaux peut permettre de mettre fin à l’évasion fiscale».
Bref, cette liste pèche par un esprit sélectif qui déshonore l’UE et enlève toute crédibilité à son action pour lutter contre l’évasion fiscale. Ce n’est pas du pipeau, mais de la poudre aux yeux, et un écran de fumée… qui pourrait nuire, par exemple, à un pays comme la Tunisie, dont la présence sur cette liste est on ne peut plus surprenante. Et pour cause, ce pays souffre lui-même du fléau de l’évasion fiscale, qui plus est vers des paradis… européens.
I. B. (avec agences)
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