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Tunisie : De la transition politique à la transition économique

Un des sages politiques asiatiques a dit : «La démocratie sans création de richesse ne mène qu’au désordre.» Que faut-il en penser dans le contexte de la Tunisie actuelle?

Par Anis Wahabi *

La transition politique est le fond de commerce que la Tunisie est en train d’exploiter depuis 2011 pour faire face à tout genre de difficultés sociales, sécuritaires et économiques.

La transition politique constitue le seul argument avancé par notre pays contre les attaques venant de partout en relation avec les paradis fiscaux, le blanchiment d’argent et avec d’autres éventuelles listes colorées que nous découvririons dans les jours à venir.

Un des sages politiques asiatiques a dit : «La démocratie sans création de richesse ne mène qu’au désordre.» Faut-il en penser dans notre contexte?

Créer de la richesse pour couper avec les causes de la révolution

Il n’est pas possible de réussir la transition politique tunisienne sans «transition économique» capable de créer de la richesse pour couper avec les causes de la révolution de jasmin et préparer les conditions sous-jacentes : la liberté et la dignité dont nous avons rêvé longtemps.

À titre d’exemple, nous vivons ces jours un événement exceptionnel qui est la présentation des candidatures aux élections municipales. Il s’agit d’un événement historique dans la construction du nouveau système de gouvernance. 53.855 candidats qui se présentent pour 7.182 placés dans 350 municipalités qui couvrent 90% du territoire tunisien.

Quel bonheur de voir toute la Tunisie devenir comme le gouvernorat de Monastir.

Toutefois, je me demande si ces candidats aux élections municipales sont conscients de la lourdeur de la tâche qu’ils vont assumer? Sont-ils conscients des moyens dont ils disposeront pour répondre à tous les besoins locaux et à toutes exigences des citoyens?

Démocratie participative sans ressources financières

Le budget global de toutes les municipalités tunisiennes confondues ne dépassent pas 1.000 millions de dinars tunisiens (MDT), soit 4% du budget de l’Etat, par rapport à 11% au Maroc, 18% en Turquie et 54% au Danemark.

La majorité des municipalités manquent de ressources, elles sont endettées et 107 d’entre elles vivent une situation financière très difficiles.

C’est pour cela qui je dirais, lancer le processus démocratique à l’échelle régionale est une excellent idée, mais qui risque de foirer si on ne solutionne pas la problématiques de ressources municipales.

L’absence de l’équilibre entre les moyens et la politique va être à l’origine d’une frustration sans fin, comme celle que nous avons connue après les deux élections précédentes.

Comme aussi la frustration que nous avons connue après la promulgation de la nouvelle loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’août 2015, qui n’a rien changé dans notre classement dans une même liste avec le Trinité et Tobago.

C’est la même frustration que nous avons vécu avec la nouvelle loi de la Banque centrale d’avril 2016 dont les inconvénients semblent plus importants que les bienfaits.

Comme aussi les centaines de dispositions fiscales et douanières qui sont conçues sur la base du principe que le «le Tunisien est fraudeur jusqu’à preuve du contraire». Ces dispositions ont par conséquent alourdi la dynamique économique plus qu’elles l’ont protégées.

Aussi, nous avons maintenu une réglementation de change d’une autre ère, conçue pour empêcher les Tunisiens d’exporter le moindre sou. À force de se concentrer sur les Tunisiens, nous avons loupés les 22.000 sociétés off-shore étrangères, les associations qui financent les politiques et les terroristes, ainsi que les agents d’intelligence de tout bord.

C’est dire que, la transition politique ne peut pas se faire sans une transition économique en parallèle et de la même intensité.

Nous ne pouvons donc pas fonctionner avec une nouvelle Constitution au goût des jours et un code de change qui date de janvier 1976, plaçant la Tunisie dans une autarcie nous rappelant les ex-pays soviétiques.

Nous ne pouvons pas avancer dans le processus de démocratie participative alors que, de l’autre côté, nous nous organisons avec un code des sociétés qui traitent des sociétés de participations mais pas les sociétés anonymes simplifiés, des trustees et d’autres formes d’investissement et de gestion.

Aussi, il ne sera pas possible de continuer à gérer une économie héritière d’expériences aussi disparates provenant de la logique de cohabitation. Comme il ne sera pas possible de continuer avec l’actuelle gouvernance des entreprises publiques qui bouffent de l’énergie et des crédits.
Il ne sera pas également possible de s’aventurier dans l’expérience de la libre gouvernance locale alors que nous sommes incapable de résoudre les problèmes du cabaret du port de Radès.

La Tunisie a été pionnière dans plusieurs domaines et ce n’est pas nouveau: de la constitution de Carthage à la révolution de 2011, en passant par le pacte fondamental de 1857 et le code du statut personnel de 1956.

Il fut un temps que les Turcs, dans les années 80, sont venus apprendre de l’expérience tunisienne en tourisme et après dans le domaine du textile. C’était aussi le cas du Maroc dans plusieurs domaines économiques.

Il est certain que nous amis avaient une vision plus claire et une haleine plus longue.

La Tunisie de la deuxième république ne peut plus continuer avec une réglementation de travail héritée de celle du Front populaire français de 1936 et d’une loi de la fonction publique de juin 1983. Sans oublier toutes les lignes rouges liés à ces réglementations.

La transition politique sans création de richesse ne peut mener qu’à l’anarchie.

À nous de choisir alors entre réussir la transition économique ou continuer dans un populisme politique stérile.

* Expert-comptable.

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