En Tunisie, il n’y a actuellement aucune volonté politique pour combattre l’homophobie. En effet, sept ans après la révolution tunisienne, les libertés individuelles ne sont encore pas acquises par ce peuple qui a rêvé d’égalité et de dignité.
Par Mounir Baatour *
L’homosexualité, comme tant d’autres sujets encore considérés «tabous», ne sont pas encore abordé ni même défendus par les politiciens.
Etre homosexuel est puni par le code pénal tunisien. Et tout homosexuel risque jusqu’à 3 ans de prison ferme sur la base de l’article 230 de ce code datant de 1913 et hérité de la période coloniale.
Cette sanction est en réalité une forme de condamnation à la prison à perpétuité, tenant compte du fait que la prison ne change en rien l’orientation sexuelle d’un individu. D’ailleurs, plusieurs parmi ceux précédemment jugés pour homosexualité ont été arrêtés à d’autres reprises pour le même motif.
De nombreux pays et organisations internationales ont considéré l’article 230 du code pénal tunisien comme étant rétrograde et contraire aux droits de l’Homme. Cependant, les politiciens tunisiens font malgré tout la sourde oreille, et les condamnations au nom du dit article se poursuivent. Plus grave, les politiciens tunisiens, quelle que soit leur obédience politique, expriment souvent une position hostile au sujet de l’abrogation de ce fameux 230.
C’est le cas notamment d’Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), parti se disant progressiste, moderniste et hostile aux islamistes. Mme Moussi, interrogée la semaine dernière, dans une émission télévisée au sujet de l’article 230, a déclaré son soutien à son maintien. Elle a considéré le sujet comme indiscutable et semble avoir oublié son passé d’agent de l’ancien régime répressif et dictatorial de Ben Ali.
Borhen Bsaies, politicien chargé du dossier politique au parti Nidaa Tounes, parti au pouvoir, se disant progressiste et moderniste, avait exprimé, lui aussi, son homophobie lors d’une interview télévisée. Mais sa déclaration a été ensuite nuancée dans une autre interview où il a affirmé que l’article 230 ne sera pas abrogé tant que le peuple ne l’a pas demandé. C’est à se demander si toutes les lois liberticides ont été abrogées suite à une demande du peuple. Non : pour abolir l’esclavage, la polygamie et la répudiation de la femme, par exemple, on n’a jamais eu besoin de la mobilisation du peuple. Une loi contraire aux droits de l’Homme et aux libertés individuelles doit nécessairement et logiquement disparaître.
En l’absence de politiciens audacieux pour faire cesser ses malheurs, la communauté LGBTQ en Tunisie demeure victime d’agression, d’arrestation et d’emprisonnement.
La situation demande des mesures sérieuses et impératives pour lutter contre cette attitude homophobe et lâche assumée, en premier lieu, par le gouvernement tunisien et puis par les politiciens de tout bord. Sauf les islamistes du parti Ennahdha qui, malgré leur conservatisme, expriment curieusement des positions plus avancées à ce sujet.
Le débat est là et il ne manque que le courage et la détermination pour l’aborder.
* Président de l’association Shams de défense des droits des homosexuels.
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