Jeudi 12 juillet 2018, Enda Tamweel organisait une soirée de gala à Dar Ennejma Ezzahra pour célébrer l’entrée dans son capital de 6 nouveaux investisseurs. L’occasion de faire le point sur le travail mené par le groupe en Tunisie.
Par Seif Eddine Yahia
Spécialisée dans le microcrédit, Enda Tamweel a, depuis 1995, un rôle d’appui et d’aide à l’émancipation auprès des populations les plus fragiles de notre pays (femmes, jeunes sans emploi, populations rurales…) en fournissant à ces dernières des moyens de créer ou de développer une activité économique pérenne.
Soirée de gala à Sidi Bou Saïd
C’est au palais Ennejma Ezzahra que s’est tenue la réception organisée par Enda Tamweel et destinée à célébrer l’entrée dans son capital de six nouveaux investisseurs.
En présence des cofondateurs du groupe, Essma Ben Hamida et Michael Philip Cracknell, ainsi que de Mohammed Ennaceur, président de l’Assemblée, et de Marouane El Abassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), cette soirée a été l’occasion de faire le point sur les actions et les réussites de l’Ong Enda Inter-arabes, et de la société Enda Tamweel.
Entre discours, concerts et animations, les convives ont également pu découvrir les nouveaux investisseurs poursuivant l’aventure avec Enda.
Une des nombreuses animations de la soirée.
La soirée a aussi été l’occasion pour Esma Ben Hamida, cofondatrice d’Enda Tamweel, d’annoncer qu’elle quittait officiellement le monde de la microfinance (d’ici un mois, le temps de régler les éléments de la passation).
Une action menée depuis 1995
En 1995, Mme Ben Hamida et M. Cracknell décident de lancer l’Ong Enda-Inter-arabes afin d’aider les jeunes, les femmes et les populations fragiles de Tunisie à accéder à l’entrepreneuriat ou à développer leur activité par l’octroi de micro-crédits.
En 2011, l’Ong Enda Inter-arabes se voit renforcée par l’apparition la société Enda Tamweel. Celle-ci, forte de son nouveau statut, a pu accroître ses capacités de financement et aider un nombre plus important d’entrepreneurs et d’agriculteurs.
Depuis sa création, Enda a cherché à implanter son action sur tout le territoire tunisien. Aujourd’hui, la société dispose de 84 agences dans tout le pays afin de répondre directement aux besoins du terrain.
Précurseur, à une époque où la théorisation de la microfinance en était encore à ses débuts ailleurs dans le monde, Enda Tamweel est aujourd’hui le leader national dans ce domaine avec 330.000 clients actifs et 3,2 milliards de dinars cumulés en prêts depuis sa création.
L’entreprise a diversifié ses produits financiers et ses types de prêts afin de s’adapter aux besoins de sa clientèle. Ainsi, un prêt spécifique pour le domaine agricole a été créé par la société. Celui-ci prend notamment en compte les périodes de rentrées d’argent des groupes agricoles (souvent pendant les moissons) dans son échéancier.
En plus des produits purement financiers, Enda propose aussi un accompagnement et un service de conseil pour les entrepreneurs ou agriculteurs ayant sollicité un prêt auprès de la structure.
L’utilité sociale du microcrédit responsable n’est plus à démontrer. Elle a même valu un Prix Nobel de la Paix à Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank et théoricien du microcrédit responsable. Ce dernier oeuvre depuis la fin des années 70 afin de promouvoir l’idée d’un microcrédit socialement impliqué et tourné vers les plus pauvres. Enda s’inscrit dans cette ligne-là.
Le fondateur d’Enda, M. Cracknell a d’ailleurs souhaité mettre en avant des projets soutenus par son groupe au cours de notre discussion. Des actions telles que «Projets de vie» destinée à améliorer le suivi psychologique de jeunes sans perspectives d’avenir, ou «Aflatun» cherchant à développer l’esprit d’entreprise dès l’école primaire par des simulations ou des projets originaux.
Des illustrations concrètes de projets réussis
Plus qu’un empilement de chiffres abstraits, la réussite d’Enda Tamweel est avant tout une affaire d’hommes et de femmes (surtout de femmes, puisque, rappelons-le, 2 prêts accordés sur 3 le sont au profit de femmes lançant ou développant leur activité.).
A l’entrée du palais étaient inscrites les sommes accordées par Enda depuis 1995.
Pour illustrer les réussites d’Enda, les organisateurs avaient tenu à organiser une exposition des artisans, clients d’Enda, sur les lieux même de la réception.
Parmi les exposants, on peut citer Thouraya Bousnina, fabricante de bijoux à Tunis pour qui le prêt a été une rampe de lancement permettant d’étendre son activité. Mohamed Amamou, autre client d’Enda Tamweel, et fabricant de Foutta à Monastir, a pu payer les machines nécessaires pour répondre à l’accroissement de sa demande.
Autre témoignage, celui de Marwa Chebbi, jeune entrepreneuse, fraîchement diplômée des Beaux-Arts et qui a bénéficié du prêt «Bidaya», spécialement conçu pour les jeunes souhaitant lancer leur business. Elle a ainsi pu lancer sa marque de maroquinerie, utilisant pour partie des matériaux de récupération dans une logique de développement durable et de qualité.
Dans les trois cas, ce qui a conduit les entrepreneurs vers Enda, plutôt que vers des structures bancaires classiques, c’est la facilité des démarches. Enda ne demande en effet qu’une pièce d’identité, un garant et un Business Plan solide pour proposer une réponse, là où des lourdeurs administratives se font généralement sentir quand on se tourne vers les structures bancaires classiques.
En moyenne, les prêts sont reçus 2 semaines après l’acceptation de la demande par Enda. Cette acceptation arrive pour 70% des demandes. L’arrivée des nouveaux investisseurs conduira très probablement à la multiplication d’exemples réussis tels que ceux-là dans le développement de TPE ou dans le développement d’Actions Génératrices de Revenus.
Qui sont les nouveaux investisseurs ?
Six compagnies et fonds d’investissement ont souhaité développer et accompagner l’action d’Enda Tamweel à hauteur de 72 millions de dinars tunisiens (MDT). Parmi ces six nouveaux arrivants, nous retrouvons Sanad, un fonds d’investissement spécialisé dans le développement de l’emploi dans les zones les plus précaires de la région Mena (Middle-East and North Africa).
Ce fonds a été créé à l’initiative de la KFW, la banque de développement allemande et de l’Union européenne (UE), entre autres. Nous retrouvons également la Société belge d’investissement pour les pays en développement (Bio) et Proparco, filiale de l’Agence française de développement (AFD) spécialisée dans la promotion de l’activité économique dans les pays en développement. A cela s’ajoute Solidarité internationale pour le développement et l’investissement (Sidi), un fonds d’investissement social et solidaire Triodos et WWB Capital Banking (Women’s World Banking) qui oeuvre à la promotion du travail et de « l’empowerment » féminin.
M. Cracknell (à gauche) lors de la présentation des nouveaux investisseurs.
Ce complément de capital permettra à Enda Tamweel d’améliorer ses ratios, ce qui aura pour conséquence directe de faciliter le refinancement de ses activités tout en proposant des produits financiers à des taux plus avantageux pour ses clients et partenaires. Cette augmentation de capital permettra aussi à Enda de mieux faire face aux questions de refinancement de ses activités.
Hommage appuyé de M. Ennaceur
C’est en tant qu’ami que M. Ennaceur, président de l’Assemblée, s’est rendu à cette soirée. En effet, comme l’ont indiqué M. Cracknell et Mme Ben Hamida lors de leurs discours respectifs, Mohammed Ennaceur a fait partie de ceux dont les conseils ont permis aux fondateurs d’Enda de lancer leur activité au début des années 1990.
Interrogé sur le rôle d’Enda Tamweel dans l’économie du pays, M. Ennaceur a souhaité rendre hommage au long travail des cofondateurs: «C’est une œuvre magnifique, une très belle réalisation pour l’aide à l’amélioration de la vie dans les quartiers populaires. (…) Ces prêts permettent d’aider ceux qui ont l’esprit d’initiative en Tunisie comme l’attestent les formidables taux de remboursement des prêts accordés par Enda (98% de remboursement) (…) La microfinance est une solution à encourager.»
Lors de son discours, M. Cracknell a sollicité l’aide des pouvoirs publics afin d’obtenir plus de soutien concret dans son action. Interrogé sur la demande de de la direction d’Enda, M. Ennaceur a rappelé qu’une loi avait déjà été promulguée pour encourager la microfinance et le micro-entrepreneuriat. Quant à la manière dont on pouvait améliorer les conditions actuelles pour le secteur, M. le président a indiqué qu’«il fallait créer plus de conditions favorables à cette activité tout en restant vigilant face à d‘éventuels abus.» La manière dont ces abus seront contrôlés ou sanctionnés n’a pas été évoquée.
Comme nous l’avons dit, 2 tiers des prêts accordés par Enda le sont à des femmes souhaitant s’émanciper sur le plan économique. A ce propos, M. Ennaceur a indiqué : «L’exemple d’Enda a mis en lumière le rôle essentiel de l’initiative féminine sur le plan économique. Il faut protéger les femmes travaillant mais il faut aussi encourager l’initiative des femmes souhaitant entreprendre.»
Avec l’arrivée de nouveaux acteurs et le départ d’une de ses figures historiques, Enda Tamweel tourne une page de son histoire. Espérons que l’arrivée de ces nouveaux investisseurs permette de soutenir plus de projets de création ou de développement d’activités sur le sol tunisien.
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