Des organisations non gouvernementales et des associations ont publié un communiqué où elles expriment leur indignation à la suite de la destruction, le 19 octobre 2018, à Mohammedia, d’un tronçon de l’aqueduc datant de l’époque romaine. Nous reproduisons ce communiqué ci-dessous.
Cet agissement criminel a eu lieu au lendemain d’une réunion organisée au siège du gouvernorat de Ben Arous et à laquelle ont assisté différentes autorités dont les plus hauts représentants régionaux de l’Etat, le maire de la commune de Mohammedia et les dirigeants locaux du parti Ennahdha. Le communiqué publié par le parti susmentionné, à l’issue de cette réunion fait état, entre autres décisions, de «la présentation d’une demande insistante au ministère du patrimoine (sic) en vue de détruire l’aqueduc après qu’il est devenu un véritable danger pour la vie des habitants».
Cette décision ahurissante, prise en présence des représentants de l’Etat et invitant ce dernier à agir contre les intérêts supérieurs de la nation, constitue une première dans les annales de la longue histoire de l’Etat tunisien. Elle oublie, délibérément, que ce sont les habitations anarchiques qui ont amplifié les effets des inondations douloureuses connues par certains quartiers de Mohammedia comme beaucoup d’autres régions du pays.
Cette anarchie aux conséquences ruineuses a été encouragée par les permis de construire délivrés au mépris des dispositions du Code du patrimoine et par le manque de vigilance de la part des services du ministère des Affaires culturelles. Parmi ses effets, figure la tolérance de constructions qui ont obstrué les conduites qui permettaient l’évacuation des eaux sous l’aqueduc antique, comme le mentionne le communiqué susmentionné.
Le désastre de Mohammedia, constitue, de par les préparatifs qui l’ont précédé et ses conséquences multiformes, un précipité qui révèle la détresse vécue par le patrimoine archéologique tunisien, livré à l’incurie des responsables, aux spoliateurs et à l’obscurantisme. Il met sous les yeux des Tunisiens des actes terrifiants, identiques à ceux de Daech qui a infligé, récemment, les pires outrages au patrimoine archéologique de plus d’un pays arabe.
Faut-il rappeler aux responsables en charge du patrimoine dans notre pays que la mise en valeur de l’aqueduc démoli à Mohammedia a fait partie, à partir de 2006, d’un projet national appelé «La route de l’eau», commençant au Temple des eaux de Zaghouan et aboutissant aux citernes de la Maalga, à Carthage, et resté, depuis, inachevé? Faut-il rappeler à ces mêmes responsables que «le complexe hydraulique romain de Zaghouan-Carthage» à été inscrit, en 2012, à la demande de l’Etat tunisien, sur le «Liste indicative du patrimoine mondial», gérée par l’Unesco, et resté, depuis, sans suivi technique en vue de le faire accéder à la «Liste du patrimoine mondial» ?
Les organisations non gouvernementales et les associations signataires de ce communiqué ont pris acte de la prise de position du ministère des Affaires culturelles qui a dénoncé l’agression et appellent le gouvernement tunisien à appliquer la rigueur de la loi à tous ceux qui se révèlent impliqués, de quelque manière que ce soit, dans le désastre de Mohammedia.
Elles l’appellent, également, à rassurer, par des mesures concrètes, l’opinion publique tunisienne et mondiale sur son engagement réel à sauvegarder le précieux patrimoine culturel du pays, dont la valeur universelle est reconnue depuis une quarantaine d’années. La société civile restera vigilante pour obtenir ces assurances, suivre leur mise en application et s’assurer que le ministère en charge du patrimoine tiendra sa promesse d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des agresseurs.
Les Ong signataires:
• Association de sauvegarde de la médina de Tébourba
• Association de sauvegarde de la médina de Tozeur
• Association des artistes maghrébins
• Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement
• Association Haithem pour la culture et les sciences
• Association Mahdia mémoire de la Méditerranée
• Association Manouba pour les monuments et la culture
• Association pour le développement de l’esprit citoyen
• Association Ras Jebel pour le patrimoine et l’histoire
• Association tunisienne d’histoire et d’éducation à la citoyenneté
• Association tunisienne de défense des libertés individuelles
• Association tunisienne de défense des valeurs universitaires
• Association tunisienne de prévention positive
• Association tunisienne de soutien des minorités
• Association tunisienne des femmes démocrates
• Association tunisienne Patrimoine et Environnement
• Association vigilance pour la démocratie et l’Etat civique
• Association Zanoobya pour l’art et la créativité au service du développement durable
• Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie
• Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux
• Ligue tunisienne des droits de l’Homme
• Syndicat national des journalistes tunisiens.
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