Au sortir d’une décennie de crise, les industriels tunisiens du textile-habillement se prennent en charge, élaborent des plans de relance et attendent de l’Etat le coup de pouce nécessaire pour retrouver leur force de frappe, notamment en matières d’exportations et d’emplois.
Par Cherif Ben Younès
Sous le thème «Textile-habillement : responsabilité, stratégie et développement», la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (FTTH) a tenu hier, dimanche 27 janvier 2019, son premier congrès annuel à l’hôtel Mouradi Palace de Sousse, une année à peu près après son congrès électif.
Des invités de taille étaient présents à ce rendez-vous, à l’instar du chef du gouvernement Youssef Chahed et du président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) Samir Majoul. D’autres acteurs importants de l’économie et de la politique tunisiennes ont pris la parole devant environ 200 industriels, venus des 4 coins du pays afin de représenter des entreprises tunisiennes du domaine du textile-habillement. Parmi ces acteurs, citons Slim Fériani, ministre de l’Industrie et des PME, Hosni Boufaden, président de la FTTH, Afif Chelbi, président du Conseil des analyses économiques et ancien ministre de l’Industrie, un fin connaisseur du secteur textile (il était longtemps directeur général du Centre technique du textile, Cettex) ainsi que les ambassadeurs de France, d’Italie et d’Allemagne en Tunisie.
On revient de loin…
Les différents intervenants se sont exprimés avec beaucoup d’optimisme et de détermination sur la situation actuelle et les aspirations futures du domaine de textile-habillement en Tunisie, rappelant toutefois les grosses difficultés économiques vécues par ce secteur lors de la dernière décennie. Un secteur ayant pourtant été, dans un passé pas si lointain, l’un des piliers incontournables de l’économie du pays et la clé de voûte du tissu industriel et, également, de l’emploi.
Mais voilà, aujourd’hui, la situation a beaucoup changé… elle a empiré. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Durant la période de 2011 à 2015, 40.000 postes d’emplois ont été perdus et 400 entreprises ont fermé, comme l’a rappelé Tarek Ben Haj Ali, membre fondateur de la FTTH. Une régression expliquée notamment par une baisse de la qualité, une chute des exportations et une perte de compétitivité vis-à-vis de nos principaux concurrents, à l’image du Maroc qui a, à l’inverse, quasiment doublé ses exportations lors des 10 dernières années.
Préoccupée de cette situation, la FTTH, soutenue par l’Utica, avait tracé les actions nécessaires afin d’aider les industriels du secteur dans leurs efforts pour dépasser le contexte économique du pays, assure M. Ben Haj Ali. Et le gouvernement y a répondu favorablement, en adoptant pas moins de 22 mesures pour le sauvetage du secteur, dont la majorité a été concrétisée, selon le même intervenant. «Nous sommes donc en droit d’espérer un avenir brillant pour notre secteur», conclue-t-il.
Un plan devra relancer le secteur à moyen terme
C’est dans ces conditions que la FTTH a décidé de soumettre aux pouvoirs publics, via ce congrès, sa vision du développement du secteur textile-habillement sous forme de «Plan de relance» visant à pérenniser les prémisses de reprises enregistrées en 2018 et à faire face aux fragilités persistantes.
Ce plan de relance dénombre donc les potentialités du secteur, les obstacles à son attractivité et les mesures devant être prises afin de maximiser les unes et ôter les autres. Un plan qui a été présentée par M. Boufaden, président de la FTTH, et qui définit plusieurs objectifs à atteindre d’ici 2023, parmi lesquels, il y en a 3 qui méritent le détour : d’abord l’employabilité du secteur textile-habillement qui devra considérablement augmenter avec la création de 50.000 postes d’emplois. Ensuite, le chiffre d’affaires à l’exportation qui devra, lui, passer à 4000 millions d’euros. Et enfin, il faudra veiller à repositionner l’industrie nationale sur son marché. «Il est incompréhensible et intolérable qu’un secteur aussi bien développé sur le marché international ne puisse pas trouver sa place sur son marché local», regrette M. Boufaden.
Les politiciens assurent leur soutien aux projets de la FTTH
En harmonie avec les ambitions des spécialistes du domaine, les politiciens présents au congrès ont assuré leur ferme intention de continuer à collaborer avec la FTTH et l’Utica afin de sauver le secteur textile-habillement, tout en regrettant, à leur tour, la chute qu’il a connu ces dernières années.
Ce fut notamment le cas du chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui a indiqué qu’une nouvelle politique, fondée sur l’entraide et la collaboration, sera suivie par son gouvernement auprès des industriels. Une politique qui s’appuiera sur une analyse objective de la situation, et ce à travers l’identification des forces et faiblesses du secteur textile-habillement et de l’économie tunisienne en général, lors de ces dernières années, et aussi depuis l’indépendance du pays.
Il a par ailleurs appelé à promulguer «une sorte de nouvelle loi 72 pour le XXIe siècle» qui soit aussi révolutionnaire que l’originale, mais également plus évolué et adaptée au contexte économique actuel, assurant que c’est cette loi historique qui était derrière la croissance du domaine du textile-habillement dans le passé. Rajoutant qu’afin d’y arriver, il faudra mettre en place un écosystème favorable basé sur des contrats concurrentiels, une infrastructure matérielle et technologique solide, ainsi que des réseaux industriels et de recherche et développement de haute qualité.
L’ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor, celui d’Italie, Lorenzo Fanara et celui d’Allemagne, Andreas Reinicke, dont les pays sont principaux débouchés des produits de textile-habillement tunisien, ont exprimé, de leur côté, leur encouragement aux projets de la FTTH, de l’Utica et du gouvernement qui visent à remettre le secteur textile-habillement sur pied, rappelant les investissements des entreprises venant de leurs pays respectifs dans ce domaine qui ont eu lieu dans le passé, et promettant que cette collaboration sera encore plus présente dans le futur.
Le congrès a été conclu par une séance sur la gouvernance responsable de l’entreprise, où des thèmes comme les alternatives énergétiques, les méthodes écologiques ou encore l’éthique du métier étaient au menu.
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