La deuxième édition du Forum africain de l’économie bleue (ABEF 2019) se tient à l’hôtel The Résidence à Gammarth (nord-est de Tunis), les 25 et 26 juin 2019, sur le thème «Investir dans une croissance durable».
Par Cherif Ben Younès
Côté officiel, l’ouverture de cet événement a notamment été marquée par la présence de Samir Taïeb, ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, et de Mokhtar Hammami, ministre des Affaires locales et de l’Environnement. Ce qui traduit l’importance accordée par le gouvernement tunisien à la thématique de la préservation des ressources halieutiques et des écosystèmes marins fragiles.
Initié par l’entrepreneur et économiste belge Gunter Pauli, le concept d’économie bleue est apparu dans les années 1990. Contrairement au modèle économique actuel, qui produit de grandes quantités de déchets et est également émetteur de polluants, l’économie bleue vise à ne plus en produire, en se basant sur l’économie circulaire, en s’inspirant de ce que fait la nature et en essayant de subvenir aux besoins de base par la valorisation de ce qui est disponible localement. La couleur bleue renvoie à celle du ciel et des océans.
Fixer des objectifs clairs pour l’économie bleue
M. Hammami a insisté, lors de son intervention, sur la nécessité de travailler sur des plans clairs avec des objectifs fixés pour l’économie bleue, en invitant, à cet effet, les organisations internationales à approcher davantage les citoyens, et à les sensibiliser à des concepts fondamentaux tels que l’économie bleue et l’économie circulaire, pour qu’ils les saisissent et qu’ils y contribuent, prévoyant que l’économie tunisienne reposera dans l’avenir, à plus de 50%, sur la mer, en particulier dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.
Cela concorde d’ailleurs avec le rôle de la mer, au niveau international, puisqu’elle couvrira, a-t-il lancé, plus de 50% de la consommation alimentaire dans le monde, d’ici à 2050.
M. Hammami a, par conséquent, jugé important d’aiguiller, sur le plan national, le modèle de développement économique vers l’«économie de la mer». Il a appelé, en outre, à faire preuve de créativité et à favoriser l’innovation liée à ce concept. À cet effet, il a notamment préconisé l’encouragement des projets élaborés par les jeunes compétences tunisiennes. D’autre part, il a appelé à permettre aux collectivités locales de réunir les enjeux économiques et environnementaux, en leur procurant les marges de manœuvre nécessaires.
À l’échelle internationale, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement a évoqué la régénération de la route de la soie, qui a été initiée par la Chine, et qui est «génératrice d’opportunités économiques». Il a toutefois signalé le fait qu’elle cause «de grandes nuisances sur le plan environnemental». Le défi qui en découle, a-t-il lancé, consiste à consolider la concertation entre les pays concernés par cette initiative, et ce dans le but de minimiser ces nuisances et de préserver le patrimoine marin commun.
M. Hammami a affirmé, par ailleurs, que les enjeux liés à l’économie bleue ne sont pas d’ordre économique uniquement, mais aussi climatique, environnemental et sécuritaire, étant donné qu’elle est «la déclinaison du concept du développement durable dans l’espace marin».
Faire face aux menaces environnementales et climatiques
Le membre du gouvernement a, d’autre part, exprimé son inquiétude vis-à-vis des dangers environnementaux qui menacent ce type d’économie en Tunisie, en raison, notamment, des changements climatiques et de la surexploitation des ressources maritimes ainsi que des côtes tunisiennes, notamment dans la construction de biens immobiliers et touristiques. Ce dernier point entraîne, en effet, la dérive de la mer dans d’importantes zones côtières, a-t-il averti. Les sécrétions de fluor et de plastique causées par les navires de plusieurs pays contribuent, elles aussi, selon lui, à la pollution marine en Tunisie.
Une inquiétude partagée par Samir Taïeb, qui a rappelé, dans son allocution, non sans regret, que 65% des agglomérations urbaines sont implantées sur le littoral tunisien et que plus de 90% des capacités hôtelières tunisiennes sont balnéaires, ajoutant que l’industrie tunisienne y est, de son côté, grandement présente.
«Les industries lourdes, ainsi que les plus importantes centrales d’énergie, sont, dans leur grande majorité, concentrées sur le littoral ou sur des lacs en communication avec la mer, avec des apports directs de pollution. Cet état de fait ne peut avoir que des impacts négatifs, en accentuant la fragilisation et la dégradation du littoral», a-t-il déploré.
Les changements climatiques et notamment le risque d’élévation accélérée du niveau de la mer représentent une menace supplémentaire pour un littoral «déjà fragilisé et tant convoité», selon Samir Taïeb.
La Tunisie encourage l’investissement dans l’économie bleue
L’ancien secrétaire général d’Al Massar a affirmé, d’autre part, que l’État tunisien accorde une grande importance à l’investissement dans l’économie bleue, du fait que notre pays comporte plus de 2.300 km de mers et de lacs. Une richesse naturelle que son ministère s’emploie activement à exploiter, en veillant à soutenir et à développer les activités marines telles que la pêche et l’aquaculture, a-t-il assuré, appelant à continuer sur cette lancée.
M. Taïeb a, par ailleurs, énuméré les initiatives les plus importantes entreprises à cet effet, par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, à savoir, l’octroi de privilèges de 50% à chaque investisseur dans l’aquaculture, la fourniture de couverture sociale pour les travailleuses dans le secteur de la pêche et la collaboration avec le ministère des Affaires sociales en vue de créer un système de couverture sociale incluant les marins.
Le ministre s’est, dans le même ordre d’idées, attardé sur l’importance économique et sociale des activités liées à la mer. «La pêche fait vivre, a-t-il estimé, près de 100.000 Tunisiens, que ce soit directement ou indirectement». La production aquacole est passée, quant à elle, de 3.400 à 22.000 tonnes entre 2007 et 2017, a rappelé le conférencier, ce qui représente environ 16% de la production nationale de poissons.
«98% des importations et exportations dépendent du transport maritime et une part essentielle de l’activité du tourisme se fait sur la frange côtière qui accueille 90% de la capacité hôtelière du pays. En outre, le secteur de l’énergie sollicite aussi les eaux côtières et hauturières», a ajouté M. Taïeb.
Pour conclure, il a recommandé le développement de partenariats publics privés pour accélérer la croissance de l’économie bleue et assurer sa continuité. En outre, il a appelé à préserver les activités et pratiques artisanales, soutenir le rôle crucial des femmes et des jeunes dans la chaîne de valeur dans les secteurs de la pêche et l’aquaculture et veiller à la protection et la gouvernance de l’espace marin.
Optimiser la lutte contre les dangers qui guettent l’espace marin africain
Également présente à ce rendez-vous africain, la ministre ghanéenne de la Pêche et de l’Aquaculture, Elisabeth Naa Afoley Quaye, a indiqué, de son côté, que l’économie bleue représente une opportunité potentielle pour l’économie africaine, ajoutant que les nations du continent ont intérêt à coordonner leurs efforts politiques, en instaurant les stratégies adéquates, en lien avec ce secteur.
«Il faut relever les défis liés à l’économie bleue et optimiser la lutte contre les dangers qui guettent l’espace marin africain, dont le plus sérieux est la pollution causée, notamment, par le plastique jeté dans les mers et les océans», a-t-elle développé.
Donnez votre avis