Le propriétaire d’un café à Kairouan a été condamné, il y a quelques semaines, pour «outrage à la moralité publique» pour avoir laissé son café ouvert pendant les heures de jeunes du ramadan, a déploré Human Rights Watch dans un communiqué. Un événement qui interpelle sur la question de la liberté de conscience en Tunisie pendant le ramadan.
Par Meriem Majdoub
Imed Zaghouani, propriétaire du Café de Damas à Kairouan, a écopé d’un mois de prison et de 300 dinars d’amende, par le tribunal de première instance de Kairouan, a rapporté le site de Human Rights Watch. La raison ? Le cafetier a été condamné pour «outrage à la moralité publique» après avoir gardé son établissement ouvert pendant les heures de jeunes du ramadan, rapporte l’ONG.
Un mois de prison et 300 dinars d’amende
Alors qu’il était affairé à sa cafetière à piston, le gérant a vu la police débarquer dans son café, le 18 mai dernier. Après vérification de l’identité de ses clients, les agents ont réclamé au propriétaire un engagement écrit qu’il fermerait son café durant les heures de jeunes jusqu’à la fin du ramadan. Requête que l’homme a refusée, rapporte HRW. Le lendemain, la police est revenue et a procédé à l’arrestation de M. Zaghouani. Il est alors emprisonné jusqu’à sa comparution devant le tribunal le 29 mai. Cette version est cependant démentie par le ministère de l’Intérieur, affirmant que la fermeture et la poursuite judiciaire n’avaient rien à voir avec l’ouverture pendant ramadan.
Des «propos injurieux» selon le ministère de l’Intérieur
Selon l’ONG, le ministère de l’Intérieur a fait état de «propos injurieux» à l’encontre des policiers pour justifier l’arrestation et la condamnation du cafetier. Les autorités démentent avoir inculpé l’homme au seul titre qu’il a laissé son café ouvert pendant les heures de jeunes du ramadan. Cependant, comme le note l’avocat de M. Zaghouani, Hamdi Yousfi, son client n’a pas été condamné pour offense ou agression, mais pour «outrage public à la pudeur» et «outrage public à la moralité».
Pour Human Rights Watch, «de telles poursuites, basées sur une loi vague et à l’application sporadique, constituent un usage arbitraire du droit pénal». L’Ong réclame aux autorités tunisiennes «d’abandonner les poursuites contre lui, et cesser de recourir à des lois de ‘‘moralité’’ vaguement formulées pour s’en prendre aux citoyens qui n’observent pas les heures de jeûne».
Quid de la liberté de conscience pendant le ramadan ?
La Tunisie ne dispose d’aucune loi exigeant aux cafés de fermer pendant les heures de jeûne du ramadan. Pourtant ce cas n’est pas isolé, les tribunaux prétextant des lois sur la moralité, au contenu vague, pour inculper ceux qui ne respectent pas le jeûne du ramadan. Human Rights Watch rappelle que la Tunisie a ratifié le Pacte international des Nations Unies, relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui stipule que «toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion». Mais cette liberté de conscience ne semble pas toujours respectée en Tunisie pendant le ramadan, comme le notait un de nos journalistes. L’Etat tunisien est même «garant de cet obscurantisme sociétal», dénonçait-il avant de continuer : «Il oblige les cafés ouverts pendant la journée, durant le ramadan, de se voiler à l’aide de rideaux opaques ou de journaux, comme si c’était criminel d’y être.»
De son côté, M. Zaghouani se dit victime d’une grande injustice. «Je ne me calmerai pas tant que je n’aurai pas recouvré la totalité de mes droits» a-t-il déclaré. Il espère ainsi faire annuler la condamnation dont il fait l’objet.
Donnez votre avis