La douane tunisienne a interdit, en février 2019, l’exportation des métaux non ferreux, pour des raisons, pour le moins, ambiguës, si on en croit les propos du président du Groupement professionnel des collecteurs et recycleurs des métaux non ferreux, Mohamed Gharbi.
Par Cherif Ben Younès
Afin de présenter et expliquer cette affaire aux médias, l’organisme a tenu une conférence de presse, jeudi 27 juin 2019, au siège de la Confédération nationale des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect).
Une interdiction d’exporter brusque, entraînant de lourdes conséquences
Indigné, Mohamed Gharbi a commencé par rappeler que le secteur connaît, depuis le mois de février 2019, une interdiction «brusque, non justifiée et illégale», émanant de la douane tunisienne, d’exporter leurs conteneurs.
Cela nuit non seulement au secteur, a regretté M. Gharbi, qui offrirait plus de 150.000 emplois directs et indirects, mais également à l’économie tunisienne dans son ensemble, qui se trouve gratuitement privée d’énormes recettes d’exportations, estimées à environ 750 millions dinars (MDT) convertibles.
Mohamed Gharbi a raconté que les soucis avaient commencé juste après la révolution, en 2011, lorsque la douane demanda au Groupement des collecteurs et recycleurs des métaux non ferreux de lui soumettre un document certifiant l’origine de ses marchandises pour pouvoir les exporter. «Puisque 70% de nos produits proviennent des chiffonniers, qui n’ont aucune facture ni certificat à nous délivrer, nous étions dans l’obligation d’arrêter nos activités», a-t-il poursuivi.
Deux ans plus tard, pas moins de 9 ministères se sont réunis, le 19 juillet 2013, et ont décidé d’annuler le recours à ce document par la douane, accordant au groupement le droit d’exporter sa marchandise, en se contentant de fournir un certificat technique, délivré par le Centre technique des industries mécaniques et électriques (Cetime).
Les choses se sont donc déroulées de cette façon, jusqu’au début de l’année 2019, lorsque la douane a, de nouveau, décidé d’interdire les exportations du groupement, «sans fournir la moindre raison», a déploré M. Gharbi. Une mesure contraire à la politique générale du pays qui cherche, à travers de multiples recommandations, à promouvoir les exportations, en vue d’équilibrer sa balance commerciale, estime le Groupement professionnel des collecteurs et recycleurs des métaux non ferreux.
Les répercussions de ce blocage affecteront également les entreprises opérant dans le secteur, a précisé, d’autre part, M. Gharbi, puisqu’en plus des soucis financiers auxquels elles font face et qui les obligent à procéder à des licenciements, elles risquent, injustement, de subir des poursuites judiciaires, étant donné que, vis-à-vis de la loi, elles ne sont pas en train de respecter leurs engagements contractuels avec leurs clients de l’étranger.
«Le pire est qu’ils ont jeté n’importe où les conteneurs, après les avoir bloqués au niveau du port. Ces blocs ont, par conséquent, été volés ! Sachant que la valeur de chacun est d’environ 400.000 dinars, en moyenne», a regretté Mohamed Gharbi.
En réaction, son organisme a tenu une première réunion avec le ministère de l’Industrie et des Petites et moyennes entreprises, le 7 mars 2019, puis une deuxième, avec celui du Commerce, le 11 avril 2019. «Suite à ces deux réunions, les deux ministères ont demandé à la douane de débloquer nos exportations, mais cette dernière n’a pas respecté la décision gouvernementale», s’est-il indigné.
Le directeur général de la douane est pointé du doigt
Face à la lourdeur des conséquences de la décision douanière, son refus de se conformer à la demande gouvernementale et l’urgence de reprendre les exportations de la marchandise, le groupement a décidé de rencontrer le directeur général (DG) de l’institution fiscale, qui a fini par accepter de s’entretenir avec M. Gharbi, après avoir fait preuve de beaucoup de procrastination, selon ce dernier.
Lors de cette rencontre, le DG a fait part de son intention d’augmenter la valeur de la taxe associée à l’exportation du produit, a rapporté le président du groupement. Une mesure jugée inadmissible par ce dernier, qui a, vraisemblablement, du mal à accepter l’idée que son produit en subit une, à la base : «Nous sommes les seuls, dans le monde entier, qui subissons une taxe à l’exportation. Celle-ci est présentement de 40.000 dinars par conteneur. Et il veut encore la hausser pour qu’elle atteigne les 50.000 dinars !».
Le motif du DG, a-t-il développé, est le fait que la marchandise exportée contient des produits qui ne proviennent pas de Tunisie. Une excuse qui ne convainc point M. Gharbi, qui estime que son organisme n’en est, en aucun cas, responsable.
Selon le président du Groupement des collecteurs et recycleurs des métaux non ferreux, la douane doit faire son travail de façon plus rigoureuse, en contrôlant la totalité du processus, notamment «dans les frontières et dans les rues tunisiennes», et ne pas choisir la facilité de pénaliser son organisme, une fois arrivé au port, bien qu’il soit «le seul, dans la chaîne, qui est organisé et qui travaille dans le respect de la loi».
«Finalement, la semaine dernière, il [le DG de la douane] nous a dit qu’il part à l’étranger cette semaine, et qu’à son retour, il se consacrera à notre dossier, nous menaçant, toutefois, de le ralentir si jamais on s’emballait». Des propos dangereux donc, s’ils s’avéraient vrais, qui ont été rapportés par M. Gharbi, et qu’on relaie en émettant des réserves, vu qu’on n’a pas encore la version de la douane.
M. Gharbi estime qu’on est face à «un crime contre l’Etat et contre les entreprises tunisiennes» (pas moins !), n’excluant pas un éventuel recours à la justice si la situation ne venait pas à évoluer dans le bon sens, dans les prochains jours. Une intention confirmée par Mokhtar Bouguerra, conseiller juridique du groupement, qui était lui aussi présent à la conférence.
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