A l’occasion d’un meeting destiné aux femmes, organisé par son parti politique Machrou Tounes («Projet de la Tunisie»), le candidat à la présidentielle anticipée de 2019, Mohsen Marzouk, s’est adressé avant-hier, 4 septembre 2019, à Tunis, à ses admiratrices, venues en très grand nombre pour le soutenir dans sa campagne électorale.
Par Cherif Ben Younès
«On ne change pas une formule qui gagne». M. Marzouk a l’air d’avoir bien saisi ce proverbe et compte bien hériter de l’un des éléments déterminants de la victoire de celui dont il était le directeur de la campagne électorale à la présidentielle de 2014, Béji Caïd Essebsi. Cet élément est, bien entendu, l’appui des femmes.
Sur les pas de « Bajbouj » ?
Dans cette optique, l’équipe de sa campagne électorale a réussi, avant-hier, à rassembler des centaines de femmes, pratiquement de tous âges et de différentes «classes sociales».
Conscient de la diversité du niveau culturel et intellectuel de son public, M. Marzouk a essayé de s’y adapter dans son discours, au détriment de la qualité de celui-ci, et quitte à faire, par moments, une démonstration de populisme !
Il en est même arrivé au point de leur dire qu’il faudrait, dans l’avenir, penser à consacrer un salaire à chaque femme tunisienne qui ne travaille pas, afin de récompenser les efforts qu’elle fait lorsqu’elle reste chez elle ! Une suggestion chaleureusement applaudie par les femmes présentes, toutes contentes de gober cette promesse qui n’engage que celui qui y croit.
Si pour M. Marzouk, ce genre de propos témoigne de son féminisme, il est, à notre sens, doublement irrespectueux envers les femmes tunisiennes. D’abord, parce que c’est clairement du marketing électoral. Car il est bien placé pour savoir que les chômeuses ont peu de chance de bénéficier un jour d’un salaire, et on vous épargne les raisons, tellement elles sont évidentes. Ensuite, parce que sa proposition peut être perçue comme un encouragement implicite aux femmes de ne pas travailler. Une idée qui est en totale contradiction avec le modèle social moderniste que le candidat prétend prôner, où il ne doit y avoir aucune distinction, en ce qui concerne les droits et les devoirs, entre hommes et femmes.
Tout en maintenant un certain degré de populisme, le reste du discours de Marzouk n’a, fort heureusement, pas été aussi sur-vendeur. Il a notamment raconté, durant plusieurs minutes, des petites histoires mettant en avant la valeur et l’importance de la femme à ses yeux. Se vantant, à titre d’exemple, d’avoir bénéficié, à son enfance, d’une éducation purement féminine, assurée par sa mère et sa tante, suite au décès précoce de son père, lorsqu’il avait 5 ans.
Marzouk promet l’égalité et la liberté, et met en garde contre certains dangers
D’un autre côté, l’ancien dirigeant de Nidaa Tounes a longuement critiqué la perception conservatrice de la femme dans le monde islamique. Une perception dégradante, qui présentait une menace sérieuse pour les Tunisiennes et pour le modèle sociétal du pays, particulièrement entre 2011 et 2014, à l’époque où le parti islamiste Ennahdha – qui fut au pouvoir en ce moment-là – tenta d’inclure, dans la constitution, un article considérant la femme comme complémentaire de l’homme. «La chaussure est également complémentaire du pied», a-t-il ironiquement commenté.
M. Marzouk a considéré que ce genre de scandales fait maintenant partie du passé, promettant d’accorder aux femmes tous leurs droits et de leur garantir, en cas de victoire à l’élection, d’une part une égalité complète avec les hommes, et d’autre part une liberté inconditionnelle. «Aucune main n’osera plus se lever sur une femme pour lui enlever son voile, ni pour lui faire porter quoi que ce soit», a-t-il lancé, en prenant soin de couper la poire en deux pour ne s’aliéner aucune catégorie de femmes, les voilées et les non-voilées.
Cette volonté de rendre la société tunisienne égalitaire et libre ne peut se concrétiser, selon M. Marzouk, que si on assure une sécurité élevée dans le pays, relevant 3 dangers essentiels desquels il faudra se protéger…
Le premier est celui de certains pays étrangers «qui ne nous veulent pas du bien», et qui pourraient tenter d’impliquer la Tunisie dans des conflits externes. À cet effet, M. Marzouk a appelé à ce que le prochain président de la république élu fasse preuve de responsabilité et de bien doser tout ce qu’il dira.
Le deuxième danger est celui de la corruption, avançant, pour illustrer cela, une statistique révélatrice : «Chaque année, il y a deux milliards de dinars qui vont dans les poches des contrebandiers, ce qui équivaut à la moitié de la production du phosphate en Tunisie».
Le troisième est le crime, dont la fréquence a nettement augmenté, a-t-il regretté. «Pour y mettre fin, il est indispensable d’avoir une sécurité active», a poursuivi M. Marzouk, demandant à ce que la police tunisienne soit soutenue comme il se doit.
Mohsen Marzouk a, par ailleurs, déploré la pauvreté dont souffrent les Tunisiens dans les régions intérieures du pays, appelant les responsables politiques, à différentes échelles, à leur accorder plus d’intérêt et à leur trouver des solutions concrètes.
Quelle solution pour le chômage ?
M. Marzouk a également évoqué le problème du chômage, l’un des principaux fléaux socio-économiques en Tunisie…
«Actuellement, notre marché de travail renferme beaucoup de chômeurs, tandis que les Européens demandent de plus en plus de travailleurs. Dans les 20 prochaines années, il y aura des millions d’opportunités de travail dans ces pays, parce qu’ils auront du mal à remplacer ceux qui partent à la retraite, du fait de leur régulation des naissances. On peut par conséquent résoudre une partie de nos problèmes liés au chômage en mettant en place des accords politiques avec eux, visant à ouvrir la porte de l’attribution de visas et de contrats de travail, ainsi que celui des formations universitaires, afin de diminuer, par la même occasion, les dépenses tunisiennes à cet effet», a-t-il expliqué.
Cette proposition devrait également diminuer les problèmes ayant rapport avec l’immigration clandestine, notamment à destination de l’Italie. Des voyages aventureux, souvent sans retour, qui ont causé – et qui causent encore – tant de chagrin et de malheur aux mères tunisiennes, a rappelé M. Marzouk.
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