Une tribune publiée par le ‘‘Washington Post’’ (‘WP’) replace les ferveurs excessives qui animent, depuis janvier 2011, le débat politique en Tunisie, sur le terrain du réalisme. L’auteur, Ishaan Tharoor, explique que la démocratie tunisienne avance, sans dévier de la voie qu’elle s’est tracée en toute tranquillité – alors que, partout dans le monde, les démocraties reculent…
Par Marwan Chahla
Bien que la direction du ‘WP’ prend le soin de préciser que les opinions exprimées par Ishaan Tharoor n’engagent que sa personne, il n’en demeure pas moins qu’en ouvrant ses colonnes à cet analyste, le prestigieux quotidien américain cautionne, au moins pour bonne part, l’idée de l’auteur selon laquelle la Tunisie, malgré toutes les difficultés qu’elle a rencontrées et auxquelles elle est encore confrontée, a su garder le cap et qu’elle est toujours sur la bonne voie.
Tharoor, spécialiste en affaires étrangères au ‘WP’, part d’un constat simple que «le monde traverse actuellement une période d’incertitudes marquée par un recul démocratique: un monde où des hommes forts, qui dirigent les affaires d’Etats monopartites, ont consolidé ou étendu leurs pouvoirs; alors que, sous d’autres cieux, des nationalistes populistes et des autocrates potentiels opérant dans des démocraties sont en train de miner ou de corrompre systématiquement les institutions libérales de leurs pays; ailleurs, dans le monde arabe, où la démocratie peine depuis de très longues années à prendre racines, des mouvements de protestation se heurtent toujours à la brutalité et à la répression d’un Etat froidement meurtrier.»
Trois scrutins libres, indépendants et transparents
En Tunisie, au contraire, selon l’auteur de la tribune, l’exception tient encore: «L’unique ‘success story’ du Printemps arabe de 2011 poursuit tranquillement son petit bonhomme de chemin.» Ishaan Tharoor en veut pour preuves «les trois derniers scrutins libres, indépendants et transparents que le pays vient de tenir en un court espace d’un seul mois. Au bout de ce dernier parcours électoral, Kaïs Saïed – un universitaire à la retraite, homme politique indépendant et anti-establishment – a été porté au pouvoir par une majorité écrasante [de plus de près de 73%, au second tour de la présidentielle, ndlr].»
Citant son collègue Sudarsan Raghavan, Tharoor poursuit: «Dans une région dirigée par des monarques, des autocrates et des dynasties familiales, la Tunisie tire une fois de plus son épingle du jeu et demeure un cas unique dans son genre.»
La tradition de la transition pacifique est établie
Certes, rien n’est acquis pour les millions de Tunisiens qui ont afflué aux urnes, il y a moins d’un mois, qui ont élu Kaïs Saïed et qui attendent – et pourraient attendre encore – qu’un nouveau gouvernement soit formé, mais l’essentiel demeure que la bonne pratique de la consultation démocratique a eu lieu, que la tradition de la transition pacifique est établie et que l’alternance au pouvoir se fait avec toute la souplesse requise.
Bref, d’après Ishaan Tharoor, il n’y a pas de crainte à avoir pour la jeune démocratie tunisienne : la Tunisie peine à remettre de l’ordre dans ses affaires économiques, elle peut aussi avoir du mal à apaiser sa grogne sociale, elle peut encore faillir de répondre à toutes les attentes de son peuple impatient et autres imperfections, mais, sur les moyen et long termes, elle remportera son pari…
Tout est donc une question de temps.
Donnez votre avis