Même si la Tunisie est amarrée à l’économie mondiale, les projets d’investissement ne se bousculent plus à son portillon, il y a plusieurs raisons à cela, et notamment son incapacité à mettre en route les réformes nécessaires.
Par Amine Ben Gamra *
La loi de finances complémentaire (LFC 2019) table sur une amélioration du déficit budgétaire pour passer à -3,5%, contre -3,9% dans le budget initial. Cette baisse est obtenue sur la base de l’hypothèse très optimiste que le PIB croîtrait de 3,1%, un rythme que la Tunisie n’a pas connu depuis plusieurs d’années. Or, ce taux est tombé de 3,1%, prévision initiale du gouvernement, à 1,3% dans la LFC 2019.
Le niveau d’endettement présenté dans la LFC 2019 n’est pas plus fiable. Pourquoi cherche-t-on ainsi à cacher aux Tunisiens la vérité sur leur économie ?
La vérité sur l’économie tunisienne
La vérité qu’il faut garder à l’esprit c’est que la majorité des dépenses publiques est affectée aux salaires alors que plusieurs services publics comme les hôpitaux et l’infrastructure ont besoin d’investissements qui ne viennent pas.
La plupart des entreprises publiques affichent des pertes financières qui s’accumulent et grèvent dangereusement les équilibres financiers de l’Etat.
Le taux de pression fiscale en Tunisie est l’un des plus élevés en Afrique. Il a certes permis d’améliorer un tant soit peu les recettes fiscales en 2019, mais cela ne rend guère le pays attractif aux yeux des investisseurs, même les plus audacieux ou les plus casse-cou, au contraire.
Par ailleurs, l’Etat continue de négliger le secteur agricole alors que le déficit de la balance alimentaire est passé de 0,6 milliard de dinars tunisiens (DT) en 2009 à 1,3 milliard de DT fin octobre 2019, chiffre appelé à s’aggraver d’ici la fin de l’année.
Le secteur industriel, jadis principal moteur de l’économie tunisienne, a contribué à moins de 25% au PIB au cours des six premiers mois de l’année, alors que des sites industriels continuent de fermer d’année en année et que le rythme de création de nouveaux emplois pique du nez.
Le système bancaire, quant à lui, est fragmenté et dominé par des banques de petite taille qui n’ont aucune chance d’être compétitives à l’échelle internationale. Croulant sous le poids important des créances carbonisées, plusieurs banques de la place s’interdisent de prêter et de financer ainsi une économie en berne.
Freins, goulots d’étranglements et rentes de situation
Sur un autre plan, aucun des nombreux gouvernements qui se sont succédé de janvier 2011 à cette date, n’a vraiment lutté contre la corruption, ni osé mettre en route des réformes pour une meilleure gouvernance des ressources du pays.
Pour ne rien arranger, au lieu d’aider à impulser la dynamique économique, l’administration publique, lourde et tatillonne, souvent gangrenée par la corruption, petite et grande, continue de jouer un rôle de frein ou de goulot d’étranglement.
L’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Tunisie, Patrice Bergamini, avait pointé du doigt, dans un récent entretien au journal ‘‘Le Monde’’ une certaine résistance aux réformes en Tunisie et accusé certains groupes familiaux de chercher à préserver des positions monopolistiques et de ne pas permettre la concurrence loyale.
Résultats des courses : même si la Tunisie est amarrée à l’économie mondiale, les projets d’investissement ne se bousculent plus à son portillon, car le gouvernement n’est plus capable de les mettre en route, alors que l’argent est disponible, a fait constater Tony Verheijen, représentant résident de la Banque mondiale en Tunisie.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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