La pièce de théâtre ‘‘Cicatrice’’ de Ghazi Zaghbani a été jouée le dimanche 8 décembre 2019 à la salle Le 4e Art au centre-ville de Tunis, dans le cadre de la compétition officielle de la 21e édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC 2019). Chronique d’un journaliste qui, après un long combat pour sa liberté d’expression, sombre dans l’alcoolisme et la déraison.
Par Fawz Ben Ali
Après la soirée d’ouverture qui avait laissé voir trois nouvelles productions tunisiennes hors-compétition, la course aux prix a démarré le dimanche 8 décembre où 14 pièces arabes et africaines sont en compétition officielle dont deux tunisiennes : ‘‘Cicatrice’’ de Ghazi Zaghbani et ‘‘Assainissement’’ de Moez Hamza.
Nadia Boussetta et Mohamed Hassine Grayaa, un duo qui marche
Face à un public nombreux et un jury bien attentif présidé par l’acteur Raouf Ben Amor, la salle Le 4e Art a accueilli, en ce premier jour de compétition, deux représentations successives de ‘‘Cicatrice’’, écrite par Hatem Al Jouher, mise en scène par Ghazi Zaghbani et interprétée par Nadia Bousetta, Mohamed Hassine Grayaa, Mariem Dridi, Talel Ayoub et Mohamed Ali Galaï.
Ghazi Zaghbani avait également participé à la dernière édition des JTC en 2018 avec sa pièce ‘‘La fuite’’ récompensée du Prix de la liberté d’expression attribué par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT). Il revient en force encore cette année à la compétition officielle avec une nouvelle production de l’espace l’Artisto (un théâtre de poche à Lafayette qu’il dirige) avec ses deux comédiens fétiches Nadia Boussetta et Mohamed Hassine Grayaa.
‘‘Cicatrice’’ est articulée autour de deux personnages principaux : un journaliste et une danseuse qui se rencontrent dans un cabaret et tombent vite amoureux l’un de l’autre. Une histoire d’amour qui tourne vite au cauchemar avec la répression et la censure que subit le journaliste par son rédacteur en chef. On est sous la dictature de l’ancien régime, et la pièce raconte ces années noires de corruption, d’injustices sociales, de violence, de censure… et nous rappelle combien la liberté d’expression et notamment la liberté de presse est précieuse, probablement le seul vrai acquis de la révolution de 2011.
Du corps et ses traumatismes
La pièce est ainsi construite sur un nombre de va et vient entre le passé et le présent pour mettre en évidence ces cicatrices psychologiques mais aussi physiques, car le corps occupe une place importante dans l’œuvre de Ghazi Zaghbani, une place déjà très évidente dans ‘‘La fuite’’ avec le personnage de la prostituée, mais qu’on retrouve aussi dans ‘‘Cicatrice’’ avec ces deux corps écroulés. La danseuse qui incarnait ce corps désiré et très féminin, et qui se laisse aller dans sa nouvelle vie de femme au foyer, délaissée par son mari. Ce même mari qui avait longtemps lutté pour sa liberté d’expression et qui n’arrive plus à tenir debout, affaibli et en proie à son alcoolisme, l’unique échappatoire qu’il a eue pour noyer sa détresse.
Dans un décor essentiellement constitué de deux tables et de quelques chaises en bois déplacés au fil des scènes pour reconstituer à chaque fois de nouveaux espaces (maison, bureau, bar …), la pièce tient aussi à un texte de narration énoncé par des comédiens qui jouent tour à tour les narrateurs mais aussi une multitude de personnages qui incarnent les traumatismes vécus par tout un chacun de nous, des cicatrices qui rappellent ce passage douloureux mais nécessaire de la répression vers la liberté.
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