Une conférence-débat de sensibilisation et d’information autour du don d’organes a eu lieu le lundi 6 janvier 2020 à l’Institut français de Tunisie (IFT), en présence de médecins, de receveurs d’organes et d’artistes.
Par Fawz Ben Ali
L’IFT a organisé une série de rencontres (une représentation théâtrale, une projection de film et un grand débat), les 5, 6 et 7 janvier sur la question du don d’organes, et ce, dans le cadre du cycle «ID’BA» et en avant-première de «La Nuit des Idées», qui se tiendra cette année le 30 janvier sous le thème «Etre vivant».
2019, une année d’exploits
L’année 2019 fut exceptionnelle pour le Centre national pour la promotion de la transplantation d’organes (CNPTO), où une cinquantaine de vies a pu être sauvée grâce à des prélèvements d’organes et de tissus.
À cette occasion, le professeur Tahar Gargah (professeur à la Faculté de médecine de Tunis, chef de service de pédiatrie et de néphrologie pédiatrique à l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis et directeur général du CNPTO) a donné une conférence inédite pour revenir sur les prouesses réalisées durant l’année 2019, mais aussi pour rappeler l’importance de continuer à mener des campagnes d’information et de sensibilisation auprès des citoyens sur le don d’organes qui permet de sauver des vies et de faire en sorte que des personnes, dont beaucoup d’enfants, puissent reprendre leur scolarité, leurs activités sportives ou professionnelles, de manière tout à fait normale.
La première greffe en Tunisie fut celle de la cornée et a eu lieu en 1948, et ce n’est qu’en 1999 que la loi tunisienne a permis aux citoyens souhaitant devenir donneurs à leur décès de le mentionner sur leurs cartes d’identité nationale.
Quand on parle du don d’organes, on évoque deux types de donneurs : personnes vivantes qui appartiennent dans la plupart des cas au cercle familial du receveur, puis les personnes décédées, le don se fait dans ce cas dans l’anonymat et la gratuité, après une mort cérébrale ou encéphalique.
Dans son intervention, le professeur Gargah a indiqué que la transplantation est une activité bien réglementée en Tunisie, qui se fait dans le respect de la législation et des bonnes pratiques, et dans la transparence et l’équité en matière de distribution d’organes. À ce jour, les hôpitaux autorisés à prélever et à transplanter des organes sont au nombre de 6 pour le rein, 3 pour le cœur, 3 pour le foie et 1 pour le poumon.
La transplantation cardiaque a été reprise dans les établissements publics en 2019 après un arrêt de 15 ans (7 greffes du cœur ont eu lieu l’année dernière). Durant cette même année, on a également noté 10 transplantations hépatiques, 31 rénales, et une trentaine de personnes ont retrouvé la vue grâce à des greffes de cornée.
L’espoir de reprendre une vie normale
«Malgré les bons résultats de la greffe à partir de donneurs vivants, la priorité demeure la promotion du don à partir de donneurs en état de mort encéphaliques», indique le professeur Gargah qui a fait savoir que 11.000 personnes souffrent d’insuffisance rénale et sont dialysées en Tunisie jusqu’à 2018, dont seulement moins de 2000 ont pu bénéficier de greffe du rein (à partir de donneurs vivants dans la majeure partie des cas), d’où l’urgence de se mobiliser pour une meilleure sensibilisation sur la question du don d’organes, mais aussi pour le changement du texte de loi (22-91) afin que chaque citoyen soit un donneur potentiel à son décès du moment où il n’a pas exprimé son refus de son vivant, comme c’est le cas – entre-autres – en France.
De sa part, Sabrine Ben Youssef (assistante hospitalo-universitaire en chirurgie pédiatrique à Monastir) est revenue sur la coopération franco-tunisienne ayant permis de sauver 11 enfants tunisiens, dont la première greffe hépatique pédiatrique ayant eu lieu en 2017 à l’hôpital Fattouma Bourguiba à Monastir, et ce, sur un bébé de 18 mois.
La rencontre a également été marquée par de nombreux témoignages de personnes ayant été sauvées grâce à des dons d’organes, comme la jeune femme Abir Ghazouani ayant reçu un don anonyme de foie qui lui a permis de reprendre une vie tout à fait normale. «C’est une renaissance», dit-elle en se réjouissant de ses nouvelles passions pour le sport, la photographie ou encore la poésie. La blogueuse et activiste Lina Ben Mhenni a également partagé son expérience comme receveuse de rein de la part de sa mère, qui lui a sauvé la vie : «Je dis toujours que ma mère m’a donné la vie deux fois, la première fois en me donnant naissance, et la deuxième fois en m’offrant son rein», dit-elle.
De sa part, Wael Mansour, jeune danseur de 27 ans, a découvert il y a un an qu’il avait une insuffisance rénale; sa vie est désormais rythmée de séances de dialyse en attendant de recevoir un rein et de reprendre la danse.
L’événement a aussi donné à voir deux belles adaptations (une pièce de théâtre et un film) du roman français ‘‘Réparer les vivants’’ de Maylis de Kerangal, un émouvant plaidoyer littéraire sur la transplantation cardiaque. «On est souvent à la recherche de l’argent, de la célébrité et d’un sens à sa vie; mais lorsqu’on parle de don d’organes, on est complètement à l’opposé de tout cela : la gratuité, l’anonymat et on trouve un sens absolu à la vie», indique le comédien et metteur en scène français Emmanuel Noblet qui a adapté le roman de Maylis de Kerangal au théâtre, une pièce bouleversante représentée dans le cadre du même événement à l’espace Le 4e art.
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