La demande présentée par le bloc du Parti destourien libre (PDL) d’examiner et de voter le projet de motion appelant à classer les Frères musulmans comme organisation terroriste a été rejeté, hier, vendredi 2020. Ce n’est certes pas une surprise. Mais la décision a provoqué un petit séisme politique.
Par Imed Bahri
D’abord, il était attendu que le parti islamiste Ennahdha, membre de l’organisation internationale des Frères musulmans, s’oppose à l’examen de cette motion, dont il est clairement la cible, et que ses satellites, Qalb Tounes et Al-Karama, lui emboîtent le pas, les sorts des trois partis étant désormais liés, pour le meilleur et, surtout, pour le pire.
Ensuite, ce vote a montré la frilosité d’Ennahdha, qui n’a pas voulu courir le risque de faire passer l’examen et le vote de cette motion, n’étant pas assuré de pouvoir la faire tomber par un vote démocratique. Alors, il a utilisé la méthode qu’il maîtrise le mieux : la manœuvre de coulisses et les pressions amicales.
Enfin, et au-delà de ce rejet, le but d’Abir Moussi, présidente du PDL et de son bloc parlementaire, était de mettre tous les partis dos au mur et les obliger à tomber définitivement le masque vis-à-vis de leurs électeurs, notamment en ce qui concerne leurs relations avec Ennahdha. Et dans cet exercice elle a frappé d’une pierre deux coups : elle a obligé Qalb Tounes et Echaâb (curieusement absent lors du vote) à se ranger du côté d’Ennahdha, et elle a montré aux islamistes qu’elle n’est pas seule à les combattre, du moins idéologiquement, puisque les députés Tahya Tounes, Attayar et la Réforme ont voté pour l’examen de la motion.
Les islamistes tremblent
On imagine que le vote d’Attayar et Tahya Tounes a énervé au plus haut point les islamistes, qui n’apprécient pas de voir leurs alliés au gouvernement se positionner contre eux dans une question aussi importante à leurs yeux, ce qui laisse la porte ouverte à de nouveaux re-positionnement politiques au gré des évolutions en cours de la situation générale dans le pays.
Ce vote, au-delà des circonstances, qui peuvent changer, montre que la possibilité de constituer une majorité anti-Ennhdha au sein du parlement n’est pas une vue de l’esprit et qu’un vote de défiance à l’encontre Rached Ghannouchi pour l’éjecter de la présidence de l’Assemblée n’est pas non plus impossible à l’avenir.
Et de ce point de vue, le vote d’hier n’a pas été inutile, aux yeux de Mme Moussi, car il a permis de clarifier davantage les positions et d’envoyer un énième avertissement à Ennahdha et à ses dirigeants : leur volonté d’imposer leur dictature à l’Assemblée et, à un degré moindre, au gouvernementة se heurtera désormais à une forte résistance, y compris de la part de ses «alliés» au sein du gouvernement, «alliés» par obligation mais idéologiquement et politiquement opposés au projet de l’islam politique qu’Ennahdha, et ses alliés internationaux, la Turquie et le Qatar, veulent imposer en Tunisie et en Libye.
Un échec qui annonce des triomphes à venir
Bref, consensus oui, alliance de circonstance, peut-être, pour pouvoir constituer un gouvernement d’union nationale, mais pas de compromission avec l’internationale islamiste et ses projets destructeurs pour toute la région, semblent dire les dirigeants d’Attayar et Tahya Tounes, qui ont le cul assis entre deux chaises, dans une position pour le moins inconfortable vis-à-vis de leurs propres principes et des attentes de leurs électeurs.
Leur vote d’hier, s’il n’a pas été suffisant pour faire passer le projet de motion, leur a au moins permis d’envoyer un message de non-alignement aussi bien à Ennahdha qu’à leurs propres électeurs, dont beaucoup pensent sérieusement, aujourd’hui, aller renforcer les rangs du PDL et soutenir sa courageuse présidente, «le seul vrai mec» sur la scène politique tunisienne, selon une expression désormais consacrée.
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