Aujourd’hui, la scène politique Tunisienne se polarise comme en 2014 entre deux extrêmes. Mais pour le bien du peuple tunisien, la bataille toujours annoncée entre les islamistes et les progressistes ne devrait pas avoir lieu. Pour cela les deux forces doivent converger afin d’ouvrir la voie à une synthèse entre un islam progressiste d’un côté et un progressisme en phase avec l’islam de l’autre côté.
Par Karim Ben Slimane *
Ennahdha, le parti islamiste tunisien, est sans conteste le grand gagnant de la révolution tunisienne de 2011. Au lendemain du soulèvement de la jeunesse opprimée et méprisée des villes intérieures, le parti d’obédience islamiste s’est accaparé de la Tunisie sans coup férir. C’est l’histoire d’un braquage à la Tunisienne.
Ennahdha a plus œuvré pour le contrôle du pouvoir que pour l’intérêt de la Tunisie
Après plus de neuf ans qui nous séparent du départ de Ben Ali, il est le seul parti qui a été de tous les combats politiques et qui a le plus façonné la trajectoire de la Tunisie post révolutionnaire. Mais force est de constater qu’Ennahdha a davantage œuvré pour sa propre survie et pour le contrôle des sphères du pouvoir que dans l’intérêt du pays ou de son électorat. Pour cause, la légitimité de ce parti avec son idéologie islamiste et les défis que cela pose à la sécularisation de l’Etat, ses accointances avec la controversée mouvance des Frères musulmans, les épisodes de violence et de terreur qu’il veut gommer de son histoire récente et son statut de vassal du néo ottomanisme d’Erdogan, pose problème.
Après, avoir contrôlé le pays d’une main de fer durant les années du règne de l’Assemblée nationale constituante (ANC), la peur de la menace nommée Ennahdha a été le fond de commerce de ses adversaires. Le temple du progressisme tunisien où gisent des figures notables telles que le penseur avant-gardiste Tahar Haddad et l’autoproclamé «Moujahed Akbar» Bourguiba et s’est découvert de nouveau gardiens. Feu Béji Caid Essebssi a été le premier à investir dans cette entreprise anti-Ennahdha. Le pari fut gagnant et le palais de Carthage a été son butin.
Abir Moussi récupère le fonds de commerce anti- Ennahdha
Aujourd’hui, c’est Abir Moussi, la star montante de la scène politique tunisienne propulsée par des forces ambivalentes faites d’atavisme progressiste et de haine viscérale sans nuances des islamistes de tous bords qui récupère le fonds de commerce anti- Ennahdha.
Bis repetita, retour à la querelle idéologique de 2014. Le parti islamiste est une nouvelle fois acculé et mis au pied du mur. Sa légitimité est contestée de nouveau et c’est son existence qui se joue encore. Comment Ennahdha va-t-elle mener cette nouvelle bataille pour sa survie ?
En 2014, c’est par la ruse et le marchandage qu’Ennahdha a manœuvré face à Caid Essebsi. Sous couvert d’une prétendue paix des braves, Ghannouchi et Caid Essebsi ont discuté prébendes, privilèges et les termes d’un armistice. La facture a été envoyée au peuple tunisien pour règlement express. Le clan Caid Essebsi obtient le prestige et l’argent, Ennahdha sans totalement courber l’échine redore son image et se présente comme un parti fréquentable aux yeux de l’Occident. L’histoire nous a été vendue comme une nouvelle preuve des vertus du dialogue à la tunisienne récompensé par un Nobel de la Paix.
La nouvelle bataille qu’Ennahdha s’apprête à livrer contre le parti d’Abir Moussi ne sera pas un pâle remake du marchandage avec Caïd Essbssi. Madame Moussi semble moins corruptible, plus déterminée et forcément plus jusqu’au-boutiste que le vieux timonier qu’était ‘‘Si El-Béji’’.
Comme dans toutes les guerres qui attisent les haines, de grands salopards naissent et se drapent d’habits de héros. Des extrémistes, des deux bords, nous en auront. Nous aurons le pire d’Ennahdha et le visage hideux des suppôts de Ben Ali, dos-à-dos.
Pour que le peuple tunisien ne soit pas toujours le grand perdant
Encore une fois, le grand perdant de cette bataille sera sans conteste le peuple tunisien. Ma croyance est que cette bataille, pour le bien de la Tunisie, ne devrait simplement pas avoir lieu. Pour cela les deux forces doivent converger afin d’ouvrir la voie à une synthèse entre un islam progressiste d’un côté et un progressisme en phase avec l’islam de l’autre côté. Ennahdha doit donc initier son aggiornamento d’une part et les progressistes doivent confronter leur idée du progrès à l’héritage culturel et religieux des Tunisiens.
Il revient au parti Ennahdha qui est jusqu’à aujourd’hui en position de force de donner des signes d’un engagement réel dans un aggiornamento sincère. Le prochain congrès du parti sera ainsi décisif car si la démocratie interne l’emporte et Rached Ghannouchi s’en va, une nouvelle page de l’histoire du parti et de la Tunisie pourra s’écrire.
Les progressistes, dont je me revendique, se doivent de faire l’inventaire de leur leg et de l’épurer du diktat politique de Bourguiba qui en imposant le progrès à pas forcés en Tunisie a étouffé toute forme de débat.
* Spectateur rigolard.
Donnez votre avis