Au prétexte de consensus national, d’ailleurs de pure apparence, on perpétue en Tunisie un système vaguement démocratique où rien ne fonctionne vraiment normalement. La gouvernance, rendue impossible, bute sur les problèmes et ne les règle jamais. Et le pays accélère sa décadence. Jusqu’à quand allons-nous continuer sur cette voie qui nous mène directement dans le mur… en klaxonnant.
Par Mohamed Rebai *
Faute de majorité absolue, les partis politiques gagnants aux élections finissent par mettre le pied à l’étrier pour gouverner en trio sans se donner de l’entrain. Or la Tunisie n’a besoin que d’un seul parti aux commandes et non de trois, qui l’accablent par leurs interminables divergences.
Dès le premier jour d’exercice du pouvoir, les nouveaux protagonistes commencent par accabler leurs prédécesseurs. La même rengaine, ce qui a été fait est affreux. Ils font semblant de s’intéresser l’un à l’autre mais en coulisse ils cherchent la perte d’un congénère qui trébuche.
Aucune réforme et aucun projet ne pointent à l’horizon
Cette situation biscornue que les Tunisiens ont créée par leur vote compliqué a vite déréglé la machine économique et sociale. Aucune réforme et aucun projet ne pointent à l’horizon. Cet horizon que les Tunisiens partagent au présent, chacun fait comme il peut.
La situation actuelle est plus que préoccupante. Le pays traverse une période de récession la plus grave depuis son indépendance 1956. Les finances publiques sont dans un très mauvais état. Le déficit budgétaire est plus qu’alarmant. Bref tous les indicateurs macro-économiques sont au rouge. Le bilan de ces dix dernières années n’est guère reluisant.
D’où la nécessité d’une réforme globale, rapide et profonde. Mais les politiques nouvellement élus, généralement des bleus en matière de gouvernance publique, ne l’ont jamais compris. Sans la politique où ils se sont jetés comme des affamés certains auraient pu être chômeurs ou contrebandiers. La Tunisie est déchirée par des affrontements pour le pouvoir déguisés en débat idéologique dans les médias.
Toutefois, il existe en Tunisie un personnage considérablement diminué qui veille au grain sur tout ce qui bouge. Le temps, il en use pleinement. Il a toujours le goût de surprendre et de s’imposer à ses troupes et à ses adversaires. Il ne reculerait pas devant l’acidité de certains propos accusateurs de ses pairs.
C’est un animal politique extrêmement aiguisé. Il ne lâche rien. Dès qu’il aperçoit une faiblesse chez l’adversaire il l’utilise. Il se contredit publiquement au risque de ternir son image et celle du pays. Déstabilisé à maintes reprises par des décisions maladroites et graves, il est toujours debout, droit dans ses bottes.
Il est la seule guêpe en Tunisie qui puisse piquer plusieurs fois sans disparaitre pour autant. À chaque fois, il sait exactement le moment où il va falloir piquer et faire mal. Il laisse faiblir sa proie et, le moment venu, il l’achève.
En politique, on n’a jamais d’amis gagnés à sa cause. Ils peuvent changer de convictions, de positions ou de motivations pour te fausser compagnie au premier tournant. Réellement, on n’a que des ennemis potentiels qui peuvent surgir à tout moment. Alors, il faut se méfier de l’eau qui dort.
La Tunisie a besoin d’un président qui exerce ses prérogatives sans entraves aidé par un Premier ministre dans ses tâches les plus hardies. Un président qui travaille pour la Tunisie de jour comme de nuit. Un président qui pense au pays et à son avenir, qui prend la défense des jeunes et des agents sécuritaires et non d’un président qui parle un langage de volapük compris par les initiés et le soir, il rentre chez lui cahin-caha.
On dégage les plus méritants et les affaires scabreuses continuent
Énormément de perversion politique qui a fait beaucoup de mal à la citoyenneté où le mensonge est assez fréquent, où la dissimilation est omniprésente et où la vérité et la transparence sont bafouées. Une multitude de désaccords d’approches et d’analyse multiples nous empêche d’avancer. On instrumentalise les hommes de basse besogne pour massacrer un rival qui titube. On dégage les plus méritants. Les affaires scabreuses continuent avec ou sans élections.
Il est temps den finir avec ce formidable dérèglement des appareils de l’Etat. À certains moments, la cohabitation nous paraît comme l’institutionnalisation de la lutte pour le pouvoir d’où personne ne sortira finalement gagnant. Le pays en pâtira.
Dix ans passèrent en querelles de factions politiques. Le temps vous file sous le nez et vous ne faites rien de positif. La politique est un jeu de dupes permanent. Le pouvoir ne se partage pas. Point à la ligne.
* Economiste.
Donnez votre avis