Dès son entrée en fonction, Joe Biden, le 46e président des États-Unis, a procédé à la nomination des membres de son cabinet ouvrant ainsi la voie à une administration paritaire, diversifiée, reflétant tout le brassage de l’Amérique. Ces personnalités chevronnées, qui incarnent un changement de ton, d’image, de vision et surtout de priorités, sont opérationnelles dès le premier jour de leur investiture.
Par Taha Abdelkader Allouche *
Nous présentons ci-dessous une série de portraits des membres de cette task force soudée par sa diversité même, qui va aider le nouveau président à mettre en route rapidement son programme de relance économique, d’apaisement social, de rétablissement des relations internationales de Washington gravement affectées par Donald Trump…
Antony Blinken, secrétaire d’État
À 58 ans, ce diplomate expérimenté, spécialiste des affaires internationales, a été désigné secrétaire d’État, l’équivalent du ministre des Affaires étrangères.
Ce juriste de formation est un habitué des administrations. Il était membre du Conseil national de sécurité sous Bill Clinton (1994-2001), chargé de la Sécurité nationale auprès du vice-président Biden (2009-2013) ou encore secrétaire d’État adjoint sous l’administration Barack Obama (2015-2017). Il a pu construire une relation particulièrement étroite avec le nouveau président, qualifiée même de «fusion mentale» en étant un de ses proches collaborateurs.
Antony Blinken, le fervent partisan du multilatéralisme sur la scène internationale, sera chargé de réintégrer les Etats-Unis dans le concert des nations, de rejoindre les accords abandonnés par Trump et surtout de rebâtir les liens avec les alliés historiques.
Le chef de la diplomatie américaine devra trancher des questions essentielles, avec notamment au menu redéfinir la relation avec les deux principaux rivaux du pays de l’Oncle Sam, Pékin et Moscou, ou encore plus explosif la résolution du dossier nucléaire iranien.
Janet Yellen, première femme secrétaire au Trésor
À 74 ans, Janet Yellen dirigera le secrétariat au Trésor, l’équivalent du ministère de l’Économie et des Finances. Cette économiste et professeure émérite est une valeur sûre du monde économique américain. D’ailleurs, elle est considérée comme l’une des architectes de la reprise économique consécutive à la crise financière et la récession de 2008.
Successivement présidente de la Fed à San Francisco (2004-2010) et vice-présidente de la Fed (2010-2014), elle est nommée présidente de la Banque centrale américaine, une première pour une femme, par Barack Obama en 2014.
Janet Yellen, qui est un choix consensuel pour satisfaire à la fois la gauche du Parti démocrate et le milieu des affaires, aura fort à faire à ce poste pour redresser une économie frappée par la pandémie de la Covid-19. Causant par la suite une décroissance de 2,4% du PIB américain et un taux de chômage de 6,7% en 2020.
Le nouveau poste stratégique de Janet Yellen devrait notamment lui permettre de mettre en place plusieurs mesures voulues par Joe Biden, dont la mesure emblématique de hausse du salaire minimum à 15 dollars l’heure.
Lloyd Austin, secrétaire à la Défense
À 67 ans, Lloyd Austin, l’ancien général quatre étoiles de l’armée de terre prend les rênes du Pentagone. Lors de sa nomination à la tête du Commandement central de l’armée américaine, Lloyd Austin est devenu, en 2013, le premier homme de couleur à le diriger. Aujourd’hui, il marque de nouveau l’histoire en devenant la première personne afro-américaine à conduire le ministère de la Défense.
L’ex-général connaît par ailleurs Joe Biden depuis plusieurs années. Lorsque ce dernier était vice-président, l’ancien général occupait le poste de Commandant général des forces américaines en Irak jusqu’à fin 2011. Un poste où les deux hommes ont pu aussi collaborer ensemble, notamment sur le retrait des troupes américaines en Irak.
Retraité de l’armée depuis 2016, cet homme de terrain, qui a combattu notamment en Irak et en Afghanistan, avait converti ses 40 ans d’expérience dans le privé en siégeant au conseil d’administration de Raytheon Technologies, la 3e plus grosse entreprise d’armement au monde.
Merrick Garland, Procureur général
À 68 ans, Merrick Garland qui est un modéré respecté, va prendre la tête du département de la Justice dans la nouvelle administration. Juge au sein de la Cour d’appel du district de Columbia depuis près de 24 ans, il aura la lourde tâche de «restaurer l’honneur, l’intégrité et l’indépendance» de la justice américaine. Cet ancien candidat à la prestigieuse Cour suprême des États-Unis est connu pour sa capacité à travailler en équipe.
Merrick Garland a listé plusieurs priorités, allant de la garantie de l’équité raciale dans le système judiciaire à la réponse à la menace évolutive de l’extrémisme violent. Par ce choix, le président Biden exprime son attachement à l’État de droit.
Deb Haaland, l’Amérindienne secrétaire aux Ressources naturelles
À 60 ans, Deb Haaland, la présidente du Parti démocrate dans l’État du Sud du Land of Enchantment, sera la première Amérindienne à intégrer une administration américaine et la première Amérindienne à prendre la tête du département de l’Intérieur. Un signal fort dans un pays où les autochtones ont longtemps été cantonnés dans des réserves et subissent encore une discrimination sociale.
Cette femme appartenant à la tribu Laguna Pueblos s’était déjà illustrée en 2018 en devenant l’une des deux premières femmes autochtones à entrer au Congrès en tant que représentante du Nouveau-Mexique.
En la nommant à la tête d’un vaste ministère supervisant les ressources naturelles, Joe Biden a fait dans le symbole certes, mais pas seulement. En effet, les politiques de gestion des ressources naturelles ont souvent fait la démonstration de leurs conséquences néfastes pour la communauté amérindienne. D’où la nécessité d’un catalyseur pour faire avancer le programme climat Biden-Harris et aider à réparer la relation du gouvernement avec les tribus que l’administration Trump a ruinée.
Gina Raimondo, secrétaire au Commerce
À 49 ans, Gina Raimondo, d’origine italienne, était gouverneure de l’État de Rhode Island depuis 2015. Auréolée d’une réputation de «dame de fer» dans les négociations, elle hérite d’un département où les dossiers complexes ne manquent pas. L’ancienne cadre d’une société à capital risque fait partie de la nouvelle génération d’élus locaux démocrates promus par l’administration Biden. En tant que secrétaire au Commerce, elle va notamment devoir gérer les relations avec la Chine, pays avec lequel une guerre commerciale s’est mise en place sous l’administration Trump. Et qui est appelée à se poursuivre voire à s’intensifier.
Gina Raimondo devra aussi gérer le dossier des géants américains du numérique (les GAFA) et, surtout, restaurer les relations commerciales avec l’Union européenne, au regard de droits de douanes imposées sur les importations du Vieux Continent.
Alejandro Mayorkas, secrétaire à la Sécurité intérieure
À 61 ans, Alejandro Mayorkas, fils d’immigrés cubains né à La Havane, va devenir secrétaire à l’Intérieur, un département qui lui est familier puisqu’il a été le sous-secrétaire de Jeh Johnson sous le mandat de Barack Obama (2013-2016). En 2015, il faisait partie de la délégation qui a travaillé sur la reprise des relations avec Cuba. Ce même département, au centre de la politique de lutte contre l’immigration sous l’administration Trump, devrait voir son action infléchie sous la houlette de son nouveau secrétaire.
Mayorkas sera alors responsable des dossiers de milliers d’immigrants qui se trouvent dans des centres de détention partout aux États-Unis. Il doit également trouver une solution pour des centaines d’enfants mineurs séparés de leurs parents et enfermés dans des conditions inhumaines.
Xavier Becerra, secrétaire à la Santé et aux Services sociaux
À 62 ans, Xavier Becerra, fils d’immigrants mexicains, sera le premier Américain d’origine hispanique chargé de diriger le département de la Santé et des Services sociaux, en première ligne en cette période de crise sanitaire. Il était député démocrate de Californie pendant 24 ans, puis Procureur Général de la Californie depuis 2017, un poste auquel il a succédé à Kamala Harris.
Ce fervent défenseur de l’Obamacare avait manœuvré sans relâche pour contrer les assauts des Républicains contre cette réforme globale de l’assurance-santé. En menant une coalition d’une vingtaine d’Etats demandant à la Cour suprême des Etats-Unis de valider la légalité de cette loi historique sur l’accès aux soins pour tous, ce juriste de formation a aussi dirigé une coalition de 22 États contestant une loi du Mississippi qui restreint l’accès à l’avortement.
Avril Haines, directrice du Renseignement National
À 51 ans, Avril Haines, diplômée en physique et en droit, va devenir la première femme secrétaire au Renseignement national. Pour rappel, elle a été la première femme à occuper le poste de directrice adjointe de la CIA (2013-2015). À cette époque, elle a été coordonnatrice de 17 agences de renseignement américaines ce qui lui a permis de forger une solide réputation dans le monde du renseignement. Par ailleurs, elle a commencé à servir dans l’administration Obama en 2010 en tant que conseillère juridique du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche. Durant l’actuel mandat de l’administration Biden, elle aura le privilège de siéger, entre autres, au Conseil national de l’armée, au conseil d’administration de Refugees International (une ONG qui aide les réfugiés) ou encore à celui de Nuclear Threat Initiative, une ONG qui travaille sur la prévention et la dissuasion nucléaire. Ces misions devraient lui conférer une vision globale des menaces.
William Joseph Burns, directeur de la CIA
A 64 ans, ce diplomate de carrière occupera la tête de l’Agence de Renseignements pour la première fois de l’histoire des États-Unis. Il a servi sous cinq présidents américains, de Reagan à Obama. Sous l’administration de ce dernier, William Burns était à l’origine du rapprochement avec l’Iran en menant des négociations secrètes en 2011 et 2012 à Oman. Il a travaillé activement à l’ouverture de discussions officielles entre les Washington et Téhéran qui ont finalement abouti à l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, signé en 2015.
Auparavant, Burns était ambassadeur en Jordanie de 1998 à 2001, secrétaire d’État adjoint aux Affaires du Proche-Orient de 2001 à 2005, ambassadeur en Russie de 2005 à 2008 puis ministre-conseiller aux Affaires politiques à l’ambassade des États-Unis à Moscou.
Après 33 ans de services, ce père de deux enfants a pris sa retraite du corps diplomatique en 2014. Il est aujourd’hui à la tête de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, un think-tank de relations internationales.
*Médecin et Activiste politique.
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