Après avoir été le pourfendeur, puis l’associé du «diable» islamiste, le professeur Mohamed Moncef Marzouki, après ses dernières prises de positions négationnistes vis-à-vis de la thèse de l’attentat à la lettre piégée contre l’actuelle présidence de la république, au nom d’une improbable et illusoire expertise scientifique, s’en fait maintenant de nouveau l’allié.
Par Dr Mounir Hanablia *
L’ancien président par intérim Mohamed Moncef Marzouki (décembre 2012-décembre 2014) a porté avant-hier, lundi 1er février 2021, sur une chaîne télévisée étrangère, un avis d’expert, en se prévalant de sa qualité de professeur en médecine, pour exclure la thèse de l’attentat à la lettre piégée contre l’actuelle présidence tunisienne, qui aurait dû chercher un autre scénario plus plausible, celui rapporté relevant selon lui du fantasme. Il a entre autres nié qu’il pût y avoir dans une lettre une substance entraînant une perte transitoire de la vision ou un malaise.
Evidemment, il fallait s’attendre à ce que le vaincu des élections présidentielles de 2019 ne fasse aucun cadeau à leur vainqueur. Et une manière péremptoire de faire étalage d’une conviction personnelle ou d’une prise de position politique au nom du savoir scientifique ne saurait de prime abord surprendre.
Une expertise bien douteuse
La pandémie de la Covid-19 avait déjà fourni l’occasion à des sommités internationales de se fourvoyer, du comité de rédaction du journal médical ‘‘The Lancet’’, à l’éminent professeur Didier Raoult, en passant par le prix Nobel de médecine Luc Montagnier. De surcroît à une époque où l’information scientifique est largement disponible sur la Toile, la parole de l’expert ne vaut plus celle de l’Evangile.
Il ne suffit pas de se positionner, il faut argumenter et justifier, particulièrement quand il s’agit de mettre en doute la version de la plus haute autorité du pays, et que de son discrédit un mouvement politique qui ne baigne pas particulièrement dans les lumières renforce son emprise néfaste sur un Etat et un pays en voie de décomposition. Mais d’argumentation, il n’y eut malheureusement point. Le «croyez moi, c’est un professeur en médecine qui vous parle» ne saurait suffire à convaincre, du moins les gens avertis.
Il aurait déjà fallu que le professeur en question fût un spécialiste de toxicologie pour pouvoir émettre un avis crédible, ce que, agrégé en médecine communautaire, il ne fut jamais. Et pour commencer il semble ignorer, ou le feindre, la sublimation ou l’évaporation, ces phénomènes par lesquels une substance passe à l’état gazeux du fait d’une variation de température, de pression, ou d’exposition à la lumière. Et il semble tout aussi bien faire semblant d’ignorer que des substances gazeuses puissent pénétrer par voie conjonctivale dans l’œil et le cerveau, occasionnant un voile noir transitoire devant les yeux que certains appellent éclipse visuelle ou amaurose et que même une chute transitoire et brutale de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque peut occasionner après l’inhalation d’un toxique. S’il n’en était pas ainsi, pourquoi les brigades anti-émeutes porteraient-elles des protections sur les yeux?
Attendre les résultats des prélèvements avant de se prononcer
Quant à l’absence de toute substance dans le broyat, il suffit de placer quelques cristaux de sel de cuisine dans une enveloppe, puis de la vider et de l’envoyer au laboratoire, pour s’apercevoir qu’elle ne contienne nulle trace de son composé chimique, le chlorure de sodium.
Et en fin de compte un esprit objectif et impartial, c’est-à-dire scientifique, aurait dû se réfugier derrière la nécessité au moins d’attendre les résultats des prélèvements effectués sur les victimes avant de se prononcer. Or face à la télévision, c’est bien l’homme politique qui fut présent. Pourtant en dépit des vicissitudes ayant entouré sa présidence, je n’avais jusque-là pas cessé de lui porter la plus haute estime, à tout le moins dans le domaine médical. J’avais eu l’honneur en tant qu’étudiant en médecine d’assister dans les années 1970 à un cours de neurologie sur l’épilepsie dispensé par celui qui n’était alors qu’un assistant à l’Institut national de neurologie, une discipline qu’il devait plus tard abandonner, à la suite de mésententes profondes avec l’un de ses grands pontes.
Le Dr Marzouki avait été remarquable de concision, de clarté, mais aussi de culture. Il avait ainsi évoqué des personnalités célèbres souffrant du mal «sacré», comme Alexandre le Grand, ou Jules César. Il avait également abordé le mystère de «la Révélation» conduisant le Prophète Mohamed à la récitation de nouveaux versets du Coran à l’issue de manifestations paroxystiques que ses ennemis qualifiaient de démence, et certains orientalistes de crises épileptiques.
Le Dr Marzouki avait nié à juste titre que l’épilepsie pût engendrer une activité intellectuelle créative comme la «poésie» (sic). Quelques années plus tard, à la tête de la Ligue des Droits de l’Homme, il émettrait une protestation énergique quand la traduction en arabe du serment d’Hippocrate prendrait selon lui une tonalité trop religieuse contraire à la neutralité scientifique. Cela ne l’empêcherait pas d’être adoubé président de la république par un Conseil Constitutionnel sous tutelle islamiste.
Ainsi après avoir été le pourfendeur, puis l’associé du Diable, le professeur Marzouki, après ses dernières prises de positions négationnistes au nom d’une illusoire expertise scientifique, s’en fait maintenant l’allié. Avant d’évoquer un nouvel attentat de l’Observatoire, il aurait pu accorder à son pays le bénéfice du doute.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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