L’Association internationale des professeurs et maîtres de conférences des universités (IAUPL), organisation non gouvernementale partenaire officiel de l’Unesco et ayant un statut consultatif auprès de l’Onu a rendu public hier mardi 15 juin 2021 le communiqué suivant relatif à la réforme du statut d’enseignant-chercheur en Tunisie où elle appelle le gouvernement tunisien à «mettre en cohérence le statut des enseignant-chercheurs avec les conditions normatives internationales».
Les observations de l’Association internationale des professeurs et maîtres de conférences des universités (IAUPL), ONG au sein du système de l’Organisation des Nations-Unies, visent à aider les États à élaborer et mettre en œuvre des politiques mondiales en faveur des enseignants universitaires conformément à la «Recommandation concernant la condition du personnel de l’enseignement supérieur» (Unesco, 1997) qui stipule notamment que :
- «L’accès à la profession académique dans l’enseignement supérieur devrait être fondé exclusivement sur les qualifications académiques, la compétence et l’expérience acquise» (Article 25, Partie VI, paragraphe A);
- «Il convient de favoriser, tant au niveau international qu’au niveau national, l’application des normes internationales susmentionnées au bénéfice de l’enseignement supérieur. A cette fin, le principe des libertés académiques devrait être scrupuleusement respecté» (Article 27, Partie VI, paragraphe A);
- «Le personnel enseignant de l’enseignement supérieur devrait jouir du droit à la liberté syndicale et l’exercice de ce droit devrait être activement encouragé. La négociation collective ou toute procédure équivalente devrait être encouragée conformément aux normes établies par l’Organisation internationale du travail dans les instruments énumérés à l’appendice» (Article 52, Partie IX, paragraphe E).
L’IAUPL a pris connaissance des déclarations du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de la République Tunisienne concernant la réforme de l’enseignement supérieur qui annoncent la création d’un statut à tronc commun mêlant les enseignants-chercheurs à d’autres corps enseignant à l’université tunisienne et de surcroît avec une multitude de grades.
Plus précisément, le statut proposé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de la République Tunisienne comporte sept grades séparés. Ce statut permet également à d’autres corps enseignants sans qualification diplômante à la recherche d’intégrer le corps des enseignants-chercheurs.
Or, le système le plus couramment utilisé dans le monde ne comporte que deux corps principaux : professeurs des universités et maîtres de conférences. Le diplôme de doctorat (et son équivalent international : PhD, candidat des sciences, etc.), qui correspond au titre universitaire d’une formation par la recherche, est le seul garant de l’accès aux fonctions initiales d’enseignant-chercheur par le biais d’un concours de recrutement indépendant et qui assure la qualité du système d’enseignement national et sa cohérence à l’international.
Aussi l’IAUPL, en référence à la Recommandation de l’Unesco 1997, considère que cette réforme crée des conditions inégalitaires d’accès aux fonctions universitaires et qu’elle remet en cause l’assurance qualité dans l’enseignement supérieur en Tunisie.
La réforme de l’enseignement supérieur en Tunisie supposerait-elle une création de sept titres académiques différents qui correspondraient aux conditions d’accès équivalentes à chaque grade d’enseignants-chercheurs, énoncé par la réforme et, qui seront reconnus par une communauté internationale ?
Du point de vue d’une ONG internationale des universitaires, la réforme de l’enseignement supérieur en Tunisie est en contradiction avec la «Convention mondiale sur la reconnaissance des qualifications relative à l’enseignement supérieur» (Unesco, 2019) et créera des différences substantielles pour la finalité et la reconnaissance du titre de doctorat tunisien à l’international. Elle ne donnera pas non plus de garanties à un accès égalitaire et harmonique aux différents grades universitaires des titulaires du doctorat, y compris pour les jeunes tunisiens qui l’ont obtenu à l’étranger et qui sont de retour dans leur pays d’origine. La réforme déstabilisera une mise en place collégiale de l’assurance qualité de l’enseignement supérieur et du renforcement des capacités des enseignants-chercheurs dans les universités tunisiennes et compromettra les libertés académiques.
Or, selon l’Article VIII point 2 Section IV de ladite Convention : «Chaque État Partie, dans la mesure du possible, en fonction de sa situation et de sa structure constitutionnelle, législative et règlementaire, doit mettre en place un système objectif et fiable pour l’homologation, la reconnaissance et l’assurance qualité de ses établissements d’enseignement supérieur afin de favoriser la confiance dans son système d’enseignement supérieur».
L’IAUPL met actuellement l’accent sur la promotion harmonieuse de la «Convention mondiale sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur» et de ses équivalents régionaux et internationaux, notamment pour répondre aux demandes toujours plus nombreuses d’une assurance qualité face à l’internationalisation croissante de l’enseignement supérieur.
L’IAUPL appelle le gouvernement de la République Tunisienne au dialogue, dans des conditions démocratiques, avec les organisations du personnel enseignant, notamment avec le syndicat Ijaba au niveau national, afin de mettre en cohérence le statut des enseignant-chercheurs avec les conditions normatives internationales; cela en vue de ne pas créer de différences substantielles dans l’assurance qualité, d’assurer un accès juste et équitable à la profession, de défendre les jeunes docteurs et de protéger les conditions statutaires des enseignants-chercheurs Tunisiens conformément à l’Objectif du développement durable ODD 8 ‘Travail décent’ de l’Agenda 2030.
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