Accueil » Tunisie : la sécurité nationale n’est pas du seul ressort de l’Etat

Tunisie : la sécurité nationale n’est pas du seul ressort de l’Etat

Kais Saied et le ministre des Affaires étrangères Othman Jerandi.

Classée pays pré-émergent au début des années 2000, la Tunisie est aujourd’hui un pays instable et très fragile. Des espoirs sont désormais permis à la faveur des décisions historiques annoncées le 25 juillet 2021 par le président de la république, mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Par Raouf Chatty *

En effet, notre pays a beaucoup de chemin à faire pour reconstruire sur des bases solides sa sécurité nationale dans le cadre d’un État civil, démocratique, fort, ayant rompu définitivement avec l’islam politique, un pays respecté à l’intérieur et respectable dans son environnement géopolitique régional et international, comme il le fut avant la parenthèse islamiste.

C’est qu’en dix ans, de janvier 2011 à janvier 2021, en raison de la très mauvaise gouvernance par le parti islamiste Ennahda, la Tunisie a perdu ses repères dans tous les domaines et est devenu  méconnaissable, asthénique, chaotique, instable, gangrené par le népotisme et la corruption, vivant de son capital des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, quasi absent au plan international (huit  ministres des Affaires étrangères en 10 ans!), et inspirant de moins en moins confiance à ses voisins et partenaires.

La sécurité de la Tunisie préoccupe ses voisins maghrébins et européens

La Tunisie constitue aujourd’hui une préoccupation sérieuse pour son environnement géopolitique régional maghrébin (Algérie, Maroc, Égypte) et Européen (Italie, France, Allemagne…).

C’est là un fait politique majeur qu’aucun observateur avisé ne pourra ignorer ou occulter. Les visites à répétition des ministres algérien (trois en moins d’un mois ) et égyptiens (deux au cours de la même période), sans parler du ballet des visites des responsables des pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, s’inscrivent dans ce cadre et expriment l’inquiétude de ces pays quant à l’avenir de la Tunisie et à sa capacité à assurer sa sécurité et sa stabilité.

L’islam politique et les tentatives d’incursion terroristes en provenance du flanc sud du pays et les flux incessants de migration clandestine demeurant une source de grande inquiétude pour la Tunisie, tout comme pour ses voisins maghrébins et européens, qui intègrent de plus en plus la sécurité en Tunisie dans leur stratégie de défense nationale.

Le pays est aujourd’hui au centre de la diplomatie mondiale. Il est suivie de très près par les pays voisins et par les grandes puissances, États-Unis d’Amérique en tête, notamment depuis la «révolution tranquille» inaugurée à la faveur du soulèvement populaire du 25 juillet 2021 et des décisions politiques salutaires du président de la république, dont on attend l’aboutissement à une nouvelle phase politique baptisée «Troisième République».

Une diplomatie tunisienne plus proactive

La diplomatie tunisienne, qui est un instrument majeur de la sécurité nationale, doit aujourd’hui et plus que jamais être présente sur la scène régionale et internationale. Elle doit se mobiliser pour expliquer au monde et notamment aux grandes puissances les changements majeurs qui sont en train de se produire dans le pays et de répondre avec lucidité aux campagnes de désinformation voire de calomnies dont la Tunisie a fait l’objet notamment après le lobbying sonnant et trébuchant pratiqué aux États-Unis et en Europe par le parti islamiste.

Il incombe à cette diplomatie de sortir des sentiers battus, de travailler dur et fort pour être présente de manière effective et efficace sur la scène régionale et internationale. Elle a besoin de bouger davantage, d’adapter sa vision aux grands changements, de modifier son logiciel, de changer ses méthodes, d’être proactive, d’entamer des campagnes d’explication des mesures historiques adoptées par le président de la république, de mettre à nu le double langage pratiqué par certains partis politiques, notamment Ennahdha, de démontrer leurs contradictions et de lever les malentendus et de dissiper les amalgames.

Dans ce cadre, il convient de se féliciter des efforts louables du ministre des Affaires étrangères  Othman Jerandi et de plusieurs de nos missions diplomatiques et consulaires qui se sont traduites par les soutiens sanitaires importants apportés par plusieurs pays à la Tunisie pour l’aider à vaincre la pandémie du Covid-19.

Il n’en demeure pas moins que le succès dans le domaine diplomatique reste tributaire en grande partie de notre succès au plan national qui demeure le principal déterminant dans l’œuvre de construction de la sécurité nationale à laquelle tous les Tunisiens sont appelés aujourd’hui à contribuer.

Formons enfin le vœu que la conférence annuelle des chefs de missions diplomatiques et consulaires pour l’année en cours puisse mettre au point une feuille de route de nature à aider nos  diplomates à s’acquitter au mieux de leurs missions au service de la nouvelle Tunisie dans une scène régionale et internationale en pleine mutation…

* Ancien ambassadeur.

Articles du même auteur dans Kapitalis :

Tunisie : Quel rôle pour les ministres dans cette phase d’incertitude ?

Tunisiens, mobilisons-nous pour l’heure autour du président Saïed !

Tunisie : Le 13 août, une révolution permanente

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.