Depuis 2011, 10 gouvernements ont gouverné pour ruiner les caisses de l’Etat et le pouvoir d’achat du citoyen. Depuis le 25 juillet 2021, un forcing politique s’est imposé, avec un soutien populaire inouï… mais, l’hémorragie continue et la situation budgétaire s’aggrave de plus en plus! Et le temps est désormais pour l’électrochoc par les reformes et le réveil des consciences… Cap sur la relance économique, sur la neutralisation de l’islam politique et sur l’extermination des fourmilières de la corruption. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle…
Par Moktar Lamari *
L’économie tunisienne gémit sous une chape de plomb qui l’étouffe et la paralyse! La Banque centrale s’en fiche et s’en moque! Dommage, sa gouvernance s’est émancipée du gouvernement, mais pas des intérêts mercantiles des banquiers, à leur tête le FMI et la Banque mondiale, en portes étendards du slogan voulant dire : il n’ y a que le pouvoir de l’argent et celui des lobbys qui compte!
Mais, on sait que dans le pouvoir de l’argent, il y a le retour de manivelle, il y a l’effet boomerang… des méfaits qui peuvent faire mal, très mal à la collectivité dans son ensemble, et surtout à ses ambitions démocratiques et économiques.
Le temps des réformes, après le temps de cerises
La Tunisie doit rompre avec le statu-quo, et doit se bouger pour retrouver ses forces… d’abord pour se relever, ensuite pour se tenir debout en équilibre, avant de remettre en marche.
Le forcing du 25 juillet a amorcé le mouvement pour se relever… mais trois mois après, on attend de voir ce qui s’en vient!
Pour se tenir debout, sur ses deux jambes, il faut se procurer les béquilles de l’aide internationale, sinon la chute sera fatale… et le pouvoir basculera entre les mains de forces incontrôlables et qui peuvent tout briser, pour remettre de l’ordre (ou le désordre, c’est selon)!
C’est seulement, cet appui et béquilles qui sont produits par le FMI d’un côté et par toutes collaborations bilatérales de l’autre qui peuvent redonner de l’espoir et du taunus, pour se tenir debout… et se remettre ensuite en marche… Pour se remettre au travail et pour créer de la valeur ajoutée. Mais, les partis religieux, les lobbyistes liés ne sont pas prêts à lâcher leur proie: à savoir l’économie dans son ensemble, et l’establishment au passage.
Des niches partout, des terrains minés et pleins de snipers guettent la démocratie tunisienne en prenant en otage son économie et son État. Et comme le dit le proverbe : «Derrière chaque niche, il y a un chien qui aboie».
Les partis politiques dominants ont choisi de s’attaquer à l’Etat, en plaçant plus de 200 000 fonctionnaires issus des partis islamiques, pour pénétrer et contrôler le pouvoir. Ce faisant, les partis politiques ont surendetté le pays, et mis en pause les politiques publiques capables de créer de la croissance. Les amortisseurs de l’économie ont été vidés de leur lubrifiant, mettant à plat tous les processus de la création de la richesse.
Un prix à payer pour demain
Petit à petit, les services publics ont lâché. Les citoyens sont laissés pour compte. Ceux qui n’ont pas les moyens de payer des soins de santé dans les cliniques privées, ou ceux qui ne peuvent pas envoyer leurs enfants dans des écoles privées, n’ont plus rien à espérer de la transition démocratique miroitée comme le projet salvateur et le tremplain pour s’en sortir!
Dans ces conditions, il est urgent de ne plus attendre, car nous courons deux courses à la fois. Le marathon contre le Covid et ses répliques, et la course contre la montre contre le coût économique de cette crise sanitaire.
Pas le choix, la Tunisie doit se ressaisir ! L’enjeu est de taille: se relever ou abandonner l’espoir démocratique.
Passage obligé, réformes réformes….
Les discours qui laisseraient penser que «nous avons le temps», qu’il «ne faut pas précipiter les choses» ne sont pas responsables, car ils accentuent ce phénomène de bulle, de morphine, qui fait fi des réalités.
Lundi 1er octobre 2021, beaucoup de Tunisiens ont vu le gouverneur de la BCT rencontrer le président Kais Saied, mais personnes n’est dupe, on constate bien que personne ne veut se mouiller ou se brûler des ailes, alors que le pays est condamné à obtenir une aide du FMI, à n’importe quel prix.
Personne ne veut parler des enjeux qui fâchent. Exemple : réduire les dépenses publiques d’au moins 5 milliards de DT. Personne ne veut se mouiller pour dire il faut licencier au moins 150 000 fonctionnaires et réduire le salaire des autres d’au moins 10%. J’exagere… mais pas trop!
Personne ne veut dire qu’il faut privatiser des terres, des entreprises publiques et bien d’autres services publics.
En face, les Tunisiens attendent de voir. Si les Tunisiens continuent à somnoler et si les élites aiment tergiverser au sujet des réformes, tous vont casquer et laisser des plumes.
Nous n’avons plus le temps de tergiverser, de regarder ailleurs, de mener des réflexions métaphysiques, pour ne rien donner au final! L’enjeu est simplement d’écrire l’histoire, d’en être acteur, plutôt que victime. La Tunisie, à certains égards, a déjà manque de nombreux trains de reformes. Tâchons de ne pas manquer le prochain.
* Universitaire, Canada.
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