On l’avait complètement perdu de vue au lendemain du limogeage du chef du gouvernement Hichem Mechichi et l’annonce des mesures d’exception par le président Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021. Et pour cause : il avait soutenu jusqu’au bout ce gouvernement, contre vents et marées et en dépit de l’opposition de son propre parti, Machrou Tounes. Hier, mardi 4 janvier 2022, il est apparu de nouveau pour annoncer, dans une déclaration à Mosaïque, qu’il se retirait de la vie politique et abandonnait son mandat de député.
Par Imed Bahri
De toute façon, l’Assemblée dont il était membre jusqu’au gel de ses travaux le 25 juillet n’aura aucune chance de reprendre du service avant les législatives anticipées du 17 décembre prochain, qui en éliront de toute façon une nouvelle.
Nasfi avait commencé sa carrière politique comme militant du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir sous la dictature de Ben Ali. Il reprit du service au lendemain de la révolution de 2011 en rejoignant le parti Nidaa Tounes, fondé en 2012 par feu Béji Caïd Essebsi. C’est sous les couleurs de ce parti qu’il s’était fait élire à l’Assemblée en 2014, avant d’en démissionner et de rejoindre Machrou Tounes, fondé par un groupe de démissionnaires du Nidaa, lequel avait explosé entre-temps en plein envol, après avoir accédé au pouvoir en janvier 2015. Le choc des ambitions y était pour beaucoup et la guerre fratricide que s’étaient livrée les camarades de Nasfi a transformé le camp des modernistes en un champ de ruines, ouvrant un boulevard devant le parti islamiste Ennahdha.
Une page tournée
Dans sa déclaration téléphonique à Mosaïque, Hassouna Nasfi a confirmé qu’il avait complètement et irrévocablement abandonné sa carrière politique, et que celle-ci était pour lui une page tournée, selon ses termes. Il a indiqué qu’il laissait la place à tous ceux qui affectionnent encore le travail politique à la lumière de la situation que traverse la Tunisie, considérant que le climat actuel n’est plus propice au travail constructif.
Nasfi affirme avoir repris, il y a trois semaines, son travail initial dans la fonction publique après avoir soumis une demande à son établissement pour mettre fin à sa mise en disponibilité. Celui-ci ayant répondu positivement à sa demande, il a pu reprendre son travail qu’il avait laissé après son élection à l’Assemblée.
Nasfi a aussi déclaré qu’il n’avait pas démissionné de l’Assemblée en raison de l’absence d’une autorité légale à laquelle le député pouvait soumettre sa démission, étant donné que la démission requiert des conditions juridiques et des procédures que le gel des travaux de l’Assemblée rendait impossibles.
Un suicide politique
En fait, et c’est ce que M. Nasfi ne dit pas, c’est que même s’il l’avait voulu, il aurait eu beaucoup de mal à se replacer sur une scène politique où toutes les figures qui l’ont encombrée au cours des dix dernières années, dont lui-même, ont perdu toute crédibilité aux yeux de leurs concitoyens.
Par ailleurs, l’appui aveugle de Nasfi au gouvernement ô combien impopulaire de Hichem Mechichi aura été, également, un suicide politique pour ce jeune loup qui était pourtant promis à un grand avenir. Il s’était laissé piéger par des considérations subjectives, en suivant aveuglément l’un de ses proches occupant un poste important auprès du chef du gouvernement limogé. Le népotisme, péché mignon des politiques, a rarement été bon conseiller.
Sur un autre plan, avec Kaïs Saïed à la barre, Hassouna Nasfi n’a aucune chance de reprendre du service. N’empêche que ce quinquagénaire, ambitieux, dynamique et beau parleur, pourrait se remettre en selle après une période de traversée du désert, qu’il mettra à profil pour jeter un regard rétrospectif sur son parcours, revoir ses engagements anciens et repartir sur de nouvelles bases. En laissant le temps au temps, il pourrait, surtout, compter sur l’amnésie des Tunisiens qui ont souvent la mémoire courte. Et les politiques, qui n’hésitent pas à contredire le soir ce qu’ils ont dit le matin, ne le savent que trop!
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