Dans l’allocution qu’il a prononcée à l’ouverture de la 26e conférence de l’Union régionale du travail à Gafsa, vendredi 28 janvier 2022, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a réitéré la position dogmatique de la puissante organisation syndicale concernant la réforme des entreprises publiques qui sont presque toutes en quasi-faillite et coûtent très cher à l’Etat, contraint de puiser dans les finances publiques pour alimenter leur trésorerie.
Par Imed Bahri
L’organisation syndicale, on le sait, est formellement opposée à toute tentative de privatisation, qu’elle soit totale ou partielle, de ces entreprises publiques défaillantes, pour aider à leur assainissement et à leur relance dans un environnement économique plus ouvert, plus exigeant et plus compétitif.
Pourtant, sous le régime de Ben Ali, avant 2011, l’UGTT avait accepté sans broncher plusieurs opérations de privatisation d’entreprises publiques, comme celles des cimenteries, qui ont été couronnées de réussite, en rapportant d’importantes sommes d’argent à l’Etat, en préservant ces sociétés de la faillite, en relançant leurs activités, notamment à l’international, en augmentant leurs chiffres d’affaires, en préservant les emplois existants et en en créant d’autres et, cerise sur le gâteau, en accroissant les recettes fiscales de l’Etat. C’est là tout le bien que l’UGTT refuse aujourd’hui à l’Etat tunisien, serions-nous tentés de dire !
Impossibles réformes structurelles
Cette position est très contrariante pour l’Etat, qui espère conclure un accord de prêt avec le Fonds monétaire internationale (FMI) au cours des prochains mois pour financer son budget pour l’année en cours, et qui doit respecter ses engagements vis-à-vis des bailleurs de fonds, notamment en matières de réformes structurelles.
Outre la réduction de la masse salariale dans le secteur public et la révision du système de compensation, de plus en plus coûteux pour les finances publiques, ces réformes concernent aussi la restructuration des entreprises publiques qui creusent les déficits de l’Etat au lieu d’accroître ses ressources financières, comme cela fut longtemps le cas, avant qu’elles soient menées à la faillite par la mauvaise gouvernance.
Dans son allocution de Gafsa, M. Taboubi a averti que la direction issue du prochain congrès de l’UGTT sera confrontée à un important défi, celui de «sauvegarder le secteur public», lequel, rappelons-le, fournit à l’organisation l’essentiel de ses troupes et, par conséquent, l’essentiel de ses ressources financières, et ce via les côtisations des membres syndicaux.
La privatisation est une ligne rouge
Evoquant la situation difficile de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG), fleuron industriel de la région, paralysée par les grèves et les sit-in et dont les recettes ont été divisées par deux et trois depuis 2011 alors que ses effectifs ont été multipliés par deux ou trois au cours de la même période, M. Taboubi a appelé les habitants de la région à préserver cette société, qualifiée de «phare de l’économie tunisienne», en avertissant contre ce qu’il a appelé «un plan pour la mettre en faillite», en appelant à garantir la poursuite de la production, seul moyen de soutenir le développement dans la région.
Quelles sont les parties qui cherchent à «mettre en faillite» cette entreprise publique? Mystère et boule de gomme, mais on peut les deviner. Dans l’esprit des dirigeants syndicaux, les opérateurs privés sont des prédateurs qui attendent la faillite des entreprises publiques pour en prendre possession, ce qui pour l’UGTT, qui avait elle-même privatisé les entreprises qui étaient en sa possession (hôtel Amilcar, assurance Al-Ittihad…), est considéré comme une «ligne rouge», selon l’expression consacrée de ses dirigeants.
Donnez votre avis