La «guerre de la baguette» fait rage entre les «boulangers légaux» qui sont compensés et dorlotés par l’Etat et les «boulangers illégaux» qui sont pénalisés, mais quelle que soit l’issue de la bataille, ce sera toujours l’Etat/contribuable ou le citoyen/consommateur qui sera perdant. Cherchez l’erreur !
Par Mustapha Mezghani *
Il y a peut être baguette et «baguette», mais il y a un seul payeur, le contribuable / citoyen.
Dans le différend qui oppose les «boulangers légaux» aux «boulangers» illégaux, («boulangers» entre guillemets vu qu’il leur a été interdit légalement, semble-t-il, d’inscrire boulangerie sur la devanture de leurs magasins), je suis surpris de voir que nos hauts responsables n’y ont pas vu un point particulier (du moins n’en parlent pas) qui est du plus grand intérêt pour l’Etat.
Un chèque de 26 DT avec chaque sac de farine
Ce point est le suivant : il y a des boulangers qui ont la possibilité de faire des baguettes équivalentes à celles qui sont compensées (et fortement compensées) et au même prix, mais sans bénéficier des avantages spécifiques dont bénéficient les «boulangers légaux».
Il est à noter que les compensations dont bénéficient les «boulangers légaux» sont lourdes pour le contribuable à tel point que le prix du sac de farine est négatif, oui, négatif !
En plus d’acheter la farine à vil prix, ils bénéficient d’une compensation sur chaque sac de farine, de manière à ce que le prix de revient du sac de farine soit de –26 DT, oui –26 DT.
En d’autres termes, c’est comme si, au lieu de devoir payer la farine avec laquelle il fait le pain, le boulanger subventionné reçoit un chèque de 26 DT avec chaque sac.
Les «boulangers illégaux» pénalisés
Quant aux «boulangers illégaux» ou considérés comme tels, ils avaient la capacité de proposer des baguettes avec les mêmes spécifications techniques sans bénéficier de ces subventions, et en achetant la tonne de farine beaucoup plus cher.
Sauf que l’Etat est venu décider de modifier le conditionnement de la farine à destination de ces boulangers illégaux et en a augmenté le prix de manière à ce qu’il ne soit plus possible de faire des baguettes au même prix/spécifications. D’où les baguettes à 250 millimes.
Pire encore, il semble que l’Etat voudrait aussi les obliger à ce que les pains qu’ils font ne fasse pas plus de 20 cm de long, sans raison apparente, à part le fait qu’il faut absolument pénaliser ces boulangers qui ne bénéficient pas de subventions et diminuer encore plus leur rentabilité.
Cherchez le perdant dans cet imbroglio !
Mon problème est le suivant : nous avons deux boulangeries qui sont capables de faire des pains identiques et de les vendre au même prix. L’une à qui l’Etat, ou plus exactement le contribuable, donne une subvention pour que le prix des intrants soit négatif, l’autre qui ne bénéficie pas desdites subventions. Où réside l’intérêt de l’Etat/contribuable?
Pénaliser les seconds pour qu’ils ne soient plus capables de faire des pains «non compensés» ou les laisser faire ?
Qui est le plus grand perdant si les seconds ne vont pas pouvoir offrir ce pain au même prix?
Les boulangers qui achètent la farine plus cher ou l’Etat qui va voir plus d’affluence sur les boulangeries qui bénéficient de compensations et devoir accorder plus de compensation ?
NB : contrairement à ce que beaucoup pensent, il existe des boulangeries qui bénéficient de la compensation (farine à prix négatif) et qui font de la pâtisserie, y compris ceux qui la vendent au prix fort. Les autres «boulangers» font le pain avec la farine avec laquelle ils font les pâtisseries.
* Ancien Pdg de Tunisie Tradenet et ancien conseiller de plusieurs ministres.
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