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«Yahdouthou fi tounes» : (Mauvaises) nouvelles de Tunisie

Les Tunisiens ont rarement l’occasion de voir Mme Saïed, qui a accompagné son époux lors de son dernier voyage à Bruxelles.

Trois jours, de 16 au 19 février 2022… J’ai sélectionné quelques nouvelles… significatives… pour illustrer la gravité de la situation actuelle en Tunisie, et l’absence de réactivité au niveau de l’Etat (gouvernement, administration) et de décision rapide à tous les niveaux pour mettre fin aux abus ou trouver des solutions immédiates.

Par Samir Gharbi

(1) Je commencerai par les informations les plus surprenantes. J’ai écouté, le matin du 19 février, sur les ondes de la Radio nationale, le président de l’Association des pharmaciens, Nadhem Chakri. Ce qu’il a dit démontrer l’inconscience dans laquelle vivent les Tunisiens et la cupidité (gagner de l’argent à tout prix) de certains. M. Chakri parlait posément, mais clairement. Il attire l’attention sur, au moins, trois faits gravissimes.

1e fait : la vente, sans contrôle, sans ordonnance, des antibiotiques. Ce qui à la longue conduit le malade-consommateur à ne plus être… guéri par aucun antibiotique. Son corps devient une éponge… Qui sont les responsables : le pharmacien et le ministère de la Santé qui ne contrôle pas, ne sanctionne pas…

2e fait : l’usage des antibiotiques et autres médicaments par les éleveurs de bétail et autres agriculteurs et agroindustriels… Résultats : des traces d’antibiotiques et autres produits dangereux pour la santé humaine se retrouvent dans les viandes, les volailles, les œufs, les poissons et autres aliments industriels. Personne n’est conscient des dangers de ce laisser-aller, qui commencent à apparaître avec les maladies «nouvelles»… Personne ne fait le lien entre ce que les Tunisiens consomment et les maladies qui les frappent et parfois les tuent.

3e fait : la mise sur le marché, surtout au niveau du secteur anarchique des parapharmacies, de produits destinés à l’alimentation et à la santé des bébés (laits, biberons, tétines, crèmes…). Des mamans se plaignent que leur bébé ait des rougeurs au niveau de la bouche ou du visage… Cela est dû à la mauvaise qualité des produits, vendus sans contrôle des normes d’hygiène et de santé. Comment est-ce possible ? M. Chakri affirme que les importateurs parviennent à faire entrer frauduleusement leurs marchandises sans obtenir les autorisations nécessaires de mise en vente. Les responsabilités sont à plusieurs niveaux…

La réforme de la réglementation du métier de pharmacien est vieille de 1973. Sa réforme a buté sur des autorités parlementaires et politiques complices… Le secteur connaît des vides juridiques que les commerçants cupides savent contourner aisément. Pour le grand malheur de la santé des Tunisiens.

(2) Le 18 février, à l’issue d’un congrès qualifié de celui de la honte par certains, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a reconduit, à sa tête, Noureddine Taboubi, qui venait de fêter ses 61 ans (8 février)… pour un nouveau mandat sans limitation. Et on parle de démocratie et d’alternance! J’ai cherché sur le site officiel de l’UGTT à lire une biographie de son secrétaire général. Peine perdue. Motus et bouche cousue. A quoi bon dire «qui on est, d’où on vient?». Sa présence suffit, surtout qu’il sera un homme «incontournable» dans l’avenir immédiat du pays (il pourrait opposer son «niet» aux réformes pourtant indispensables du secteur public national en quasi faillite).

M. Taboubi, qui dirige le bastion syndical depuis 2017, a gravi les échelons à grand vitesse. Sans précision de date, son cursus commence dans un syndicat de base (Société tunisienne des viandes), Après 10 ans (vide informatif), le voilà secrétaire régional à Tunis, puis responsable du secteur agricole, puis secrétaire général en charge de la grande capitale, puis, en 2011, lors du «tournant révolutionnaire en Tunisie», il devient membre du bureau exécutif et responsable national du «règlement intérieur» de la centrale à Tunis… Qui dit règlement intérieur, dit maîtrise des ficelles du pouvoir !

2017, il est élu, sans presque de contestation, patron de la centrale ouvrière: il avait pris le temps de tisser sa toile dans les structures. Il est réélu le 18 février 2022 pour un 2e mandat de cinq ans, une victoire tachée par la modification justement du règlement intérieur en juillet 2021 lors d’un congrès extraordinaire… CQFD. Mais aucune bio publique n’évoque le parcours scolaire de M. Taboubi.

(3) Le voyage officiel de Kaïs Saïed à Bruxelles (16-18 février), est un de ses rares déplacements à l’étranger. Mieux, il était accompagné de son épouse, la magistrate Ichraf Chebil, que les Tunisiens ont très peu d’occasion de la voir en Tunisie même. Voir photos. Dans le compte rendu qu’il a fait, le 19 février, de sa visite à la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, le Président de la République a dû avouer le refus des Européens d’obtempérer pour l’aider à gagner les combats qu’il mène – toujours en vain – pour recouvrer l’argent détourné par les malfrats tunisiens et l’extradition de ces malfrats, qui vivent librement en Europe, pour être jugés en Tunisie. Les Européens, disent-ils, ne font toujours pas confiance à la Justice tunisienne, celle de l’ancien régime (2011-2021) et celle du nouveau régime, celui de Kaïs Saïed (depuis le 25 juillet 2021). Ces deux batailles ne sont donc gagnables à moyen terme.

(4) La bataille des «déchets italiens», elle, a été gagnée par le nouveau gouvernement : le 18 février, les conteneurs italiens, débarqués à la sauvette à Sousse, ont commencé par être réembarqués par après un compromis avec les autorités italiennes qui portent sur 213 conteneurs, sur un total de 280. Cette affaire, qui a été arrêtée en cours de route : plus de 800 conteneurs devaient être débarqués en Tunisie, soit quelque 120 000 tonnes, pour un gain de 48 euros par tonne, soit près de 5,8 millions d’euros pour les trafiquants tunisiens. Dont certains ont pu être arrêtés en 2021 (instructions judiciaires en cours) mais dont le principal auteur a pu fuir à l’étranger…

Autres nouvelles et non des moindres au cours de ces trois dernières journées :

(1) Reconduite de l’Etat d’urgence, du 19 février jusqu’au 31 décembre 2022. Les Tunisiens vivent dans cette situation depuis 2011, malgré quelques timides interruptions.

(2) Arrestation de 3 terroristes islamistes (encore !), le 19 février. Il s’apprêtaient à rejoindre le maquis montagneux… Des milliers ont été arrêtés depuis 2011, sans que l’on sache ce qu’ils sont devenus, s’ils ont été jugés, libérés…

(3) Deux kilos de cocaïne saisis à l’aéroport de Tunis, 18 le février, pour approvisionner le marché tunisien. 2 kg en moins, tant mieux, mais combien de kilos ont pu passer… La pègre sévit toujours parce que, pardi !, il y a des consommateurs.

(4) Plus de 50 000 litres d’huile végétale sont saisies le 19 février à Zaghouan… Destinés à nourrir la flamme spéculative, ces quantités, on l’espère, ont été vraiment remises sur le marché officiel.

(5) Plus de 48 tonnes de bananes saisies à Ben Arous… Pourvu qu’elles soient remises sur le marché officiel avant qu’elles ne pourrissent !

(6) Plus de 51 000 œufs de poule et près de 4 tonnes de farine subventionnée ont été saisis à Ben Arous le 18 février… Les spéculateurs vont-ils finir par revenir à la raison ? Rien n’est mois sûr !

(7) Bonne nouvelle, une librairie à rouvert ses portes à Tunis (El-Moez, à El Menzah 1), le 18 février. Ouf, la culture revient, elle manque tellement aux Tunisiens. Les écrivains ont du pain sur la planche s’ils veulent réveiller le sens de la lecture : il n’y a qu’à puiser dans l’histoire trois millénaire et contemporaine de la Tunisie, ses hommes et ses femmes oubliés de l’histoire qui ont tellement fait du bien à ce pays, sans omettre ceux et celles qui lui ont fait – et qui lui font toujours – du mal.

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