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Tunisie : Ennahdha, un cadavre qui bouge encore

Une base vieillissante et un parti périmé.

«Ne riez pas, n’y touchez pas, gardez vos larmes et vos sarcasmes», disait la célèbre chanson de Georges Moustaki, des paroles que nous ont rappelées les dernières déclarations du mouvement islamiste Ennahdha concernant sa «profonde inquiétude face à l’incertitude de la situation financière» de la Tunisie. Quel culot, tout de même !

Par Imed Bahri

Cette manière de «tuer un homme et de marcher dans ses obsèques» ou de «vendre le singe et de se moquer de son acheteur», comme disent les deux adages bien tunisiens, il n’y a que les Nahdhaouis, champions du monde toutes catégories de l’hypocrisie et de la duplicité, pour croire qu’elle marche à tous les coups, s’estimant peut-être suffisamment futés pour se permettre de prendre leurs concitoyens pour des idiots. Il y ont certes réussi jusque-là avec une partie des Tunisiens, qui ont continué à voter pour eux, mais tout de même, la couleuvre est trop grosse pour être facilement avalée.

Les islamistes se défilent

Dans un communiqué publié jeudi 3 mars 2022, le mouvement islamiste tunisien a cru pouvoir exprimer «sa profonde inquiétude face à l’incertitude de la situation financière du pays et à l’aggravation de la tension sociale en raison de l’arrêt de l’économie et de l’investissement, de la vague de hausses des prix. et de la pénurie permanente des produits de base», laissant ainsi entendre qu’il n’est pour rien dans cette crise généralisée et en en faisant porter la responsabilité au pouvoir actuel, incarné par le président de la république, Kaïs Saïed.

Le mouvement islamiste a sans doute raison d’appeler le locataire du palais de Carthage à «être franc avec les Tunisiens sur la réalité de la situation financière et à clarifier ses politiques pour y faire face sans chercher des justicatifs à son échec dans la gestion de l’État et la garantie de la sécurité alimentaire des citoyens», mais il ne peut en aucun cas s’exonérer de toute responsabilité dans la situation catastrophique où se trouve aujourd’hui la Tunisie, car celle-ci est l’aboutissement logique de la décennie que Rached Ghannouchi et sa smala ont passé à la tête de l’Etat, soit directement soit indirectement, en manipulant des marionnettes issues d’autres partis sous couvert d’alliance ou de consensus.

Ce fut une décennie d’improvisation totale, marquée par la mauvaise gouvernance, le népotisme et la corruption active à tous les niveaux de la responsabilité publique, dont les Tunisiens se souviennent toujours avec un mélange de regret et de frustration.

Le résultat est le gâchis que nous observons actuellement : des finances publiques en charpie, une économie à l’arrêt, une inflation galopante et un pouvoir d’achat en berne, malgré l’explosion des dépenses publiques et les interminables hausses des salaires.

L’islam politique bat en retraite

Les dirigeants d’Ennahdha peuvent toujours continuer leur sale jeu de rôles auquel ils nous ont habitués et qui consiste à se faire passer pour des opposants soucieux des droits et des libertés et préoccupés par le bien-être de leurs concitoyens, misant sur l’indulgence (naïve ou calculée?) de certains de leurs protecteurs occidentaux, ainsi que sur l’amnésie d’une poignée de Tunisiens qui pourraient continuer à voter pour eux – les prochaines élections étant prévues dans huit mois –, mais toutes les études montrent qu’ils ont beaucoup perdu de leur crédibilité et qu’à l’exception d’un noyau dur de partisans, tous d’un certain âge ou d’un âge certain, ils auront du mal aujourd’hui à appater une foule d’étourdis, d’idiots utiles ou d’intéressés. D’autant que beaucoup de leurs anciens électeurs ne font désormais confiance qu’à leur adversaire juré du moment : Kaïs Saïed, qui plafonne à quelque 80% d’intentions de vote pour la présidentielle, malgré tous les ratés des trois années de sa mandature. Et qu’ils ont également en face d’eux une grosse machine politique en la personne de Abir Moussi et son Parti destourien libre (PDL), donné largement gagnant des législatives si celles-ci étaient organisées aujourd’hui.

Tout cela pour dire que les craintes d’un hypothétique retour d’Ennahdha sur les devants de la scène politique, exprimées par beaucoup de Tunisiens et, surtout, de Tunisiennes, ne se justifient pas, car non seulement les islamistes ont gouverné et ont montré l’étendue de leur incompétence managériale et de leur soif de privilèges et de prébendes, et ont, de ce fait, été vomis par la majorité de leurs compatriotes. Mais force est de constater aussi que l’islam politique, qui est sur le retour dans le monde entier, a lamentablement raté l’occasion qui lui a été donnée, par le «Printemps arabe», en 2011, de montrer qu’il était capable d’améliorer la vie des gens et de remplacer utilement les mouvements nationalistes, libéraux ou de gauche, qui avaient gouverné le monde arabe au cours des soixante dernières années.

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