La Tunisie célèbre aujourd’hui, mercredi 6 avril 2022, le 22e anniversaire du de la mort de Habib Bourguiba, son libérateur, premier président de la république et bâtisseur de l’Etat moderne. Un anniversaire qui passe presque inaperçu, dans un pays en crise «carabinée», politique, économique et sociale, et qui ne sait plus où il en est et où il va. L’auteur, diplomate, enfant de la Tunisie de Bourguiba, rend hommage à cet homme dont on mesure aujourd’hui le génie politique jusqu’ici inégalé dans notre pays.
Par Raouf Chatty *
Je voudrai rendre ici un vibrant hommage au leader Habib Bourguiba pour son œuvre grandiose pour notre pays, la Tunisie.
En quelques mots, il fût le leader de nation, le combattant contre le colonialisme (il a passé 10 ans dans les geôles françaises), le père de l’indépendance et le bâtisseur de l’État tunisien moderne.
Il a fondé la république, le 25 juillet 1957, et a été le père de la Constitution du 1er juin 1959.
Emancipateur de la femme, grâce au Code du statut personnel promulgué le 13 août 1956, quelques mois après l’indépendance du pays, le 20 mars, il a été l’initiateur du planning familial, une politique visionnaire sans laquelle la Tunisie compterait aujourd’hui 24 millions d’habitants, le double de sa population actuelle, et on imagine les difficultés que notre pays aurait rencontrées pour nourrir, éduquer et soigner autant de personnes.
En 1956, 90% des Tunisiens étaient analphabètes, et pour remplir le gap séparant la Tunisie du monde développé, Bourguiba a opté pour la généralisation de l’enseignement, l’école gratuite pour tous et la scolarisation obligatoire pour les filles, qui étaient longtemps privées d’éducation.
Il a aussi instauré la santé gratuite pour tous et mis en place l’infrastructure hospitalière et sanitaire partout dans le pays.
Fils du peuple qui a accédé au pouvoir suprême grâce à l’éducation, Bourguiba a été un fervent partisan de l’ascenseur social, qui a permis à la Tunisie, dès les années 1970, à se doter d’une classe moyenne ayant longtemps constitué 70% de la population totale… Cette classe moyenne bien formée a été à l’origine des réalisations importantes dans les domaines économique et social durant les décennies suivantes.
Sur le plan international, et grâce à une diplomatie très active en faveur de la paix et de la stabilité internationales, la Tunisie était toujours en très bons termes avec ses voisins.
Lui-même diplomate hors pair, il a opté dès le départ pour l’ouverture sur l’Occident et ses valeurs universelles (liberté, tolérance, progrès, respect sacré pour les droits de la femme…), sans s’aliéner son environnement immédiat, arabe, islamique et africain.
Son humanisme, ses qualités humaines et ses choix civilisationnels ont permis à Bourguiba de faire d’un petit pays pauvre et sans ressources, un État moderne, une société organisée et stable dans un environnement sous-régional souvent instable. C’est ce legs qui permet à la Tunisie d’«exister» encore au regard du reste du monde, et qui, si on n’y prend garde, pourrait être dilapidé.
* Ancien ambassadeur.
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