Après les Etats-Unis et la France, c’est au tour de l’Union européenne (UE), le troisième principal bailleur de fonds de notre pays, qui commence à s’inquiéter du sort de la transition démocratique mise à mal, selon les normes démocratiques internationaux, par l’accaparement de tous les pouvoirs par le président de la république Kaïs Saïed, qui ne parvient pas à justifier les mesures qu’il a prises depuis la proclamation de l’état d’exception le 25 juillet 2022. Il faut dire que la diplomatie tunisienne, inactive et inaudible, ne parvient pas, elle non plus, à expliquer les évolutions politiques en cours en Tunisie où la voix de l’opposition n’a jamais été aussi élevée et entendue à l’extérieur.
Par Imed Bahri
C’est pour faire part de ces inquiétudes que des eurodéputés vont visiter la Tunisie, du 11 au 13 avril, pour des consultations sur les progrès réalisés par le pays sur la voie des réformes politiques et le retour à la stabilité institutionnelle.
Selon un communiqué de la délégation de l’UE en Tunisie, publié jeudi 7 avril, cette délégation sera composée de Michael Gahler (Parti Populaire Européen/ Allemagne), chef de la délégation et rapporteur permanent pour la Tunisie au sein de la commission des affaires étrangères, Javier Nart (Renew Europe, Espagne), Jakop Dalunde (Verts/ALE, Suède) et Andrea Cozzolino (Alliance progressiste des socialistes et démocrates, Italie), président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays du Maghreb.
Pour un dialogue politique inclusif
Au cours de cette visite, une délégation de députés de la commission des affaires étrangères du Parlement européen rencontrera le président de la république Kaïs Saïed, des représentants du gouvernement, de partis politiques et de la société civile pour discuter de la manière dont l’UE peut continuer à soutenir la Tunisie dans son processus de réformes politiques et de consolidation démocratique, sachant que Bruxelles dépense beaucoup d’argent pour soutenir ces réformes et que les Européens sont dans leur plein droit d’exiger de connaître le sort de cet argent et s’assurer qu’il est utilisé à bon escient.
Selon la communiqué, les eurodéputés réaffirmeront la nécessité d’un dialogue politique inclusif, du respect de l’État de droit, des libertés civiles et des droits humains, ainsi que d’un système politique fondé sur des principes démocratiques, notamment la séparation des pouvoirs garantie par des contre-pouvoirs institutionnels.
«L’Union européenne est très préoccupée par les derniers développements en Tunisie, notamment la dissolution de l’Assemblée des Représentants du Peuple et les poursuites judiciaires entamées contre certains de ses membres», a déclaré, jeudi 7 avril, Nabila Massrali, porte-parole du Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell.
«Nous appelons au retour, dans les meilleurs délais, à un fonctionnement normal des institutions et continuerons à suivre attentivement les différentes étapes de mise en œuvre du calendrier politique approuvé en décembre 2021. Il est essentiel que le processus de réformes soit fondé sur un dialogue inclusif de tous les acteurs politiques et sociaux», lit-on dans cette déclaration.
«Tout en respectant pleinement la souveraineté du peuple tunisien, nous rappelons également l’importance du respect de l’acquis démocratique, de la séparation des pouvoirs, de l’Etat de droit et des libertés et droits fondamentaux y compris les droits civiles et politiques afin de garantir la stabilité et la prospérité du pays», a-t-elle encore souligné. Et de conclure «Nous notons les progrès effectués dans l’élaboration d’un programme de réformes économiques et réitérons notre appui au peuple tunisien dans un contexte de crise sociale et économique d’envergure qui a été aggravée davantage par l’impact de l’agression russe de l’Ukraine».
Souveraineté nationale ou paranoïa nationale ?
Bien sûr, certains d’entre nous pousseront des cris d’orfraie, en criant à l’ingérence étrangère et en agitant la sacro-sainte souveraineté nationale, mais ils ne régleront rien au problème et n’aideront pas le pouvoir en place à prendre les bonnes décisions. Car le problème de notre pays aujourd’hui est qu’il n’a pas les moyens, économiques et financiers, de son entêtement à ne pas entendre les avertissements, souvent justifiés, de la communauté internationale, qui, rassurons-nous, ne veut aucun du mal à notre pays. Au contraire, aussi bien à Washington qu’à Bruxelles, Paris, Berlin ou Rome, les principaux partenaires et bailleurs de fonds de la Tunisie, on ne veut pas voir la Tunisie basculer dans l’instabilité dont les conséquences pourraient être néfastes pour toute la région. Disons-nous cela et gardons la tête froide dans nos relations avec le reste du monde pour ne pas nous isoler davantage, car la paranoïa n’a jamais été de bon conseil en politique.
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