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«South East Asia»: La quête de l’autonomie, entre Chine et Etats-Unis

La croissance économique des pays du Sud-Est asiatique est remarquable. Cependant, et afin d’assurer leur indépendance, menacée par le conflit permanent entre la Chine et les Etats-Unis, ses membres devraient privilégier l’intégration régionale, pour peser d’un poids plus important dans les relations internationales, la politique du consensus et de la coopération suivie jusque-là ayant été en l’occurrence de peu d’apport.

Par Dr Mounir Hanablia *

L’Asie du Sud-Est est cette partie insulaire et continentale regroupant près de 500 millions d’habitants qui entre l’Océan Indien, la mer de Chine du Sud, et l’Australie, se signale d’abord par sa diversité.

A la fin des années 60, inquiets de l’expansion du communisme, les pays la constituant se sont regroupés dans une association informelle essentiellement consultative et consensuelle, qualifiée d’ASEAN, chaque Etat gardant une totale liberté pour agir au mieux de ses intérêts.

Cette structure n’a joué aucun rôle notable dans la deuxième guerre d’Indochine, jusqu’en 1975, avec la chute de Saigon. C’est à partir de la troisième guerre d’Indochine, avec l’occupation du Cambodge par le Vietnam, qu’elle a commencé à jouer un rôle plus actif, mais dans un cadre international, en association avec d’autres acteurs, étatiques ou non.

La politique du bol de nouilles

Avec la chute de l’Union Soviétique, la fin du conflit indochinois en 1991, et l’avènement de la mondialisation, les perspectives ont évolué et l’ASEAN s’est ouverte à des nouveaux membres, les anciens Etats communistes de la région. Chaque pays a ainsi établi des normes propres, économiques, sociales, politiques, juridiques, compatibles avec la nouvelle situation internationale, mais les relations interrégionales, malgré la multiplication et l’intrication des échanges, et on a appelé cela la politique du bol de nouilles, ne se sont pas situées pour autant dans le cadre de l’intégration régionale, mais dans celui de la coopération, et l’ASEAN est devenu un acteur dans un cadre plus large, d’abord dans un premier cercle est-asiatique, constitué par la Chine, le Japon, et la Corée du Sud, puis dans le deuxième cercle océanien, celui du Pacifique, au sein duquel l’influence des Etats-Unis d’Amérique est prépondérante.

Néanmoins, c’est le Japon qui a constitué le principal investisseur dans la région, notamment en Malaisie, Indonésie, et Thaïlande, et le souci de sécuriser ses importations d’hydrocarbures, dont 80% transitent par le détroit de Malacca, n’y est sans doute pas étranger.

Cependant, le cheminement des pays de l’ASEAN n’a pas été dénué de crises. La première, majeure, a été celle de 1998 dont les causes demeurent discutées, mais qui semble secondaire à une dévaluation de la monnaie chinoise avec l’accord tacite des Etats-Unis d’Amérique, elle a entraîné la chute du dictateur indonésien Suharto, et avec l’indépendance du Sud Timor, a menacé l’intégrité territoriale du plus grand pays de la région, l’Indonésie, qui a eu recours au Fond monétaire international (FMI).

En 2006, l’Indonésie s’était acquittée de ses dettes et quatre années avant l’échéance et avait adopté un régime démocratique jusqu’à présent respecté par l’armée. Mais cette crise a démontré la capacité de la Malaisie de se rétablir dès 2004, sans le recours au FMI, grâce à une politique étatique volontariste. Mais on ne peut pas pour autant parler de stabilité régionale, plusieurs pays affrontant des crises politiques internes.

A cet égard, la Thaïlande est régulièrement en proie à des coups d’État militaires contre des gouvernements démocratiquement élus, sans pour autant remettre en cause ses relations traditionnelles avec l’Amérique. Cependant le régime militaire birman ne bénéficie nullement de la même complaisance, en tant qu’auteur de massacres contre ses minorités, et semble être devenu le repoussoir de la bonne conscience mondiale, sans pour autant susciter la condamnation de ses pairs. Ses bonnes relations avec la Chine n’y sont sans doute pas étrangères.

L’ASEAN dans le conflit sino-américain

A partir de 2001, il y a eu la guerre contre le terrorisme, les attentats de Bali en 2002, et l’intervention américaine en Irak en 2003 qui a suscité les réserves des pays musulmans comme la Malaisie et l’Indonésie. Et bien évidemment on ne peut pas aujourd’hui parler de l’ASEAN sans la situer dans la perspective du conflit sino-américain. Et le premier sujet de discorde se situe dans les ambitions chinoises en mer de Chine du Sud, avec l’établissement de bases militaires sur les îles Spratley et les explorations sismographiques, soulevant l’opposition des pays riverains, Vietnam, Malaisie, Philippines, et même Taiwan , avec évidemment en toile de fond la présence des porte-avions américains.

Cet espace recèle 7 milliards de barils de pétrole assurant aujourd’hui une exploitation journalière de 2,5 millions, mais les perspectives semblent considérables et pourraient couvrir les besoins chinois en pétrole et en gaz sur des décennies. Et mis à part cela, la construction dans le Yunnan de plusieurs barrages sur des rivières importantes comme le Mékong ou la Salween, mis à part les problèmes environnementaux que cela provoque, place de facto les pays indochinois d’aval sous la dépendance de leur puissant voisin.

Ainsi que l’a démontré la construction du port de Gwadar au Pakistan, la Chine est désormais capable de se désenclaver en commerçant à partir des pays voisins, dans le cadre du projet dit «nouvelle route de la soie».

Dans ces conditions la capacité des pays de l’ASEAN à y faire face s’avère problématique, particulièrement du fait de l’absence d’unité, de la politique du consensus suivie par les Etats qui confère à chacun un droit de veto, et de la diversité humaine, culturelle et économique, qui prédomine en Asie du Sud-Est, et dont un exemple est la prépondérance de Singapour, ethniquement à prédominance chinoise, qui assure plus de 40% de la richesse produite dans la région. Et les rivalités interrégionales ne manquent pas, comme par exemple celles, territoriales ou pétrolières, opposant la Malaisie à l’Indonésie, ou les différends les opposant au sujet de la déforestation à Bornéo.

Croissance économique et indépendance menacée

La croissance économique des pays de l’ASEAN a été en définitive remarquable, mais l’environnement écologique tout comme en Chine en a payé le prix fort. Cependant, afin d’assurer leur indépendance, menacée, ses membres devraient privilégier l’intégration régionale, pour peser d’un poids plus important dans les relations internationales, la politique du consensus et de la coopération ayant été en l’occurrence de peu d’apport.

Les pays du Maghreb, qui affrontent séparément une situation internationale défavorable face à un bloc européen puissant et cohérent, auraient intérêt à en tenir compte.

* Médecin de pratique libre.

«International Relations in Southeast Asia: The Struggle for Autonomy», de Donald E Weatherbee,Rowman & Littlefield Publishers Inc., 2010, 323 pages.

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