Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, hier, vendredi 16 décembre 2022, intitulée ‘‘Tunisie : «On est bien face à un dispositif de verrouillage de la vie politique tunisienne»’’, Kamel Jendoubi estime que le système électoral mis en place depuis son élection par le président de la république, Kaïs Saïed, est «de bout en bout attentatoire à la vie démocratique».
Le militant pour les droits humains et ancien président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), qui s’exprimait à la veille des élections législatives prévues aujourd’hui, estime que tous les scrutins tenus depuis la révolution de 2011 en Tunisie «ont permis à l’alternance au pouvoir de s’exercer pleinement en Tunisie» et qu’«ils ont satisfait au moins partiellement la quête de liberté et de citoyenneté des Tunisiens, qui ont accepté le résultat des urnes, même s’ils n’ont pas contribué à rendre leur quotidien meilleur.»
Un marché de dupes
Il a fallu la victoire de Kaïs Saïed, «homme inconnu du sérail politique et dépourvu de programme (au peuple de faire le programme, selon lui)», pour qu’«un marché de dupes» se mette en place. «Le coup de force du 25 juillet 2021 lui a permis d’emporter la mise : mettre hors-jeu le parti islamiste Ennahdha et ses alliés, neutraliser les nostalgiques de l’ancien régime menés par Abir Moussi (qui a fait de la confrontation systématique avec les islamistes l’alpha et l’oméga de son action), tirer profit du soulagement des Tunisiens et, last but not least, créer un état de sidération chez ses adversaires au point d’exclure toute réflexion ou action commune susceptibles de constituer un danger. Un boulevard lui a ainsi été ouvert, sur lequel il peut dérouler les différentes étapes de son projet personnel», écrit Kamel Jendoubi. Avant de passer en revue le processus politique qui a permis au professeur de droit d’imposer son projet de «nouvelle république» : suppression du peu d’indépendance qui restait à l’instance électorale, une loi électorale sur mesure, modification du découpage électoral, mise au pas des magistrats, et réduction des libertés d’expression et d’information sous le motif fallacieux de «lutter contre les fausses informations et les rumeurs ».
«Tout cela s’est déroulé dans un climat où la violence policière entrave de plus en plus les libertés de manifestation et de réunion. Les tribunaux militaires s’emploient à mater les ‘‘fortes têtes’’», écrit Jendoubi, comme pour placer les législatives d’aujourd’hui dans leur contexte politique délétère qui présage un avenir incertain pour une Tunisie qui n’a pas fini de manger le pain noir de la crise ouverte par la révolution de 2011.
I. B.
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