La Tunisie envisage de réaliser un taux de croissance de 1,8% en 2023, selon le rapport sur le budget de l’Etat pour l’exercice 2023 publié, vendredi 23 décembre 2022, sur le site du ministère de l’Economie et de la Planification, et qui tient plus des wishful thinkings que des projections économiques réalistes et crédibles. On croit pouvoir vous endormir par des mots, quand votre ventre est creux…
Ce faible taux est très en-deçà des besoins du pays pour relancer son économie, réduire ses déficits et créer les emplois pour ses 750 000 demandeurs d’emploi, un stock presque inchangé depuis 2011. Et encore, ce faible taux, qui est basé sur des hypothèses qualifiées de prudentes et de réalistes, tenant compte de la conjoncture nationale et de l’augmentation des risques implicites au niveau international, reste tributaire de plusieurs paramètres, notamment la levée des obstacles auxquels fait face l’activité économique dans le pays.
Il reste aussi tributaire de la concrétisation des réformes sectorielles visant à améliorer le climat des affaires et la mobilisation des capacités humaines, techniques et financières afin d’accélérer la mise en œuvre des programmes envisagés, lesquels restent souvent en plan, handicapés par une bureaucratie paralysante.
«La réalisation du taux en question requiert aussi un suivi périodique de l’évolution des indicateurs économiques et sociaux afin d’identifier des mesures correctives à temps», indique le ministère de l’Economie et de la planification dans son explication de texte. Qui ajoute, optimiste mais pas trop que «la levée des obstacles permettra de rétablir la régularité de la production et de l’exportation des phosphates, d’améliorer la compétitivité du secteur industriel, de mettre en exploitation le réseau ferroviaire rapide et d’augmenter l’efficience des services logistiques dans les ports, outre l’amélioration des services de transport aérien, le développement du secteur du tourisme, le renforcement du rôle du secteur des technologies de l’information et de la communication et l’appui de l’innovation et de la création».
Que de wishful thinking qui tiennent plus de la langue de bois soporifique que de l’analyse économique sérieuse !
Poursuivant sur cet élan où les souhaits tiennent lieu de promesses, le ministère de l’Economie parle également de la réforme des structures de régulation, de l’intégration du secteur parallèle, de la lutte contre la contrebande, de l’amélioration du système judiciaire, de l’accélération du rythme de modernisation des législations, de l’identification d’une stratégie de diplomatie économique et de l’activation du rôle des représentations tunisiennes à l’étranger. Bref, autant d’orientations que l’on nous réchauffe au début de chaque année et qui n’ont jamais été vraiment été mises en œuvre, et dont on n’est pas sûr qu’elles le seront un jour.
Le ministère de l’Economie, qui n’est pas avare en fausses promesses, parle aussi de soutien à l’orientation vers l’Afrique, de renforcement de l’intégration avec les pays du voisinage, d’accélération de la réalisation des projets publics et d’impulsion de l’investissement public, alors que, dans la loi de finances 2023, comme dans celles des dix dernières années, les dépenses d’investissement n’ont cessé de se réduire au point d’en devenir quasiment insignifiantes. De là à penser que le ministère de l’Economie est en train de broyer du vent et de prendre les Tunisiens pour des idiots…, surtout lorsqu’il parle de la levée des obstacles qui permettra d’améliorer le rendement et la production du secteur de l’agriculture et de la pêche, de la mobilisation des financements nécessaires pour les projets publics dont la rentabilité dépasse le coût des crédits et de finalisation de la réforme du système législatif et incitatif à l’investissement, système que l’on ne cesse de tripatouiller pour le rendre carrément infernal pour les investisseurs les mieux intentionnés.
Le plus gros mensonge du document, c’est lorsqu’il affirme que «le système fiscal agira en harmonie avec les priorités nationales à travers l’adoption du partenariat public/privé, la restructuration des entreprises, la réalisation de la relance économique, l’incitation à l’investissement et à l’exportation, l’appui de la recherche, du développement et de l’innovation et l’emploi des compétences», alors que tout le monde sait que la loi de finances 2023 ne contient que des mesures orientées vers la collecte des taxes et des impôts et que les mesures visant à relancer la machine productive sont quasiment absentes.
I. B.
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