La Foire du livre de Tunis invente la censure honteuse

Quand la ministre des Affaires Culturelles, Hayet Ketat Guermazi, affirme l’attachement de son département «aux principes de liberté de pensée, d’expression et de publication contenus dans la Constitution», on aimerait bien la croire, sauf que, cette fois encore, ses paroles sont en flagrante contradiction avec les actes qui lui sont reprochés.    

La ministre s’exprimait dans un communiqué publié lundi 1er mai 2023, à la suite de sa visite de la Foire internationale du livre de Tunis (Filt) au palais des expositions du Kram, à Tunis, pour s’enquérir du déroulement de la Foire et rencontrer les membres du comité d’organisation. «Le développement de la situation des deux premiers jours de la foire était à l’examen», lit-on encore dans le communiqué.

Qu’en termes édulcorés ces choses-là sont dites !

Quand on sait la polémique suscitée par le retrait de la vente de deux ouvrages critiques à l’égard du président de la république Kaïs Saïed et la fermeture de plusieurs stands dans des circonstances restées floues (certains pour protester, d’autres par solidarité), on aurait aimé voir Mme la ministre faire preuve de plus de responsabilité en éclairant l’opinion publique, aussi bien nationale qu’internationale, laquelle s’était elle aussi emparée du sujet, sur les causes de tous ces flottements qui ne prouvent pas l’«indépendance du comité d’organisation dans l’exercice de ses fonctions» sur laquelle Mme Ketat Guermazi a bien voulu insister.

La censure honteuse qu’on a voulu exercer lors de cette session de la Foire du livre de Tunis, sans en assumer jusqu’au bout la responsabilité politique et morale, a eu un effet inverse à celui recherché. Non seulement elle a alimenté une polémique malsaine sur les restrictions à la liberté d’expression, mais elle a dopé les ventes des ouvrages ciblés par la censure et éclipsé les nombreuses manifestations organisées dans le cadre de cet événement populaire. Plus encore, elle a prouvé, s’il en est encore besoin, les velléités autoritaires d’un pouvoir personnel qui ne parvient pas encore à s’assumer en tant que tel et à avancer à visage découvert.

Imed Bahri

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