Le cessez-le-feu qui est entré en vigueur hier, dimanche 19 janvier 2025, entre le Hamas et Israël, ne signifie pas la fin de la répression et de la souffrance pour les Palestiniens. Pour preuve, le «V» de la victoire est interdit par Israël aux Palestiniens qui s’apprêtent à retrouver leur liberté après des années, parfois des décennies, d’emprisonnement.
Khemaïs Gharbi *
Le «V» de la victoire, formé par l’index et le majeur, est bien plus qu’un simple geste. Popularisé par Winston Churchill durant la Seconde Guerre mondiale. Ce symbole incarne la résistance face à l’oppression, la foi en l’avenir et la capacité de l’humanité à triompher des épreuves. Il transcende les frontières culturelles, devenant une marque universelle d’espoir et de résilience.
Aujourd’hui, un fait interpelle : ce symbole universel est interdit aux Palestiniens qui s’apprêtent à retrouver leur liberté après des années, parfois des décennies, d’emprisonnement. Non seulement ils ne pourront pas mimer ce geste, mais leurs familles se voient également privées du droit d’organiser des réjouissances, que ce soit à Jérusalem ou en Cisjordanie. Des policiers israéliens ont averti les familles de cette interdiction, ajoutant une couche de répression à un contexte déjà oppressant.
Des exemples qui résonnent dans l’Histoire
Comment comprendre que célébrer la liberté, un moment universellement joyeux, puisse être perçu comme une menace? Les célébrations, rassemblements ou simples étreintes deviennent des actes politiques, passibles de sanctions. Cette répression des émotions les plus élémentaires pose une question essentielle : où s’arrête l’atteinte à l’humanité?
L’interdiction d’exprimer des sentiments ou de brandir des symboles n’est pas nouvelle. Dans d’autres contextes historiques, ces gestes ont souvent représenté un pouvoir que les régimes oppressifs tentaient de contrôler. Pendant l’apartheid en Afrique du Sud, par exemple, le simple fait de chanter une chanson en langue zouloue était considéré comme un acte de résistance. Ces interdictions, loin d’éteindre les revendications, ont souvent attisé les flammes de la contestation.
Des mères, des fils et des familles meurtris
Mais au-delà des symboles, ce sont les êtres humains que l’on atteint. Imaginez une mère interdite de crier de joie en retrouvant son fils, ou un père privé d’une étreinte avec sa fille après 20 ou 30 ans de séparation. Interdire la joie, c’est emprisonner les âmes après avoir enfermé les corps. C’est prolonger la captivité sous une autre forme, maintenir un contrôle invisible mais terriblement oppressant sur les cœurs et les esprits.
Pourtant, cette situation ne surgit pas du néant. Gaza, décrite comme une prison à ciel ouvert depuis plus de 17 ans, est le théâtre d’une souffrance quotidienne. À cela s’ajoutent les conditions de vie dans des camps de réfugiés où les générations se succèdent, et les humiliations permanentes infligées à un peuple. Ces réalités, ignorées ou minimisées, sont les foyers silencieux des tensions futures. Le 7 octobre 2023, date tragique pour les deux camps, est un rappel brutal que l’oppression et l’humiliation alimentent l’explosion.
Refuser aux familles le droit d’exprimer leur joie, c’est semer les graines du ressentiment. La paix, si tant est qu’on y pense encore ou qu’on la cherche du côté israélien, ne peut se construire sur la peur et la répression. Elle nécessite des gestes de reconnaissance et de respect. Laisser l’émotion s’exprimer, c’est reconnaître l’humanité dans l’autre, une étape essentielle vers la réconciliation.
Reconnaître la douleur de l’autre
L’histoire nous jugera : serons-nous ceux qui auront cimenté les murs de la division ou ceux qui auront tendu des ponts entre les peuples? Les grands leaders sont ceux qui osent briser le cercle vicieux de la haine en reconnaissant la douleur de l’autre. En interdisant le sourire ou le geste de victoire, nous oublions que ces expressions sont les témoignages silencieux d’une vie qui persiste, malgré tout.
Au crépuscule de nos existences, ce ne sont ni les interdictions ni les brimades qui marqueront l’histoire, mais les traces de compassion et de justice que nous aurons laissées. La véritable victoire réside dans le respect de l’autre et dans le courage d’écouter, même dans l’adversité.
* Ecrivain et traducteur.
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