Ce qui ressemble s’assemble. Il n’est pas étrange que Donald Trump prenne la défense du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et attaque la justice qui le poursuit pour des affaires de corruption puisque lui-même traîne des casseroles du même genre depuis plusieurs années. D’ailleurs, les deux se présentent comme des victimes de l’État profond.
Imed Bahri
Cependant, ce qui est saisissant c’est que l’attaque et la menace de Trump contre la justice israélienne aient été coordonnées conjointement entre l’Américain et l’Israélien et que Netanyahu, qui s’est maintenu au pouvoir ces dernières années grâce aux guerres successives, cherche à lier la fin de la guerre à Gaza à la fin de ses déboires judiciaires.
Le journal israélien Haaretz a révélé que l’offensive du président américain contre la justice israélienne concernant le procès pour corruption de Netanyahu avait été coordonnée à l’avance.
Selon Amos Harel, analyste militaire du journal, Netanyahu utilise sa relation avec Trump pour exploiter les récents «succès militaires» contre l’Iran afin d’influencer la justice israélienne et de mettre fin à son procès sans condamnation ni aveu de culpabilité tout en continuant de reporter la question des détenus jusqu’à la résolution de ses démêlés judiciaires.
«Ce qu’ils font à Bibi Netanyahu est terrible. C’est un héros de guerre qui a accompli un travail remarquable en collaboration avec les États-Unis pour éliminer la dangereuse menace nucléaire en Iran. Il est actuellement en pleine négociation d’un accord avec le Hamas pour la restitution des otages», a déclaré Trump dans un message publié sur sa plateforme Truth Social dimanche matin. Il a ajouté: «Comment est-il possible que le Premier ministre israélien soit contraint de rester assis devant un tribunal toute la journée, pour RIEN (cigares, poupée Bugs Bunny, etc.)? C’est une CHASSE AUX SORCIÈRES POLITIQUE, très similaire à celle que j’ai dû endurer».
Ici, Trump se moque ouvertement des accusations de corruption dont Netanyahu fait l’objet parmi lesquelles des boîtes de cigares offerts par des hommes d’affaires en échange d’intervention en leur faveur.
Une menace répugnante
Trump est allé jusqu’à menacer de couper l’aide américaine à Israël en matière de sécurité si le procès se poursuivait, ce que Harel a décrit comme «une idée dangereuse mise par Netanyahu lui-même dans la tête du président américain» et il a qualifié la menace de répugnante car elle a des fins purement personnelles à savoir sauver la tête de Netanyahu.
L’auteur note que les soupçons de coordination entre Netanyahu et Trump ont été confirmés après que le Premier ministre israélien a publié un tweet officiel remerciant Trump quelques heures après ses propos. Harel a qualifié cet épisode de sarcasme car Trump ne fait pas écho aux exigences du Hamas ou d’une quelconque partie extérieure mais plutôt aux propres exigences de Netanyahu de mettre fin à son procès dans le cadre d’un accord politique ou sécuritaire.
L’insistance de Netanyahu concernant sa survie politique liée à ses tentatives d’influencer le déroulement de son procès a retardé la conclusion d’un accord mettant fin à la guerre à Gaza.
Le 51e otage
L’analyste militaire estime que le Premier ministre israélien joue la victime et persiste à se présenter comme «le 51e et plus important otage» alors que le Hamas détient encore une vingtaine de soldats israéliens vivants en plus des corps de 30 autres.
Harel écrit: «Ces véritables otages devront attendre que le problème le plus urgent de Netanyahu, à savoir la suspension de son procès, soit résolu». Il souligne que le Premier ministre a récemment demandé une audience d’urgence sollicitant un report de deux semaines de son témoignage en raison de l’évolution de la situation sécuritaire.
Dans une démarche qui a suscité une large controverse, Netanyahu a de nouveau sollicité l’aide du Service de renseignement militaire (Aman) et du Mossad, l’agence de renseignement extérieur, pour convaincre les juges, à huis clos, de l’urgence sécuritaire de reporter son témoignage.
Les juges ont partiellement donné raison à Netanyahu décidant de reporter son témoignage mais seulement d’une semaine et fixant une date ultérieure pour réexaminer sa demande.
Harel estime qu’il y a un sérieux problème lorsque Netanyahu entraîne les plus importantes agences de renseignement israéliennes dans le bourbier de ses affaires personnelles. Tout comme Trump, Netanyahu se présente comme une victime de l’État profond qui cherche à le renverser.
L’analyste de Haaretz souligne que le Likoud a affirmé à plusieurs reprises que Netanyahu est incapable de gérer un pays dans une situation aussi complexe tout en étant accablé par des poursuites judiciaires bien que le principal intéressé ait précédemment affirmé sa capacité à gouverner le pays malgré sa mise en examen.
Harel met aussi en garde contre le danger de mélanger les questions de sécurité avec les considérations personnelles du Premier ministre. L’analyste craint également que les familles des détenus se joignent à Trump et Netanyahu dans une tentative désespérée de libérer leurs proches.
Un comportement scandaleux
L’analyste relève qu’il y a un paradoxe entre l’offensive grotesque de Trump sur la justice israélienne qui relève de l’ingérence et la situation géopolitique qu’Israël impose dans la région. L’Etat hébreu semble imposer une nouvelle réalité au Moyen-Orient, reconstruit son rôle dissuasif et en même temps le Premier ministre hypothèque la souveraineté du pays pour ses propres intérêts.
La semaine dernière, suite à un ultimatum de Trump, Netanyahu a exigé à la dernière minute le retour des avions de chasse qui avaient lancé une attaque de grande ampleur contre Téhéran. Il exhorte désormais le président américain à intervenir directement dans les procédures judiciaires nationales. En définitive, seuls les intérêts personnels de Netanyahu priment et incarnent le seul fil conducteur de sa politique et peu importe si son comportement est scandaleux. La fin justifie les moyens pour le diabolique Premier ministre israélien.
Donnez votre avis