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Comment les terroristes communiquent entre eux dans les prisons tunisiennes

Les prisonniers poursuivis en Tunisie dans des affaires terroristes poursuivent leurs prédications et parviennent à communiquer entre eux d’une prison à une autre.

Par Yüsra Nemlaghi

Arrêtés, écroués et poursuivis pour terrorisme, les jihadistes et les jihadettes poursuivent leurs prêches en prison et communiquent entre eux avec l’aide d’associations opérant dans les prisons sous l’étiquette de la défense des droits de l’homme et de… quelques agents pénitentiaires ripoux.

Kapitalis a enquêté sur ce sujet et appris que la police a récemment arrêté un extrémiste religieux, qui a purgé une peine de prison pour son implication dans une affaire terroriste, qui avait en sa possession un plan de la prison des femmes de Manouba. L’enquête a révélé que ce plan lui a été fourni par la très connue jihadiste Fatma Zouaghi (23 ans), incarcérée dans cette prison.

Cette ex-étudiante en médecine, qui a été arrêtée en 2014, pour son appartenance à la Katiba Oqba Ibn Nafaa, relevant de l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont les éléments sont déployés dans les montagnes de l’ouest tunisien, à la frontière algérienne. Elle était très proches des chefs terroristes, tels Khaled Chaïb, alias Lokman Abou Sakhr, abattu en 2015 à Gafsa, et Afif Laamouri. Elle était notamment chargée de recruter des jeunes filles à Siliana et à Kasserine pour le jihad nikah avant d’être promue chef de la cellule de communication de la Katiba, en remplacement à Afif Laamouri.

En prison, elle a fait la connaissance de 2 filles, R. K et H. N., détenues pour des délits de droit commun, qui sont les cousines d’un lieutenant-chef chargé de la sécurité des prisonnières à Manouba, que nous appellerons Mohamed (pseudonyme).

Fatma Zouaghi n’a pas tardé à tisser des liens avec les cousines et a même réussi à prendre contact avec Mohamed, qui l’a aidée à communiquer avec des terroristes incarcérés à la prison pour hommes de Mornaguia. Ce dernier a notamment transmis le plan de la prison à des jihadistes, qui ont préparé un plan d’évasion des jihadettes de la prison de Manouba, plan qui a été déjoué.

«Demande à Amine de remettre le papier à Mohamed (pseudo), et tu lui demandes ce qu’il est advenu de I. R. et ce qu’elle a fait depuis le jour du procès de Z. I avec H. N.  Transmet le message par le même biais ou par S. M.», lit-on, notamment, dans un des bouts de papier, dissimulés dans une boîte de chamia, qui ont circulé entre les prisons de Manouba et de Mornaguia.

Le garde pénitentiaire, qui assurait ces contacts, a été démasqué par ses collègues, mais les preuves rassemblées contre lui n’ont pas permis à la direction de le suspendre, qui s’est contenté de le transférer au tribunal de Tunis 2.

A Manouba, a-t-on aussi appris, plus de 15 détenues ont réussi à former une cellule terroriste qui a été démantelée et  ses membres séparées et réparties entre plusieurs prisons éloignées les unes des autres. Parmi les membres de cette cellule, on citera Fatma Zouaghi, Rim Riahi, Saida Ben Ali et Hanene Azri.

Le plan de la prison envoyé par Fatma Zouaghi à un jihadiste arrêté. 

Dans le cadre de notre enquête, nous avons aussi appris que des messages vocaux circulent souvent d’une prison à une autre et ce par le biais des membres d’associations islamistes qui, au prétexte de défendre les droits des détenus, apporteraient leur aide aux éléments terroristes. En effet, lors des parloirs spéciaux, ces activistes enregistrent des messages des détenus, souvent codés et où les noms sont désignés par des initiales, et les transmettent à d’autres détenus, dans la même prison ou dans d’autres, au cours de visites similaires.

C’est ainsi que des cellules sont formées, les chefs terroristes choisissant des prisonniers les plus vulnérables pour les endoctriner. Des ouvrages de propagande jihadistes, interdits de circulation dans les prisons, se retrouvent souvent dans les cellules, et par le même canal.

Le problème, car problème il y a : non seulement on n’a pas remédié à ces failles dans le système carcéral tunisien, mais les associations complices des cellules jihadistes continuent d’agir presque en plein jour et ne sont nullement inquiétées.

Outre ces associations, certains avocats islamistes, qui se sont spécialisés dans la défense des suspects poursuivis dans des affaires terroristes, s’adonnent aux mêmes pratiques, profitant de leur statut, dans l’impunité totale.

Notons que le Syndicat des prisons et de la rééducation avait, en mai dernier, tiré la sonnette d’alarme sur ces pratiques et appelé à la mise en place de systèmes de contrôle plus sévères et de dispositions particulières pour empêcher les éléments terroristes de continuer à agir de derrière les barreaux.

 

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